Afin de mettre le maximum d'atouts dans son jeu, elle a demandé au président Pompidou non seulement le maximum de moyens de formation, depuis les centres de FPA jusqu'aux équipements universitaires supérieurs, mais aussi des infrastructures de base et surtout des voies de communication plus complètes. Après l'emploi, c'est là l'autre souci primordial de la Lorraine, qui rappelle non sans amertume qu'on a mis plus de dix ans pour construire l'autoroute Nancy-Metz, épine dorsale de la métropole, qui ne doit être achevée qu'à la fin de 1972.

On regrette surtout que l'excellente situation géographique de la Lorraine, véritable carrefour européen, ne soit pas mieux valorisée par le maillage de routes et de voies navigables qui en feraient une région de développement de premier ordre. La Sarre voisine, qui avait eu les mêmes problèmes de conversion industrielle à résoudre, a donné en cette matière un remarquable exemple.

Il est de fait que l'axe nord-sud, longtemps prôné comme une priorité nationale dans les discours officiels, est maintenant en voie d'abandon. La Moselle canalisée s'arrêtera en 1975-76 à Neuves-Maisons, et l'autoroute Nancy-Dijon, qui ouvrirait la Lorraine sur le sud de la France, n'est en rien inscrite au VIe Plan, même pas dans le domaine des études et des premières acquisitions de terrains. On doit accélérer les travaux de l'autoroute Paris-Strasbourg, mais la voie navigable ne sera pas commencée du côté lorrain.

L'expérience a montré que l'industrialisation est étroitement liée à l'amélioration des réseaux de transport. Un effort, lancé par le Comité interministériel du 21 décembre 1971, a été entrepris. Mais il se révèle tardif et insuffisant.

C'est tout au moins l'opinion des principaux responsables de cette région, qui savent qu'il leur faut maintenant jouer serré, que la Lorraine s'est engagée dans une nouvelle phase de son histoire économique et qu'à la moindre dégradation de la conjoncture nationale ou européenne les problèmes seraient pratiquement rendus insolubles.

Champagne-Ardenne

Les réticences des jeunes pour certains métiers sont particulièrement vives dans les Ardennes, où les grandes fonderies font depuis longtemps appel à de la main-d'œuvre étrangère. Ce qui provoque un départ massif des jeunes demandeurs d'emploi vers les autres régions du Bassin parisien. Dans ce département, les syndicats ont souvent dénoncé le chômage caché des jeunes qui n'ont jamais travaillé.

Aussi, les deux chambres de commerce et d'industrie des Ardennes ont-elles uni leurs efforts pour enrayer l'hémorragie et faire connaître les possibilités réelles qu'offrent leurs industries en pratiquant, parallèlement, une politique d'incitation à la reconversion. Dans les Ardennes, l'arrivée d'une usine Citroën près de Charleville-Mézières est considérée comme un premier remède.

En Haute-Marne, le département le plus sous-industrialisé du Bassin parisien, une grande campagne de charme a été lancée en direction des industriels susceptibles de venir s'implanter. Là encore on enregistre un exode (moins vif que dans les Ardennes) des jeunes. Le chômage technique vient de toucher durement la métallurgie, principalement à Wassy, Allichamps, à l'IHF de Saint-Dizier, aux forges de Courcelles, etc.

Pour sa part, l'Aube a le triste privilège de figurer parmi les dix départements français dont la moyenne salariale est la plus basse. Ce phénomène, qui n'est pas nouveau, est dû à l'emploi massif de personnel féminin dans la bonneterie. À noter que 1 354 emplois féminins ont été supprimés en deux ans, à la suite de la mise en place de matériel moderne.

Ce sont les Ardennes qui font le plus appel à la main-d'œuvre étrangère, et les villes de la vallée de la Meuse, Nouzonville, Bogny-sur-Meuse, Revin, Fumay, Vimeux, comptent un fort pourcentage de travailleurs portugais, italiens, espagnols, belges et surtout nord-africains.

Les municipalités se sont trouvées confrontées à un problème de logement qu'elles ont résolu tant bien que mal par la construction hâtive d'immeubles collectifs à bon marché. On retrouve dans les villes de véritables colonies étrangères dont l'intégration est extrêmement lente et difficile, pour ne pas dire nulle, lorsqu'il s'agit de la main-d'œuvre nord-africaine.