Un certain document no 11 du parti préconise même d'« ôter l'étiquette » (par l'amnistie) de tous ceux reconnus droitiers depuis vingt ans, depuis le mouvement de rectification de 1957 qui a suivi le piège des Cent Fleurs. Encore des dizaines, voire des centaines de milliers d'autres réhabilités ! Vague en retour, que Hua doit maîtriser pour ne pas être débordé par les puissants et nombreux amis de Teng Hsiao-ping, qui exigent à leur tour plus de têtes que le président n'aimerait en accorder. Ainsi, il s'oppose lui-même à l'éviction du maire de Pékin, Wu Teh, réélu et maintenu au bureau politique, et du commandant de la région militaire, le général Chen Hsi-lien, qui devient même vice-Premier ministre. Précaution suprême, l'un des quatre vice-présidents du nouveau Comité central, membre de son très puissant Comité permanent, est l'homme clef de la sécurité, Wang Tung-hsing, ancien garde du corps de Mao, dont le sort du régime a dépendu lorsqu'il a éliminé la bande des Quatre.

La hiérarchie

Teng Hsiao-ping, grâce à sa deuxième réhabilitation en juillet 1977, confirmée le mois suivant par le 11e Congrès du parti, retrouve ses titres : vice-président du parti, vice-Premier ministre, vice-président de la commission militaire du parti et chef d'état-major. Il ne devient ni Premier ministre, ni président de la République, puisque le poste n'est pas rétabli par la nouvelle Constitution. En revanche, il est élu président du Comité national de la conférence politique consultative du peuple, ce qui, à 74 ans, le place au 3e rang de la hiérarchie après le maréchal octogénaire Yeh Chien-ying, ministre de la Défense du précédent gouvernement, élu président du Comité permanent de l'Assemblée nationale du peuple, donc No 1 puisque chef de l'État. Le No 2 est le sexagénaire Hua Kuo-feng, à la fois Premier ministre et président du parti, donc chef suprême de l'armée. Hua Kuo-feng est le vrai détenteur légal du triple pouvoir réel : parti, armée, gouvernement. Pour bien montrer, tout de même, qu'il dirige aussi l'armée, Teng Hsiao-ping s'est fait déléguer à l'Assemblée nationale du peuple comme l'un des cinq cent trois représentants de l'armée.

La nouvelle Constitution

Adoptée le 6 mars 1978 par l'Assemblée nationale, la nouvelle Constitution comprend 60 articles, soit deux fois plus que la Constitution de 1975, qui aura vécu seulement 3 ans. Elle rappelle les libertés individuelles (parole, écrits, réunion, religion, droit de grève, etc.) ; elle s'attaque même à la persistance de mariages traditionnels forcés (« hommes et femmes se marieront selon leur propre et libre volonté »), surtout, elle cherche à donner un cadre légal plus solide à la démocratie en renforçant, notamment, les pouvoirs de l'Assemblée nationale du peuple et de son Comité permanent et en séparant plus clairement les pouvoirs : parti, exécutif, législatif, judiciaire (en rétablissant les parquets). Le Quotidien du peuple, deux semaines après sa publication, annonce la rédaction de Codes civil et pénal, alors que, depuis l'avènement du régime, personne ne sait exactement d'après quelles lois on est jugé. Tout cela, pour tenter d'en finir avec la justice expéditive des années précédentes et revenir à une société plus stable, préoccupée de la production (« il est interdit à quiconque de troubler l'ordre économique et la société »). L'article 10 est une nouveauté par rapport aux constitutions précédentes : il évoque les « stimulants matériels » qui doivent s'ajouter aux « encouragements moraux » pour « élever l'enthousiasme socialiste des citoyens ».

Objectifs

La 5e Assemblée nationale du peuple est enfin convoquée et siège du 26 février au 3 mars 1978. Elle confirme la suppression du poste de président de la République et la désignation comme Premier ministre de Hua Kuo-feng, qui invite tous les citoyens unis à une « nouvelle longue marche » de la production dont il fixe les objectifs pour 1985 : augmentation de 4 à 5 % par an pour la production agricole (jusqu'à 400 millions de t de blé, soit 30 % de plus) et augmentation annuelle de 10 % pour l'industrie, la production d'acier, avec 60 millions de t, étant multipliée par 3. Pour inciter les Chinois à retrousser leurs manches, la nouvelle Constitution annonce le retour aux stimulants matériels, aux primes de rendement.