Dès janvier 1972, la province du Katanga s'appelle province du Shaba, ce qui signifie « cuivre » en langue swahili. Le Stanley Pool, sur le fleuve Congo, où fonctionne un service de bacs entre Kinshasa et Brazzaville, devient le Pool Malebo. Quant au mont Stanley, il se transforme en mont Ngaliema. D'autre part, des militants du Mouvement populaire de la révolution (MPR), parti gouvernemental zaïrois, débaptisent, le 1er janvier, les rues de Kinshasa qui portaient encore des noms de personnalités belges. Simultanément plusieurs statues ont disparu des artères de la capitale zaïroise, dont celle de l'explorateur Stanley, qui avait été érigée sur le mont Ngaliema, et celle du roi Léopold II de Belgique, qui faisait face au Palais de la nation.

Dieu et César

C'est dans le cadre de cette campagne en faveur de l'authenticité qu'éclate un grave conflit entre l'Église et l'État, qui atteint son point culminant en février pour ne s'apaiser qu'en mai 1972 : Mgr Joseph-Albert Malula, archevêque de Kinshasa, est exclu de l'ordre national du Léopard et doit s'exiler à Rome pour avoir eu l'impudence de mettre en doute l'opportunité des mesures gouvernementales. Autorisé à regagner le Zaïre, Mgr Malula est de retour à Kinshasa le 28 juin.

Depuis de longs mois déjà, le chef de l'État zaïrois n'a cessé de mettre en application le principe du chef unique. En octobre 1971, Victor Nendaka, ancien ministre de l'Intérieur de Moïse Tshombé, Justin Bomboko, ancien ministre des Affaires étrangères réputé inamovible, et le général Alphonse Devos Bangala sont arrêtés après avoir été accusés de tentative de subversion.

En février 1972, le général Mobutu ramène de 28 à 25 le nombre de ses ministres et remanie profondément le bureau du Mouvement populaire de la révolution. Quelques jours plus tôt, le ministre de l'Énergie avait été destitué et accusé d'abus de confiance.

Pour le chef de l'État, l'année 1972 doit d'ailleurs être, dit-il lui-même, « l'année du nettoyage ». La guerre a été officiellement déclarée à la corruption. Première mesure annoncée : les fonctionnaires — policiers et militaires exceptés — ne seront plus logés par l'État. Cela devrait éviter les douteuses opérations de sous-location dans des villes où les logements sont souvent rares. Plus graves sont les détournements de fonds publics, qui apparaissent comme une véritable plaie : certains officiels disent — en privé — que pour près de 60 % les recettes de l'État se seraient volatilisées en 1971.

La forte baisse des cours du cuivre, métal dont les ventes à l'étranger alimentent plus de 60 % du budget national, a été sérieusement ressentie. D'autant plus que le gouvernement s'est engagé dans des investissements importants (dont la construction du barrage d'Inga, 140 millions de dollars). Malgré des signes inflationnistes qui coïncident avec la régression des cours du cuivre, l'économie zaïroise reste prospère et en expansion. Cette situation contribue à expliquer le dynamisme de la diplomatie zaïroise et la volonté de son chef d'exercer un leadership régional.

L'éclat de Lomé

Le 19 avril 1972, alors que les ministres des Affaires étrangères de l'OCAM sont réunis pour une conférence préparatoire à la rencontre des chefs d'État à Lomé, le Zaïre annonce officiellement qu'il quitte l'organisation. Si l'on s'en tient au communiqué officiel, la décision du général Mobutu serait motivée par certaines immixtions étrangères tolérées en terre africaine. Il s'agit apparemment d'une allusion aux protestations élevées notamment dans un journal français de Dakar à la suite des mesures prises contre Mgr Malula, archevêque de Kinshasa, jugé trop sévère à l'égard du pouvoir.

Selon le porte-parole officieux du gouvernement, le Zaïre ne peut que se trouver « mal à l'aise » au sein d'une organisation régionale. Soulignant que 4 seulement des 10 pays frontaliers du Zaïre sont francophones, le directeur du bureau politique estime que l'intérêt de Kinshasa « se situe au-delà de toutes les conditions linguistiques ». Malgré toutes les avances faites, le Zaïre s'est toujours tenu à l'écart de l'Agence de coopération culturelle et technique des pays francophones, créée il y a trois ans à Niamey.