La première entreprise catalane à s'installer à Perpignan est la société Puuto Blanco, qui couvre 20 % du marché espagnol de la chaussette et compte 3 000 ouvriers à Igualada, près de Barcelone. L'usine roussillonnaise emploiera, en 1975, 230 employés. Ce sera la tête de pont, sur le marché européen, de la firme catalane. Et aussi de ces 40 autres entreprises de la région barcelonaise qui ont déposé, en 1971, un dossier auprès de l'IEME (Institut espagnol des monnaies étrangères). Le 4 mars 1971, Ribera Rovira, président de la Chambre de commerce et de navigation de Barcelone, entouré de 150 chefs d'entreprises catalanes, recevait une délégation du Roussillon conduite par Jacques Farran, président de la Chambre de commerce de Perpignan. Il saluait dans le Roussillon « notre Europe la plus proche ».

Faire du Roussillon, pays de civilisation catalane, le banc d'essai pour le Marché commun des entreprises de la Catalogne, telle est en effet l'ambition d'un groupe puissant d'industriels et de banquiers barcelonais. « Il nous importe de connaître les rouages administratifs, les méthodes commerciales et les goûts des consommateurs du Marché commun. Nous pouvons le faire à trois heures d'ici, dans un pays qui est le prolongement du nôtre et où l'on parle la même langue » explique Pere Pi Sunyer, dirigeant de la banque Urquijo.

Les entreprises décidées à jouer le jeu couvrent un champ très vaste : coton, alimentation, électronique, chimie, etc. Si les dossiers déposés à l'IEME aboutissent, ce sont quelque 3 000 emplois prévus.

Provence-Côte d'Azur

Le mot d'un industriel marseillais traduit la situation en Provence et sur la Côte d'Azur : « Ce n'est pas que le travail manque. La vérité oblige à dire que les hommes ne sont pas là pour l'accomplir. » Pas là où il faut, en tout cas. Depuis deux ans la région provençale connaît un renouveau économique inespéré. Mais il reste très inégalement réparti. Certains départements (comme les Alpes-Maritimes notamment) n'ont pas connu de véritable décollage : la structure de leur production a, au contraire, constitué un frein. D'autres (le Var et surtout les Bouches-du-Rhône) commencent à renverser la situation.

Le projet gigantesque de complexe sidérurgique et portuaire à Fos ne résout pas tout. Des déséquilibres fondamentaux subsistent, dont l'origine est plus lointaine. La mono-industrie du bâtiment, la sujétion aux aléas agricoles sont des aspects difficilement négligeables. Reposant sur des structures où les réactions conjoncturelles dominent pour une large part, le marché de l'emploi a toujours souffert d'un handicap fondamental : l'inadaptation quasi permanente de l'offre à la demande des entreprises.

Une telle situation était jusqu'à présent supportable. Les chefs d'entreprise n'avaient pas de trop sévères exigences. Tissée de petits et moyens commerces, d'activités plus proches de l'artisanat que de la véritable industrie, l'économie locale a pu longtemps parer au plus pressé. Ce n'est plus possible aujourd'hui. Les affaires multinationales qui s'installent à Fos, les sous-traitants venus de tous les coins de France pour construire les usines, ont besoin de main-d'œuvre qualifiée. Ils la trouvent de moins en moins. La région découvre ainsi à la fois son nouvel avenir industriel et son incapacité relative à l'assumer.

Tant qu'il s'est agi d'alimenter le bâtiment ou un secteur tertiaire (commerce et services) de médiocre niveau, le réservoir des jeunes sous-qualifiés et celui des travailleurs immigrés a pu suffire. Le risque couru aujourd'hui ne saurait être sous-estimé : c'est-à-dire que les emplois les plus rémunérateurs aillent à des étrangers, entraînés vers le Sud-Est dans le sillage de De Wendel, d'Ugine-Kuhlmann ou de quelques autres gros investisseurs français et étrangers.

Les administrations responsables en ont pris conscience : Pierre Billecocq, secrétaire d'État à l'Éducation nationale, a annoncé la mise en place d'un véritable observatoire de l'emploi régional. Le souci de l'Administration est de tenir à jour le tableau de bord des besoins, à moyen et à long terme. Dans le court terme, recyclage et formation accélérée devraient permettre de débloquer quelques verrous.