Berbères

Jeune fille berbère
Jeune fille berbère

Populations occupant une vaste zone de l’Afrique septentrionale et saharienne. Sédentaires dans le nord-ouest du Maghreb, elles sont restées nomades ou semi-nomades quand elles n’ont pas été sédentarisées dans les zones désertiques du sud (Touareg). Les Berbères (Imazighen, pluriel de Amazigh « homme libre ») se définissent en grande partie par leur langue chamito-sémitique (tamazight) distincte de l'arabe, de tradition à dominante orale mais aux parlers très variés et régionalement isolés les uns des autres.

HISTOIRE

1. La répartition géographique des parlers berbères

Les Berbérophones se répartissent principalement entre l’Algérie et le Maroc.

En Algérie, la majorité des Berbères se concentre en Kabylie (dialecte : kabyle ou taqbaylit). Le nombre de kabylophones est estimé à 5 voire 6 millions dont 3 ou 3,5 millions en Kabylie et 2 ou 2,5 millions dans les grandes villes (en particulier à Alger), leur présence étant aussi très importante en France. Le chaouia (tacawit en berbère) dans l'est algérien (Aurès et régions avoisinantes) est le deuxième dialecte berbère d’Algérie par le nombre de ses locuteurs (estimé au moins à 2 millions). En outre, le chenoua est pratiqué en Algérie centrale, dans des zones dispersées, tandis que survit dans l'ouest du pays entre Tlemcen et la frontière marocaine un îlot berbérophone (Beni Snous) dont le parler est proche du rifain.

Au Maroc (ainsi que dans l’ensemble berbérophone), le dialecte chleuh (tachelhit en berbère) est le plus important par le nombre de ses locuteurs (autour de 8 millions). Il s'étend sur la plus grand partie de l'Atlas : sud-ouest du Haut Atlas, Anti Atlas et Sous. Le tamazight du Maroc central (à distinguer de la dénomination générique) est parlé par 4 à 5 millions de locuteurs dans une vaste zone couvrant l’ensemble du Moyen Atlas, la partie centrale et orientale du Haut Atlas, le djebel Saghro. Le rifain (ou tarifit) est parlé dans le nord-est du Maroc (autour de 3 millions de personnes). Avec les parlers des Beni Iznasen, ainsi que le chaouia, le rifain est classé dans la catégorie des dialectes « zénètes ».

En Tunisie, le berbère n’a guère survécu (quelques villages dans l’île de Djerba) tandis que dans l’est de l’Égypte, un dialecte berbère (tsiwit) s’est maintenu dans l’oasis de Siwa, non loin de la Libye qui abrite également, dans le nord-ouest (→ djebel Nefousa) quelques groupes restés berbères.

Quant aux Touareg (Kel Tamasheq, ceux de langue tamasheq), sahariens et sahéliens, ils occupent dans leur grande majorité les parties septentrionales du Mali et du Niger outre le sud de l'Algérie (Tamanrasset), le sud-ouest de la Libye (→ Fezzan) et la partie sahélienne du Burkina Faso. Les parlers touareg se distinguent par la conservation de l’ancienne écriture en caractères tifinagh.

Étroitement lié à la reconstruction d’une identité culturelle berbère, le passage à l’écrit (à base latine) se développe après 1945 et connaît un regain à partir des années 1970, la transcription en caractères tifinagh (néo-tifinagh) étant récemment envisagée par certains berbérophones dont les fondateurs de l’Académie berbère créée à Paris en 1966 et dissoute en 1978 sous la pression de l'Algérie.

2. Les origines et les premières royautés

Écartant les hypothèses sur une provenance extérieure, des travaux paléontologiques et archéologiques font remonter à la préhistoire l’ancienneté de la présence « berbère » en Afrique du Nord, de l'Homme de Mechta el-Arbi (environ 12 000 ans avant J.-C.) aux « Protoméditerranéens capsiens » (7 000-5 000 ans avant J.-C.) et aux foyers néolithiques du Sahara et du Maghreb (6 500-2 000 ans avant J.-C.).

L'entrée dans l’histoire des Berbères – dont les différents peuples sont appelés dans l'Antiquité Libyens (Lebou), Maures, Gétules ou Numides – est contemporaine de la civilisation punique avec les révoltes des derniers contre Carthage au ive siècle avant J.-C.

Au règne de Syphax, roi des Masaesyles de Numidie occidentale (iiie siècle avant J.-C.) succède celui de Masinissa, roi des Massyles, avant celui de Jugurtha (iie siècle avant J.-C.).

Après la défaite de Carthage (149-146 avant J.-C.), la conquête romaine conduit à une romanisation qui reste cependant limitée aux régions côtières et aux villes. Les tribus nomades ou semi-nomades de l’intérieur et celles au-delà du limes, désignées notamment sous le nom de Mazices (transcription du berbère Imazighen), échappent ou résistent à cette domination.

Pour en savoir plus, voir l'article Afrique romaine.

3. Islamisation, dissidences religieuses, arabisation

Islamisation et arabisation vont de pair, mais elles doivent être distinguées.

3.1. Islamisation

En partie romanisés puis christianisés, les Berbères (dont les plus importants groupes tribaux du Moyen Âge sont les Zénètes, les Sanhadjas et les Masmoudas) se convertissent massivement à l’islam aux viie et viiie siècles après J.-C., alors que l’arabisation est plus tardive et n’a jamais pu être menée intégralement.

Dès le début de la conquête arabe de l'Ifriqiya (670), les Berbères adhèrent ainsi sans difficulté à l’islam tout en se distinguant parfois, après les premières résistances – menées notamment par Koceila, un Awraba converti (683-686) et al-Kahina, reine des Djerawa zénètes (695-702) – par leur hétérodoxie. Ainsi de l’adhésion au kharidjisme pour de nombreuses tribus (royaume rustémide de → Tahert, 776-909) ou au chiisme pour les Kutamas (principal appui des Fatimides au xe siècle).

Par ailleurs, certaines pratiques religieuses (culte des saints) et doctrines (→ soufisme) peuvent les rendre suspects alors que le zèle réformateur fidèle au malékisme est à l’origine du grand mouvement almoravide qui combat notamment l’hérésie des Barghawata, les Almohades (qui mettent fin à cette dernière) se distinguant aussi par un rigorisme strict.

3.2. Arabisation

Les « invasions hilaliennes » du xie siècle par les tribus arabes des Banu Hilal et Banu Sulaym – auxquelles le calife fatimide du Caire « livre » l'Ifriqiya pour « punir » son souverain ziride qui s’était dégagé de sa tutelle au profit du calife abbasside de Bagdad et qui avait rejeté le chiisme – marquent une étape cruciale dans l’arabisation des populations berbères. Non pas en raison du nombre (relativement modeste) de ces nouveaux envahisseurs, mais plutôt d'une fusion accélérée entre modes de vie nomades ou semi-nomades déjà similaires. Les tribus nomades zénètes des plaines sont ainsi les premières à être arabisées, les communautés berbères paysannes et sédentaires se réduisant progressivement aux zones montagneuses.

Cependant, les relations entre Arabes et Berbères ne sont pas nécessairement conflictuelles : ce sont ainsi des contingents berbères qui forment le gros des troupes omeyyades de Tariq ibn Ziyad lors de la première conquête de l’Espagne en 711, et des chefs berbères peuvent s'appuyer sur des tribus arabes dans les luttes qu’ils se livrent entre eux, à l’instar de celle entre l'Almoravide Ibn Ghania et l’Almohade al-Mansur, à la fin du xiie siècle.

4. Les grandes dynasties et empires berbères

Formant des sociétés sans État de type segmentaire, structurées autour de la famille, du clan, de la tribu, parfois d'une « confédération » lâche se faisant et se défaisant au gré des luttes minutieusement décrites par Ibn Khaldun, les tribus berbères, guerrières, sont à l'origine de dynasties politiques régionalement circonscrites et des deux grands empires berbéro-andalous almoravide et almohade.

Entre la chute des Aghlabides en Ifriqiya (Tunisie actuelle approximativement) au début du xe siècle et la première lignée chérifienne des Sadiens au milieu du xvie siècle au Maghrib al-Aqsa (Maroc actuel), deux pouvoirs d'origine arabe se forment ainsi : notamment les royaumes ou empires des Zirides (972-1148), Hammadides (1015-1152), Almoravides (1061-1148), Almohades (1147-1269), Marinides (1269-1465), Hafsides (1229-1574), Abdalwadides (1236-1554), Wattasides (1472-1549), s’appuyant tous sur des tribus rattachées aux ensembles zénète, sanhadja ou masmouda.

Pour en savoir plus, voir les articles histoire de l'Algérie, histoire du Maroc, histoire de la Tunisie.

5. Les revendications amazigh à l’époque contemporaine

Les États arabo-musulmans issus des indépendances n’ont que très tardivement reconnu l’identité et l’apport historique des Amazigh et répondu à leurs revendications, pour l'essentiel d’ordre culturel et linguistique.

5.1. La crise de 1949

Né à la fin du xixe siècle, un courant « berbériste » se développe au sein du mouvement nationaliste algérien. Ses représentants réclament une « Algérie algérienne » contre les partisans d’une Algérie « arabo-musulmane », ce conflit conduisant à une crise au sein du PPA-MTLD (parti populaire algérien-Mouvement pour le triomphe des libertés démocratique) en 1949. L'opposition sourde entre « Kabyles » – en première ligne dans la lutte de libération nationale – et « Arabes » ne disparaît pas complètement par la suite.

L’arabisation entreprise dès l’indépendance de l’Algérie puis le conflit ouvert entre Hocine Aït Ahmed – accusé de « séparatisme » par le pouvoir – et Ahmed Ben Bella (1963) suivi du coup d’État de Houari Boumediene (1965) contribuent à faire renaître en Kabylie, à Alger et dans l’émigration une mouvance « berbériste » autonome.

5.2. Au Maroc

La question des droits de la minorité berbère prend un tour plus politique en 1980 avec le « printemps kabyle » (mars-avril 1980) qui n'est suivi d’aucune concession significative mais bénéficie d’un grand retentissement au Maroc. Dans ce pays, où l’arabisation est également une priorité gouvernementale dès les années 1950, un mouvement culturel amazigh se développe à la fin des années 1970 autour de l’Association de l’université d’été d'Agadir, les groupes les plus politisés étant ceux du Rif (Intilaka, lié à l’extrême gauche et dissout par le gouvernement en 1981) et du Moyen Atlas.

5.3. Depuis le milieu des années 1990

La question berbère prend une nouvelle acuité au milieu des années 1990 et au début des années 2000, les États algérien et marocain faisant alors preuve d'une certaine ouverture. C’est d’abord au Maroc que des concessions à l'« amazighité » sont (timidement) accordées par le roi Hasan II, qui dans son discours d'août 1994, préconise l’enseignement dans toutes les écoles primaires des trois « dialectes marocains » (tarifit, tamazight et tachelhit). Dans une logique d’institutionnalisation de la question, l'Institut royal de la culture amazigh (IRCAM) voit le jour en 2001.

En Algérie, après les émeutes d'avril 2001 en Kabylie, l'article 3 bis de la Constitution (introduit en 2002), accorde au tamazight le statut de langue nationale, « l'État œuvrant à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national ». La nouvelle Constitution marocaine de 2011, reconnaissant que l'unité du pays s'est « forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazigh et saharo-hassanie », fait de l'amazight « une langue officielle de l'État, en tant que patrimoine commun à tous les Marocains sans exception ».

Pour en savoir plus, voir l'article Algérie : vie politique depuis 1962, Maroc : vie politique depuis 1961.

BEAUX-ARTS

Malgré les occupations étrangères, les Berbères ont conservé un art traditionnel original. Ainsi, la maison à terrasse et les forteresses de l'Atlas doivent peu à l'islam ; quant au décor des objets de la vie quotidienne, on n'y trouve pas l'arabesque mais une symbolique archaïsante et une géométrie simple.

Pour en savoir plus, voir les articles littérature berbère, musique berbère.