C'est un sujet sur lequel les syndicats demeurent volontairement discrets, mais qui n'en reste pas moins préoccupant, notamment à Reims où les travailleurs étrangers sont particulièrement isolés.

Démographie

Pour la première fois depuis des décennies, la tendance à la diminution régulière de la population a été renversée, constate le Programme régional de développement et d'équipement de la région Champagne-Ardenne (PRDE). La région Champagne-Ardenne comptait 1 315 000 habitants au 1er janvier 1971. Entre 1962 et 1968, la population régionale a connu un accroissement annuel de + 0,98 %, grâce notamment à la venue de 14 000 rapatriés. À l'issue du VIe Plan, la région pourrait compter, suivant les estimations du Commissariat général du Plan, plus de 1 382 000 habitants.

Région parisienne

Jamais vu de mémoire de Parisien : le 2 février 1972, plusieurs milliers d'ouvriers, d'employés, de cadres défilent de la Bastille à la République pour la défense de l'emploi dans la région parisienne.

À l'origine de cet événement inédit, une situation également inédite : la dégradation de la situation de l'emploi depuis un an a touché davantage la région parisienne que l'ensemble de la France. Prise de conscience brutale : c'est la fin d'une règle solide, qui voulait qu'à Paris pour un emploi de perdu dix soient retrouvés.

De janvier 1971 à mai 1972, les demandes d'emploi ont augmenté deux fois plus vite dans la région parisienne que dans l'ensemble de la France. Les chômeurs secourus ont progressé de 35 %.

Plus encore qu'à partir de données globales, c'est à des signes particuliers que se mesure l'aggravation. La région parisienne est devenue l'une de celles où la durée du chômage est la plus longue. L'Agence de l'emploi mettait en moyenne trente et un jours pour placer un demandeur d'emploi en avril 1971 ; un an plus tard, quarante jours. La main-d'œuvre qualifiée, relativement plus nombreuse en région parisienne qu'ailleurs, est entre autres la plus touchée. Paris reste le miroir aux alouettes : étrangers (avec ou sans contrat de travail) et jeunes provinciaux continuent d'y affluer. Résultat : les travailleurs étrangers représentent près du quart (22,7 %) des demandeurs d'emploi et la moitié des inscriptions nouvelles aux services de l'emploi viennent, en 1971, de jeunes de moins de vingt-cinq ans.

Embauche limitée

Cette dégradation s'explique par des raisons de conjoncture et par l'évolution des structures de l'économie régionale. La région parisienne a souffert davantage que les autres régions du tassement général de la conjoncture en 1971, sans bénéficier pour autant de la reprise du début de 1972.

Jean-Maris Esnault, rapporteur du Comité économique et social de la région parisienne, explique à ce sujet : « Notre région est particulièrement sensible aux mouvements de la conjoncture internationale. Ensuite, les structures des industries parisiennes où dominent les métaux, le bâtiment, la construction électrique et le papier rendent notre région plus sensible à une décélération des investissements — ce qui est le cas — qu'à une récession de la consommation, qui conserve un bon rythme. »

Aussi bien, les chefs d'entreprise ont-ils limité l'embauche, ce qui finalement pénalise en priorité les jeunes et les chômeurs âgés victimes de compression d'effectifs.

La rapidité de l'évolution des structures de l'économie régionale laisse entrevoir la prolongation des difficultés. Significatif : c'est un demi-million de personnes qui ont dû changer d'emploi en 1971 dans la région parisienne.

Les restructurations touchent plusieurs secteurs. Déjà nombreux en 1970 (12 600), les licenciements collectifs ont porté en 1971 sur 14 900 salariés de l'industrie et du commerce (chiffre qui exclut les licenciements, plus nombreux, mais inférieurs à 20 personnes). Sont affectées d'abord des activités typiquement parisiennes et qui, ayant peu évolué, craquent ou se concentrent. C'est le cas de l'imprimerie (450 licenciements en avril 1971 chez Lang, tandis qu'une dizaine d'autres opérations touchaient 30 ou 60 ouvriers ; fermeture de Paris Jour). Par ailleurs, un coup d'arrêt se manifeste dans des secteurs où la croissance a été très rapide au cours des dernières années : la chimie (1 000 suppressions d'emploi annoncées chez Roussel-Uclaf, fin 1971 ; fermeture de Melle, à Bezons...).