M. Héon, sénateur-maire de Bernay et président du conseil général de l'Eure, est décidé à mettre fin à ce mariage contre nature entre deux départements de forces aussi inégales. Pour lui, l'article premier de la loi de régionalisation qui fixe les limites et les dimensions de la région « est en flagrante contradiction avec le caractère libéral que le gouvernement dit avoir voulu donner à la réforme ». Il s'étonne que « pour regrouper deux communes, elles doivent être préalablement consultées — ce qui est bon — alors qu'on groupe des départements sans les consulter ». M. Héon constate aussi que la représentation du petit département dans le conseil régional se trouvera scandaleusement minoritaire. Sur les 41 membres du conseil, 31 appartiendront à la Seine-Maritime !

Enfin, M. Héon attire l'attention sur la charge financière que représenteront pour les deux départements quatre assemblées, deux conseils généraux, un conseil régional, un conseil économique, un état-major pour le préfet de région, une administration supplémentaire et son environnement matériel...

Derrière cette querelle du petit contre le grand se profile le désir de nombreux Normands de ne pas voir coupée en deux une province qui a affirmé son unité au long des siècles. Mais au-delà des arguments sentimentaux de la tradition, des motivations plus actuelles animent les responsables des mouvements pour la constitution d'une région Normandie englobant, outre l'Eure et la Seine-Maritime, l'Orne et le Calvados. Pour faire contrepoids à la masse humaine de la Seine-Maritime, les trois départements du sud de la Seine devraient pouvoir travailler ensemble : 1 100 000 habitants d'un côté, 1 500 000 de l'autre, le centre industriel et universitaire de Caen constituant un pôle attractif face à celui de la Basse-Seine et collaborant activement avec lui. Voilà qui séduit bien de nombreux Normands.

Basse-Normandie

Pour la troisième année consécutive, la situation de l'emploi continue à se dégrader en Basse-Normandie. Les trois premiers mois de l'année 1972 accusent une augmentation du nombre des demandes d'emploi non satisfaites de l'ordre de 10 à 15 % par rapport à la période correspondante de 1971. Fait aggravant : en 1971 on avait déjà enregistré une augmentation du nombre des chômeurs de 40 à 50 %.

Les raisons en sont multiples. Il y a tout d'abord la jeunesse de la population, la reconversion des ruraux qui doivent quitter la terre, les divers plans d'austérité qui ont freiné certains investissements (en matière d'équipements publics en particulier) et, enfin, le ralentissement de la décentralisation industrielle depuis trois ans, qui a entraîné une très nette diminution du nombre de créations d'emplois.

La situation est d'autant plus préoccupante qu'un chômeur sur deux est un jeune. À la fin du mois de décembre 1971, la proportion des moins de vingt-cinq ans parmi les demandeurs d'emploi était de 45,2 %. À noter aussi le nombre élevé des cinquante ans et plus (23 %) et, surtout, des femmes (45,1 %).

Inadéquation

C'est dans le secteur tertiaire que le chômage est le plus dramatique. Fin décembre 1970, on comptait parmi les demandeurs d'emploi 1 275 personnes relevant des métiers de bureau et assimilés. Leur nombre était de 1 665 un an plus tard, soit une augmentation de près de 30 %. Difficultés sensibles également pour les dessinateurs et agents techniques, en raison de la crise du bâtiment, et pour les métiers de manutention et de stockage.

En mars 1972, sur 4 255 allocataires de l'ASSEDIC, 1 080 (soit 1 sur 4) appartenaient aux professions commerciales et 965 aux bâtiments et travaux publics. 43 % avaient moins de trente ans et 13 % plus de soixante ans. Parallèlement, l'évolution des offres d'emploi non satisfaites fait apparaître une profonde inadéquation. Paradoxalement, leur nombre ne cesse en effet d'augmenter. Tous les records ont été battus en octobre 1971, avec 2 028 offres d'emploi non satisfaites, contre 948 pour le même mois de l'année précédente. Soit une augmentation de l'ordre de 160 % !