Dictionnaire de la danse 1999Éd. 1999
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John CAGE (1912-1992). (suite)

Inventeur inlassable, Cage ne cesse de questionner les idées courantes sur la composition l'interprétation, l'écoute, l'écriture de la musique, jusqu'à l'idée même de musique. Il redessine les rapports entre les interprètes et le chef d'orchestre, le public et les danseurs, la production de l'événement sonore et sa réception, la frontière entre musique et bruit, interprétation et composition. Empruntant des détours par différents domaines tels l'écriture philosophique, l'engagement politique anarchiste, la pratique des arts plastiques, il élargit plus que tout autre compositeur du XXe s. le concept de musique et les rapports qu'elle entretient avec les autres arts, exerçant ainsi une influence déterminante sur toute la pensée et la production artistique contemporaine.

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Sur la musique de Cage. *Erdman (Forever and Sunsmell, 1942 ; Daughters of the Lonesome Isle, 1945 ; Ophelia, 1946) ; *Waring (*Dances Before the Wall, 1973) ; *Taylor (Seven New Dances, 1957) ; *Van Manen (Solo for Voice, 1968; Twilight, 1972) ; *Hoffmann (*Solo mit Sofa, 1977) ; *Feld (Three Dances, 1983) ; T. *Brown (1989, Astral Converted) ; *Kilián (Obscure Temptation, 1991 ; Stepping Stones, 1991).
Bibliographie. J. Cage, Silence, Wesleyan Univ. Press, Middletown, 1961 ; trad. française Denoël, Paris, 1970.
Filmographie. John Cage - Je n'ai rien à dire et je le dis (1990, réal. Allan Miller, WNET-New York).

Corrado CAGLI (1910-1976) .

Peintre et décorateur italien.

Rejetant le courant néoclassique italien des années 1930, l'œuvre picturale de Corrado Cagli fait preuve, dès ses débuts, d'un style antidescriptif qui évoluera dans les années 1950 vers l'art informel. Persécuté par les lois antisémites, il émigre en 1937 à New York et réalise pour G. *Balanchine la scène et les costumes de The Triumph of Bacchus and Ariadne (1948). De retour à Rome, il travaille pour A. *Milloss et crée des scénographies qui, inspirées des mythes africains et polynésiens, révèlent une dimension imaginative et fantastique très épurée.

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Autres scénographies. Aurel von Milloss (Bacchus et Ariane, 1957 ; Estro Arguto, 1957 ; Jeux, 1967 ; Estri, 1968 ; La Pazzia Senile, 1968 ; Fantasia Indiana, 1971 ; An Die Zeiten Ballet, 1972 ; Dedalo, 1972) ;? ? ? Egri (Agnese Di Hohenstaufen, 1974).

Louis de CAHUSAC (1706-1759).

Poète dramatique et lyrique, théoricien de la danseetde l'opéra français.

Fondateur de la Société littéraire de Montauban, qui devient Académie en 1746, il est l'auteur de plusieurs ouvrages dramatiques (Pharamond, le Comte de Warwick, Zénéide). Sa *comédie-ballet, l'Algérienne ou les Muses comédiennes, composée en 1744, pousse J.-Ph. *Rameau à lui demander des poèmes. Il en devient par la suite le principal librettiste, signant les livrets des *opéras-ballets les Fêtes de Polymnie (1745) et les Fêtes de l'Hymen et de l'Amour (1747), des *pastorales héroïques Zaïs (1748) et Naïs (1749), de la *tragédie lyrique Zoroastre (1749, poème composé en 1747), des actes de ballet la Naissance d'Osiris (1754) et Anacréon (1754)

Collaborateur de l'Encyclopédie, pour laquelle il écrit de nombreux articles (dont « Ballet », « Comédie-ballet », « Contredanse », « Danse », « Divertissement », « Enchantement », « Expression », « Fête », « Geste », « Intermède »), il consacre à la danse son plus important ouvrage, la Danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse (Neaulme, La Haye et Paris, 1754). La première partie, en quatre livres, retrace l'histoire de la danse et de ses rapports avec la représentation théâtrale. Dans la deuxième partie, en quatre livres également, Cahusac élabore une réflexion théorique et critique sur les principes du théâtre lyrique français, en prenant la danse comme modèle d'intelligibilité. Il voit en Ph. *Quinault le véritable inventeur du ballet dramatisé dans la tragédie lyrique, qu'il oppose au *ballet de cour. Dans la tragédie lyrique, en effet, la danse, non seulement doit représenter autre chose qu'elle-même, mais elle doit aussi faire progresser l'action en s'insérant dans le dispositif poétique d'ensemble. La réflexion s'élargit à l'opéra en général, et formule la plupart des problèmes concernant la dramatisation du ballet, la légitimité de la danse et celle de la musique : distinguant l'opéra français de l'opéra italien, il développe une théorie de la nécessité et de la vraisemblance du merveilleux qu'il considère comme la « pierre fondamentale » de l'opéra français, le merveilleux trouvant, selon lui, dans la danse et dans la musique une expression quasi naturelle, qui justifie de plein droit leur présence. Cet ouvrage, fruit de la réflexion d'un homme de terrain, présente l'intérêt d'ouvrir le débat sur le ballet et la danse dits d'« action », qui sera au cœur des écrits de J. G. *Noverre et des théoriciens de la danse du XVIIIe siècle.

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Bibliographie. E. Soleville, « Louis de Cahusac, poète dramatique », in Forestié Emerand, Biographie de Tarn-et-Garonne, Imprimerie de Forestié neveu, Montauban, 1860

Alexander CALDER (1898-1976).

Sculpteur, dessinateur et peintre américain.

Né dans une famille de sculpteurs, il fait des études d'ingénieur puis de peinture. En 1926, il se rend à Paris et entre en contact avec Hans Arp, J. *Miró, F. *Léger et Piet Mondrian. Plaçant au cœur de son œuvre le rapport au jeu et au mouvement, il développe une production de sculptures mues par le déplacement de l'air, ses fameux mobiles, ou d'assemblages fixes de plaques découpées baptisés « stabiles ». Cet attrait pour le mouvement le conduira à créer quelques décors pour la danse, les premiers étant destinés à M. *Graham (Panorama, 1935, avec A. *Lauterer ; For Movements & Horizon, 1936).

Calder s'appuie sur la nature diverse des mouvements, vitesse et amplitude différentes s'agençant pour composer un miracle d'équilibre. C'est ce principe qu'il met en œuvre en 1938 dans son Ballet pour 14 jets d'eau et en 1968 dans son Work in Progress, un ballet de mobiles mis en scène par Giovanni Carandente. Dans ses décors, le rythme crée la ligne, la dynamise et lui donne la finesse de forme, les traits anguleux qui en caractérisent les contours. Pour America (1971, N. *Schmucki), il imagine d'immenses volutes qui ouvrent l'espace de fond de scène. Ainsi danse et décors se complètent en un jeu de balanciers sensibles : « Ses mobiles ne suggèrent pas le mouvement mais le captent », soulignera le philosophe Jean-Paul Sartre.