Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
E

Empire (Premier). (suite)

L'Angleterre ne désarme pas pour autant : elle forme une quatrième coalition. La Prusse, jalouse de l'extension française en Allemagne, prend la place de l'Autriche aux côtés de la Russie. Le 7 octobre 1806, le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III, adresse un ultimatum à la France, l'invitant à évacuer l'Allemagne. La riposte de Napoléon est foudroyante : l'armée prussienne, pourtant considérée depuis Frédéric II comme invincible, est écrasée à Iéna et à Auerstetd le 14 octobre 1806. La Prusse s'effondre en quelques jours, avant même que les Russes aient le temps d'intervenir. Napoléon part les affronter en Pologne. Le combat, qui a lieu à Eylau le 8 février 1807, est particulièrement sanglant. Interrompues pendant l'hiver, les opérations reprennent au printemps, et Napoléon l'emporte à Friedland le 14 juin 1807. Le tsar se résigne à traiter : la paix de Tilsit, signée le 7 juillet 1807, établit une alliance franco-russe par laquelle Alexandre Ier reconnaît les conquêtes de Napoléon, propose sa médiation dans le conflit franco-anglais et, en cas de refus de Londres, accepte de se joindre à la France contre l'Angleterre. En retour, Napoléon offre sa médiation dans le conflit russo-turc et, si Constantinople refuse, envisage de concert avec la Russie un démembrement de l'empire turc. Réduit à la Prusse proprement dite, à la Silésie, à la Poméranie et au Brandebourg, le royaume de Prusse est démantelé au profit du royaume de Westphalie, confié à Jérôme Bonaparte. À la Saxe, dont l'Électeur, bien qu'entré dans la quatrième coalition, reçoit le titre de roi, est rattaché le duché de Varsovie, constitué par les territoires polonais annexés par la Prusse à la suite des partages. La Saxe et la Westphalie font désormais partie de la Confédération du Rhin, qui englobe toute l'Allemagne, à l'exception de la Prusse.

Les causes des victoires

Comment expliquer ces rapides et éclatantes victoires françaises ? Face à des forces constituées le plus souvent de mercenaires, Napoléon dispose d'une armée nationale : la Grande Armée est en effet recrutée selon le système de la conscription établi sous le Directoire et qui concerne tous les Français de 20 à 25 ans révolus. Un contingent - car tous les conscrits ne partent pas - est fixé par la loi et le remplacement est autorisé. Pays jeune, la France est un véritable réservoir de soldats. En outre, Napoléon, à partir de 1806, fait appel à des contingents étrangers. Il dispose donc d'effectifs nombreux. Son armée est formée de divisions de dix mille hommes environ, cavaliers, fantassins et artilleurs lui assurant son autonomie. Rapidité et effet de surprise sont les bases de la stratégie napoléonienne. L'Empereur attache aussi une grande importance à la topographie : à cet égard, les grandes plaines de Pologne ou de Russie lui conviennent moins bien que les pays accidentés. En revanche, il ne porte aucun intérêt au climat et il se soucie peu d'éclairer le terrain, ce qui a failli le perdre à Marengo. Il ne perfectionne pas non plus l'armement : le canon de Gribeauval et le fusil modèle 1777, corrigé en l'an IX, d'une portée de 600 mètres et permettant trois coups à la minute, équipent encore son armée.

Le Blocus continental

Faute de pouvoir débarquer en Angleterre après le désastre de Trafalgar, Napoléon imagine de porter la guerre sur le plan économique. Il entend ruiner son adversaire et l'empêcher ainsi de former de nouvelles coalitions. La prospérité de l'Angleterre repose en effet sur ses exportations : denrées exotiques venues de ses colonies et produits manufacturés que son avance technologique sur le continent permet de vendre à bas prix. Lui fermer les ports européens serait donc la condamner à l'asphyxie. Les Anglais ayant prétendu, lors de la reprise de la guerre, bloquer les ports français, Napoléon riposte par le décret de Berlin du 21 novembre 1806 : « Les îles Britanniques sont en état de blocus. » Mais, comme l'Empereur n'a pas les moyens de bloquer les ports anglais, il ferme le continent à la flotte britannique. Toutefois, il ne parvient pas à mettre en place un blocus total. La contrebande se développe en Hollande, en Italie, en mer du Nord. La fonction de douanier joue désormais un rôle essentiel dans l'Empire.

La guerre d'Espagne

Le Blocus continental est l'une des causes de l'intervention française en Espagne. En effet, malgré les remontrances françaises, le Portugal continue d'accueillir des navires anglais : Napoléon, qui ne peut intervenir par la mer, est contraint de passer par l'Espagne. Aussi signe-t-il avec le gouvernement de Madrid, le 27 octobre 1807, le traité de Fontainebleau qui prévoit le partage du Portugal. Dès lors, les troupes françaises commandées par Junot, après avoir franchi la frontière espagnole, envahissent le Portugal ; le 30 novembre 1807, Junot entre dans Lisbonne. À la suite de cette facile intervention, Napoléon convoque le roi Charles IV, son fils Ferdinand et le Premier ministre Godoy à Bayonne en mai 1808, arrache aux souverains espagnols leur abdication et confie le trône d'Espagne à son frère aîné Joseph, envoyant son beau-frère Murat à Naples. Mais, le 2 mai 1808, une insurrection éclate à Madrid, immortalisée par le tableau de Goya : malgré une Constitution libérale rédigée par des notables, le peuple espagnol rejette Joseph. Seule la victoire de Medina del Rio Seco, le 14 juillet 1808, lui permet d'entrer à Madrid. Victoire, d'ailleurs, de courte durée : le 22 juillet, le général Dupont est défait à Baylen, en Andalousie, et Joseph s'enfuit de sa capitale, tandis qu'au Portugal, Junot est battu par les Anglais à Vimeiro et doit quitter le pays. Napoléon décide alors de se rendre lui-même dans la péninsule Ibérique. Mais il lui fallait tenir compte d'un réarmement de l'Autriche encouragé par Londres. Pour neutraliser Vienne, il a besoin de la Russie : de là l'entrevue d'Erfurt avec Alexandre Ier en septembre 1808. Prévenu par Talleyrand de l'impopularité en France de l'expédition d'Espagne, le tsar ne s'engage cependant à intervenir qu'au cas où l'Autriche prendrait l'initiative du conflit. C'est donc sans autre garantie que Napoléon gagne l'Espagne. Il s'empare de Madrid, poursuit les Anglais, qui utilisent le Portugal comme base de leurs opérations, mais doit quitter brusquement le pays à l'annonce des réarmements autrichiens et d'un rapprochement Talleyrand-Fouché, qui laisse deviner une opposition en France à la guerre d'Espagne.