Paris accueille un nouvel ambassadeur, Han Ke-hua, et d'importants visiteurs : le chef adjoint d'état-major, bras droit de Teng Hsiao-ping, les ministres des Affaires étrangères, du Commerce extérieur, un vice-Premier ministre. En janvier 1978, le Premier ministre Raymond Barre passe cinq jours en Chine, accompagné de sept super-hommes d'affaires. Au printemps, pendant que le port de Changhai reçoit une frégate française, le Duguay-Trouin (premier navire occidental à bénéficier de cet accueil depuis l'avènement du régime en 1949), au musée des Beaux-Arts de Pékin la foule défile devant l'exposition Paysans et paysages de France. Mince aperçu de la vaste offensive diplomatique lancée sur tous les fronts pour mettre à jour la politique étrangère de l'après-maoïsme.

URSS

L'enterrement de la Révolution culturelle éloigne la très orthodoxe Albanie, mais ne rapproche pas pour autant l'Union soviétique, plus violemment attaquée que jamais. Surtout lorsqu'en avril 1978 Leonid Brejnev fait une tournée des popotes le long des frontières sibériennes contestées. Pour verser un peu d'huile sur ce feu, Tito, qu'on ne traite plus de révisionniste, est reçu fastueusement à Pékin, premier chef d'État invité à visiter le mausolée de Mao fraîchement achevé. Plus brûlant encore, le traité sino-japonais que Pékin finit par obtenir malgré les pressions sur Tōkyō des Soviétiques dénonçant cette « menace pour la paix ». Même ce qu'ils prennent d'abord pour une revanche tourne à leur désavantage : l'expulsion par les Vietnamiens de centaines de milliers de résidents chinois qui refusent de se faire naturaliser et abandonnent leurs biens aussitôt récupérés. Réplique au soutien du Cambodge par Pékin dans le conflit sanglant qui l'oppose au Viêt-nam.

En juin 1978, la tension devient extrême : Hanoi autorise la Chine à venir récupérer ses expulses par bateaux, l'évacuation par les terres engorgeant déjà les frontières, et donne un trimestre pour en finir. L'ambassadeur chinois quitte Hanoi pour rentrer à Pékin, qui ferme trois consulats vietnamiens. Pékin dénonce, fin juin, un premier incident de frontière : des gardes vietnamiens auraient ouvert le feu sur des paysans chinois. Il est question à la même époque du rappel des experts et coopérants, autrement dit de l'arrêt de l'assistance technique chinoise (10 milliards de dollars au cours des dix dernières années). Est-ce l'amorce de cette « guerre inévitable » si souvent annoncée par les Chinois ? Moscou soutenant Hanoi, l'ancien ennemi commun s'alarme : fin mai, arrive à Pékin le conseiller du président Carter, Zbigniew Brzezinski, venu lui-même promettre l'accélération de la normalisation complète des relations, y compris le retrait de Formose, déjà très avancé.

Main tendue

« Les États-Unis reconnaîtront la Chine populaire l'an prochain », lance la presse sans provoquer de vrai démenti. Les appétits évidents de l'URSS du Proche-Orient au Pacifique, en passant par l'océan Indien, provoquent d'autres nouvelles alliances : avec les émirats du Golfe et le Koweït, inquiets pour les routes du pétrole ; avec l'Inde d'après Indira Gandhi, qui promet d'oublier les différends frontaliers ; avec le tiers monde en général et l'Afrique en particulier où les interventions soviétiques et cubaines font mieux accueillir les Chinois. Notamment au Zaïre après les massacres, ils approuvent la création d'une force interafricaine pour s'opposer « aux ingérences des deux superpuissances ».

Partout débarquent avec sourire et main tendue les commis voyageurs infatigables de la diplomatie chinoise : Inde, Pakistan, Bangladesh, Sri Lanka, Népal, Birmanie, Thaïlande, Philippines... L'itinéraire est clair qui remonte par l'Iran jusqu'à l'Europe, où les Chinois veulent acheter des armes modernes. Même le président Hua visite en voisin la Corée du Nord pour y conseiller le bon choix antisoviétique. Même réquisitoire répété au Premier ministre des îles Fidji reçu à Pékin avant le roi et la reine d'Espagne, accueillis avec des paso doble et une messe en latin dite pour eux par Mgr Yang Kao-chien, primat de l'Église de Chine, qui semble, elle aussi, participer à l'offensive diplomatique.