Dictionnaire de la danse 1999Éd. 1999
C

Birgit CULLBERG (née en 1908). (suite)

Créatrice dramatique, soucieuse de rendre ses œuvres compréhensibles, elle n'est jamais abstraite. Elle met en application le principe de Jooss : "jamais un mouvement qui ne soit pas au service de l'argument, pas de pas ornemental", et trouve souvent l'inspiration dans sa propre expérience : ses complexes (Skugga över leken [le Jeu ombragé], 1939 ; nouvelles vers. 1944, 1947 ; Oscarsbalen [le Bal d'Oscar], 1950), son divorce (*Medea, 1950), ses amours (Frun från havet [la Femme de la mer], 1960). Elle est aussi une des premières chorégraphes à réfléchir sur les possibilités nouvelles qu'apporte à la danse la télévision, pour laquelle elle crée Den elaka drottningen [la Reine méchante], qui lui vaut le prix Italia en 1961, ou encore Rött vin i gröna glas [*Vin rouge dans des verres verts] (1970). Auteur de Baleten och vi [le Ballet et nous] en 1952, elle développe ses théories dans Dans i nya dimensioner [Danse en de nouvelles dimensions], publié en 1987.

BH

Autres chorégraphies. Occupation (1944) ; *Adam et Ève (1961) ; *Eurydice est morte (1968) ; Révolte (1973, mus. *Bartók) ; l'École des femmes (1974, d'apr. *Molière) ; Rapport (1976).
Bibliographie. « Birgit Cullberg », Dance Perspectives, 1967 (en anglais).

Blondell CUMMINGS (née en 1945).

Danseuse et chorégraphe américaine.

Élevée à Harlem, formée aux écoles de M. *Graham, J. *Limón et A. *Ailey, elle se produit ensuite avec Richard Bull, K. *Takei et R. *Rodgers. Membre dès l'origine de la compagnie The House de M. *Monk, elle obtient un grand succès avec elle dans *Education of the Girlchild (1973). En 1978, elle crée la Cycle Arts Foundation, et organise des ateliers de travail, notamment sur des problèmes sociaux. Pendant les années 1980, elle se fait remarquer par ses solos saisissants et ses projets multimédia.

TDF

Autres chorégraphies. The Ladies and Me (1979) ; Chicken Soup (1981) ; The Art of War/Nine Situations (1984) ; Omadele and Giuseppe (1991).

Merce CUNNINGHAM, [C. Mercier dit ] (né en 1919).

Danseur, chorégraphe et pédagogue américain.

Originaire de la côte ouest, il se produit dès l'âge de douze ans dans des spectacles de *vaudeville avec son premier professeur, Mrs. Barrett. Il intègre la Cornish School de Seattle (1937-1939) en section théâtre, puis choisit de se former en danse ; élève de Bonnie Bird (technique *Graham et composition, méthode *Horst), il rencontre alors J. *Cage (1938) qui accompagne les classes au piano. Leur association de plus d'un demi-siècle, nourrie de M. *Duchamp, de James Joyce et du zen, va influencer radicalement les arts vivants. De 1939 à 1945, Cunningham se produit avec M. Graham. Décrit par E. *Denby comme « l'un des plus beaux danseurs américains », il crée de nombreux rôles, notamment dans Every Soul Is a Circus (1939), El Penitente (1940), *Letter to the World (1940), *Appalachian Spring (1944). Outre des solos (avec Cage, pour la première fois en 1944), il chorégraphie des pièces de groupe pour divers interprètes, jusqu'à la fondation de sa compagnie en 1953 au *Black Mountain College (avec V. *Farber, C. *Brown, R. *Charlip, P. *Taylor, etc.). Cage en est le directeur musical, entouré régulièrement de compositeurs interprétant en direct des partitions de musique électronique dont ses deux successeurs : D. *Tudor (1994-1996) et T. *Kosugi (depuis 1996). R. *Rauschenberg en devient le plasticien attitré jusqu'en 1964, suivi de conseillers artistiques permanents (J. *Johns, M. *Lancaster, W. *Anastasi, D. *Bradshaw) ou invités (A. *Warhol, Frank Stella, etc.). La compagnie effectue sa première tournée mondiale en 1964, se produisant notamment en France - pays qui jouera un rôle important dans la carrière de Cunningham - et en Autriche où est donné le premier *event. Auteur de plus de cent cinquante œuvres présentées dans le monde entier, parfois intégrées au répertoire d'autres compagnies (*NYCB, *ABT, *Boston B., *Cullberg B., *Op. de Paris, *Rambert D. Co., notamment), il reçoit de nombreux prix et distinctions, dont la Guggenheim Fellowship dès 1954.

Dans les années 1940, Cunningham crée avec Cage des œuvres parfois qualifiées de « dadaïstes » à partir de structures rythmiques communes à la danse et à la musique. Au début des années 1950, il commence à utiliser les procédés *aléatoires (Yijing [Livre des mutations], la plupart du temps) pour déterminer les éléments et l'organisation de sa chorégraphie (parties du corps en mouvement, directions, déplacements, continuités, durées). Dorénavant la danse et la musique coïncideront simplement dans le temps et l'espace, et très rares seront les cas où la musique préexistera à la danse (Septet, 1953, mus. E. *Satie ; *Roaratorio, 1983, mus. Cage). À partir des années 1970, Cunningham aborde la vidéo et le cinéma : ses collaborations avec des réalisateurs attitrés, Ch. *Atlas de 1973 à 1983 (*Channels / Inserts ; *Locale ; etc.) et Elliot Caplan à partir de 1985 (*Points in Space ; Beach Birds for Camera, 1991 ; etc.), lui permettent de dépasser les limites imposées par la scène. Dans les années 1990, il se saisit de l'ordinateur pour trouver des mouvements et des enchaînements inconcevables autrement, notamment dans Windows (1995).

Alors qu'il danse encore pour Graham, Cunningham commence à élaborer sur lui-même la technique qui convient à son emploi de l'aléatoire et à son appétit de liberté : libérant les membres et le torse en axant le mouvement sur la colonne vertébrale, elle favorise la virtuosité et la vélocité. Dispensée par lui-même et les danseurs de la compagnie dans ses studios successifs à New York, puis transmise à travers le monde, elle devient bientôt une référence dans la formation en danse contemporaine.

Son œuvre, indissociable de son travail avec Cage, marque une rupture radicale avec le ballet et la *modern dance dont, *postmoderne avant la lettre, il rejette les codes. Il bannit toute expressivité du chorégraphe ou de l'interprète : « S'il y a un désir d'expression personnelle, la psychanalyse est le domaine qui convient. » Se référant fréquemment à la circulation des oiseaux ou des piétons, Cunningham est le premier à utiliser des gestes de tous les jours comme le mouvement pur (Excerpts from Symphonie pour un homme seul, 1952) et ; si, pour lui, « n'importe quel mouvement peut être de la danse », l'aléatoire en propose d'inimaginables. Il juxtapose les disciplines sur la scène, multiplie les centres et les points de vue, rejette le diktat de la frontalité, bouleversant ainsi le regard du spectateur.