– Golan : Ayant refusé de participer aux conversations, la Syrie n'est plus évoquée. On en reste donc au plan de paix de juillet 1977 qui parlait de « repli profond » pour le Sinaï et « important » pour le Golan.

Symbole

Begin a tout de même relancé l'enchère assez pour que, après avoir obtenu en acompte la libération de quelques détenus arabes, Sadate joue son troisième coup de poker : pour son 59e anniversaire, le jour de Noël, il invite Begin à Ismailia, ville symbole de la guerre du Kippour, base de départ secrète avant d'être ravagée par la contre-offensive, et lieu plus discret que Le Caire où un déchaînement : gigantesque d'allégresse populaire risquerait de grossir l'échec diplomatique qui pourrait suivre.

Les mêmes 2 000 journalistes envahissent malgré tout la ville en fête, où règne une cordialité de week-end. Au volant de sa voiture, Sadate enlève même Begin pour un tête-à-tête à l'écart. Pourtant, c'est encore un demi-échec. « Lorsqu'on veut se débarrasser d'un problème insoluble, on en charge une commission », dit la vieille routine parlementaire. Les négociateurs en créent deux : une militaire au Caire, une politique à Jérusalem. Un optimiste israélien résume : « Les séances de théâtre sont terminées : celles de travail commencent. »

En réalité, après la réaffirmation des désaccords, la commission militaire ne fait que passer, du 11 au 13 janvier 1978, au palais de Tahra près de l'aérodrome du Caire. À Jérusalem, c'est pire. Faute d'accord sur l'ordre du jour, la première réunion de la commission politique, prévue pour le 16 janvier, est reportée au lendemain. Menaçant de n'y plus participer, le secrétaire d'État américain Cyrus Vance fait accepter un ordre du jour en trois points, mais, les travaux s'enlisant dès le début, Sadate déclenche une vague d'électrochoc pour obliger, semble-t-il, Carter à faire pression sur Jérusalem. Le 13 janvier, le Jerusalem Post publie une interview (la première accordée à un journal israélien) où il pose à nouveau comme condition « le retrait total du Sinaï » et, surtout, le 17, le jour même où la commission politique commence enfin à travailler tous nerfs tendus, il se déchaîne dans la revue Octobre : « Nous allons devoir changer de tactique à l'égard d'Israël qui regrettera d'avoir fait jaillir de nouvelles sources de haine, d'amertume et de fanatisme... Une perte catastrophique pour Israël, car le fossé de la haine ne pourra pas être comblé même après plusieurs siècles... »

Impasse

Accusant l'État hébreu de prendre les Égyptiens pour des imbéciles et de vouloir prendre sans rien donner en échange, le président Sadate s'attaque directement à celui qu'il appelait hier « son ami Begin » qu'il met au défi de « saboter son initiative de paix comme il a saboté l'hôtel King David » (allusion à un attentat sanglant dont Menahem Begin a été responsable lorsqu'il dirigeait le terrorisme juif anti-anglais). Enfin, le rais revient à l'obstacle permanent sur lequel butent les discussions : « Israël est revenu à ses anciens slogans, afin de faire tourner l'initiative de paix dans un cercle vicieux. Ce pays déclare avoir besoin de sécurité et que, pour l'obtenir, il faut implanter une série de colonies armées dans les territoires des autres. Cette solution est inacceptable et nous devons la refuser, car cela signifie qu'Israël est retourné à sa vieille politique d'imposer aux Arabes ce qui est inacceptable pour qu'ils le refusent. » Nous sommes loin des embrassades de Jérusalem !

C'est déjà l'annonce du 4e coup de théâtre : dès le lendemain, Sadate rappelle au Caire son ministre des Affaires étrangères, Mohamed Kamel, un musulman qui, pour faire plaisir aux voisins arabes, a remplacé son prédécesseur copte. Malgré un coup de téléphone immédiat du président Carter, il n'accepte de reprendre les conversations que si Israël « modifie sa position », Israël dont il dénonce publiquement l'« arrogance ». Stupéfait et furieux, Begin réplique en ajournant le retour au Caire de sa mission militaire, après avoir reproché à la presse égyptienne de le traiter de Shylock et à l'Égypte d'avoir « le toupet de réclamer un nouveau partage de Jérusalem... comme si on exigeait le découpage de Paris ! »