Les crédits alloués à la région sont insuffisants et, compte tenu des retards accumulés — en matière de formation professionnelle, de communications et de santé notamment —, la situation ne fait que se dégrader d'année en année. L'autoroute Paris-Normandie, dont la région attend avec impatience la réalisation, avait été remise en cause au début de 1972 pour des questions de rentabilité : il a fallu l'énergique intervention de pratiquement tous les responsables de la région pour que le planning soit à peu près respecté.

La construction du boulevard périphérique autour de Caen traîne depuis dix ans faute de crédits et d'une véritable politique d'urbanisation ; aussi la capitale régionale connaît-elle de sérieuses difficultés de circulation. D'autant que, faute de structures intercommunales au niveau de l'agglomération, certains problèmes aussi importants que l'alimentation en eau ou que les transports en commun ne peuvent trouver de solution valable.

Ces difficultés et cette morosité vont jusqu'à risquer de remettre en cause l'unité de la région. Si Caen a largement bénéficié de l'expansion des dernières années et ne voit pas d'un trop mauvais œil la création du triangle industriel Caen-Rouen-Le Havre, d'autres secteurs sont infiniment plus réservés. La Manche se demande si elle n'aurait pas intérêt à se rapprocher de la Bretagne, où les crédits sont plus généreusement attribués. L'Orne se sent parfois plus proche du Maine, à l'expansion plus dynamique. Et cela au moment où certains rêvent de refaire l'unité de la Normandie en réunissant Haute- et Basse-Normandie.

Bretagne

L'objectif de la Bretagne est de créer 40 000 emplois industriels nouveaux au cours du VIe Plan, pour faire face à la transformation de l'agriculture et à l'émigration des jeunes : en effet, le solde migratoire reste négatif de 4 000 personnes par an. Mais il s'agit aussi de changer les mentalités ; on constate parfois que des offres d'emploi ne peuvent être satisfaites parce que les jeunes gens formés pour ces métiers partent directement pour Paris sans chercher un emploi sur place.

Cela peut s'expliquer. Depuis quinze ans l'industrialisation nécessaire de la Bretagne a été surtout quantitative et peu d'emplois de qualité ont été introduits : « Je n'ai que peu d'avenir sur place car les postes de responsabilités sont peu nombreux », estime un jeune migrant. « De plus, je suis obligé, si je veux rester dans ma ville, de demeurer au service d'une seule entreprise. À Paris l'éventail est plus large. »

Les femmes

Ainsi les jeunes les plus qualifiés sont davantage attirés par l'émigration que ceux qui sortent des milieux ruraux et se contentent du premier emploi disponible. Ces derniers représentent au moins les deux tiers des demandeurs d'emploi non qualifiés.

Les femmes, qui constituent la moitié des demandeurs d'emploi, sont souvent orientées vers les métiers de bureau ou la couture.

Elles ont du mal à se placer. Leur nombre a doublé en quatre ans, compte tenu seulement de celles qui ont fait une demande. Elles sont en réalité plus nombreuses.

La réalisation d'un certain équilibre sur le marché du travail est un souhait que formulent beaucoup de villes bretonnes ; objectif difficile à réaliser dans une région de faible industrialisation.

Amélioration

Globalement, à l'exception de trois poches, la région malouine, le pays de Redon (à forte densité de population rurale) et le Sud-Finistère (où sévit une crise née de la récession de la conserverie), il y a une sensible amélioration de la situation de l'emploi en Bretagne.

Deux faits le montrent. Il était de tradition que les fermiers de l'île de Jersey et de celle de Guernesey viennent chercher de la main-d'œuvre bretonne pour leurs travaux agricoles saisonniers. Ils n'en trouvent plus beaucoup et, de toute façon, elle est de qualité très moyenne. Les migrants n'acceptent donc plus n'importe quel emploi.

Scolarisation

De plus, on enregistre des besoins accrus en travailleurs étrangers. Naguère cette main-d'œuvre ne se trouvait que dans l'extraction et la taille du granite, ou dans les grands travaux qui demandaient un effectif important pour une période limitée (cas du gros-œuvre de la base des sous-marins nucléaires de l'île Longue, près de Brest). Maintenant on trouve des travailleurs étrangers dans le bâtiment, à Rennes et à Brest, et dans les postes réputés pénibles dans les usines. Mais la Bretagne étant la région qui a le plus faible pourcentage de travailleurs étrangers, leur présence ne pose, en fait, aucun problème important d'assimilation.