C'est dans ce climat que les jeunes Francs-Comtois doivent, en fin d'études, se mettre en quête d'un emploi. Ils étaient 789 chômeurs en septembre 1971, et 888 en mars 1972. Le nombre des chômeurs secourus par l'ASSEDIC était, en février 1972, de 1 297 contre 907 au mois de septembre 1971.

Licenciés sans emploi

À la cadence où l'université de Besançon (10 000 étudiants) produit des diplômés, il est permis de s'interroger sur le sort des licenciés (littéraires ou juristes en particulier) qui cherchent du travail. Il n'est pas rare de rencontrer de jeunes licenciés sous-employés dans des administrations ou des entreprises et qui ont choisi une situation d'attente qui se prolonge.

Isolement

L'industrialisation de la Franche-Comté demeure le problème le plus préoccupant. Si l'on excepte le cas de Sochaux-Montbéliard, occupé par le groupe Peugeot, et Dole, qui paraît avoir pris le bon virage, les autres villes stagnent. Ainsi Besançon qui, après avoir connu le boom du développement dans les années 50-60, cherche son second souffle.

La Franche-Comté, tirée par le Doubs, et singulièrement la région de Montbéliard, souffre de ce déséquilibre ; le sud du Jura est attiré vers la région Rhône-Alpes, le nord du Doubs en direction de l'Alsace-Mulhouse, tandis que la région doloise subit peu ou prou l'attraction bourguignonne.

La capitale de la province souffre de l'éloignement de Paris. Si les liaisons ferroviaires ont été améliorées par l'électrification, la réalisation d'un aérodrome a été abandonnée pour Dole et Belfort.

La construction de l'autoroute A 36, prévue seulement pour 1978, risque paradoxalement d'accentuer le phénomène isolement par l'insuffisance des bretelles de raccordement prévues à Besançon.

Et la Franche-Comté attend toujours le creusement du canal à grand gabarit du Rhône au Rhin, promis depuis vingt ans.

Alsace

Les officiels sont satisfaits : le plein emploi règne dans la région et, sur les graphiques, les courbes des offres et des demandes d'emploi non satisfaites sont significatives : l'Alsace manque de main-d'œuvre.

Les offres d'emploi déposées par les employeurs concernent pour près de 60 % des manœuvres et des ouvriers spécialisés ; d'un mois sur l'autre, les offres émanant du secteur tertiaire (les cols-blancs) représentent un quart du total ; les emplois de manutention, de stockage et ceux qui se rattachent au bâtiment et aux travaux publics fournissent le reste. En revanche, les placements se divisent à peu près également entre les manœuvres, les ouvriers spécialisés et qualifiés et les employés.

Mais le phénomène alsacien a une explication simple : chaque matin, 25 000 personnes franchissent la frontière et vont travailler dans le Palatinat, la Sarre, le Bade-Wurtemberg et le canton de Bâle. Et ces 25 000 travailleurs frontaliers ne sont pas pris en compte dans les statistiques officielles.

En fait, cette masse, attirée par l'Allemagne et la Suisse, handicape fortement le développement des entreprises régionales et place de vastes zones frontalières dans une situation de dépendance économique par rapport à leurs dynamiques voisins. C'est notamment le cas du nord de l'Alsace et, au sud, de la région des trois frontières.

Pourtant, les problèmes de l'emploi se posent dans certains secteurs où l'industrialisation marque le pas. Ainsi dans la région de Sélestat, les vallées vosgiennes, l'Alsace bossue, les demandes d'emploi non satisfaites dépassent largement les offres et la main-d'œuvre est obligée à de longs déplacements.

Dans les autres secteurs, le manque de main-d'œuvre résultant des migrations frontalières a probablement rendu plus aiguë la nécessité d'adapter les offres et les demandes par une formation professionnelle intensive. L'Alsace est une région d'expérience dans ce domaine : les pouvoirs publics et les organisations patronales et consulaires multiplient les opérations de formation et de recyclage.

Cet effort ne permet cependant pas de contrebalancer la réticence profonde des jeunes pour les métiers manuels, réticence qui est particulièrement ressentie dans l'artisanat alsacien. La présence des travailleurs émigrés dans les activités les plus dures s'explique alors fort bien.