Conséquence du refroidissement des relations soviéto-iraqiennes, l'Iraq accentue son rapprochement avec l'Occident, et en particulier avec la France, qui s'est engagée à fournir à l'armée iraqienne 72 Mirage F 1. Paris accepte, d'autre part, d'assurer la maintenance de certains types de matériels terrestres de conception soviétique. Au début de novembre, un accord est conclu en vue de la fourniture par la France d'un réacteur nucléaire de recherches ainsi que de sa charge, d'environ 12 kg, d'uranium enrichi à 93 %.

Proche-Orient

Journée historique à Jérusalem, la rencontre Sadate-Begin

Même si l'espoir s'est vite fêlé, même si la conférence de Genève reste, comme l'Arlésienne, celle dont on parle toujours sans la voir jamais, rien ne pourra plus être tout à fait comme avant entre l'Égypte et Israël depuis ce 9 novembre 1977.

Surprise

Ce jour-là, au Caire, devant le Parlement, le président Anouar el-Sadate prononce la petite phrase qui écrit l'Histoire : « Les Israéliens seront étonnés quand ils apprendront ce que je vais dire, mais je le dis : je suis prêt à me rendre à la Knesset et à discuter de la paix avec eux. » Premier coup de théâtre d'une dramaturgie politique longuement préméditée et préparée, dira-t-on plus tard, et magistralement conduite pendant plusieurs mois.

Premier succès dû à la surprise : applaudissements de tous, même, affirment les témoins, du leader de l'OLP, Yasser Arafat qui, pourtant, risque de faire les frais de cet envol de colombes. Quant aux Israéliens, la plupart sont non seulement étonnés, mais abasourdis au point de n'en pas croire leurs oreilles. Certains commentateurs prétendront bientôt que Sadate a depuis longtemps testé les chances de réussite de son coup de poker, par l'intermédiaire d'amis sûrs comme les États-Unis et la Roumanie, seul pays de l'Est à ne pas avoir rompu les relations diplomatiques avec Israël après la guerre des Six Jours.

Pour mieux brouiller les pistes, le président Sadate aurait même lancé son armée dans de vastes manœuvres très visibles, avec installation de fortifications géantes le long du canal de Suez. Au point que les généraux israéliens, restés traumatisés par la surprise de la guerre du Kippour (Journal de l'année 1973-74), refusent de se laisser prendre à ce que, dans le journal Yedioth Aronoth, le No 1 de l'armée, le général Gour, dénonce comme « une nouvelle ruse ». Apparemment surpris, au contraire (peut-être aussi bon comédien que Sadate est bon dramaturge), Menahem Begin espère qu'il ne s'agit pas d'une « simple plaisanterie » et saisit aussitôt la perche tendue. Il rappelle que, dès son arrivée au pouvoir en juin 1977, il s'est déclaré « prêt à aller au Caire ou dans toute autre capitale arabe pour négocier une paix véritable ». Il recevra donc son homologue égyptien « avec tous les honneurs dus à un chef d'État ».

Miracle

L'utopie en marche devient vite mystique : citant la Bible et le Coran, Menahem Begin lance un appel radiotélévisé, relayé en langue arabe, au peuple égyptien et à ses dirigeants : « Nous vous tendons la main... » Et, avec l'approbation massive de la Knesset (sauf 3 voix communistes), il invite à venir parler à sa tribune non seulement Sadate, mais les présidents libanais et syrien et le roi Hussein de Jordanie.

Seul Sadate viendra, après être allé à Damas tenter, en vain, de convaincre le président Assad de se joindre à sa croisade. D'autres, plus proches, le lâchent : son ministre des Affaires étrangères, Ismaïl Fahmi démissionne. Mohamed Ryad refuse de le remplacer. Un copte accepte de grand cœur : la colombe Pierre Boutros-Ghali. Les images télévisées en direct obligent le monde entier à croire à l'incroyable : à peine fini le sabbat du samedi 19 novembre, Anouar el-Sadate est acclamé sur l'aérodrome de Jérusalem devant 2 000 journalistes (600 de plus que pour le voyage du pape en Terre sainte), qui partagent jusqu'aux larmes l'émotion d'une foule électrisée par le miracle.

Tous les dirigeants d'Israël, les anciens et les nouveaux, font la haie, main tendue, pour souhaiter « shalom » (la paix) au chef d'un pays toujours en guerre avec le leur, puisque n'ayant jamais signé de traité de paix. Sadate se laisse même pousser dans les bras de Golda Meir !... Accolade que lui reprocheront les Arabes durs. Le lendemain dimanche, l'aube se lève sur une épreuve : à la mosquée el-Aqsa, haut lieu de l'Islam, la prière de la fête du mouton, commémorant le sacrifice d'Abraham, fête qui aurait, dit-on, poussé Sadate à précipiter sa venue. L'imam l'adjure de ne pas abandonner Jérusalem, de penser au sort des Palestiniens dont quelques-uns l'attendent à la sortie, criant : « Sadate traître ! » comme dans beaucoup de pays arabes poussés par les Palestiniens hostiles à cette opération qui leur échappe ; des émeutiers s'attaquent même à deux ambassades d'Égypte à Athènes et à Beyrouth. Et puis, tout comme ses gardes du corps, Sadate sait que, vingt-sept ans plus tôt, en cette même mosquée, un fanatique palestinien a abattu le roi Abdullah de Jordanie, grand-père de l'actuel roi Hussein, justement parce qu'il acceptait de négocier avec Israël.