Mme Meir est très habile tout au long de l'année. Elle ne prend jamais vraiment position dans le duel durs-colombes ; elle reste au-dessus de la mêlée.

Déclaration

En fait, elle ne dialogue pas avec ses éventuels rivaux, elle monologue avec les Arabes, confirmant ainsi sa position de chef du gouvernement. La déclaration la plus intéressante – elle la répétera tout au cours de l'année – est celle qu'elle fait le 8 septembre 1972 au journal Maariv. Elle déclare :

« La paix ne viendra que si les Arabes acceptent des changements de frontières substantiels.

« Sur le Golan, on peut discuter de telle ou telle ligne, mais il n'est pas question pour nous de quitter le plateau et de permettre le retour de l'armée syrienne sur des positions dominant nos villages.

« Dans le cadre de la paix, nous nous montrerons généreux envers le roi Hussein. Nous continuerons à contrôler des zones en Cisjordanie, mais nous ne voulons garder que le minimum de territoires peuplés d'Arabes. La Jordanie recevra des ports libres à Gaza et, à Haïfa, le ciel d'Israël sera ouvert à son trafic aérien. Mais aucun pays arabe n'annexera Gaza.

« Charm el-Cheikh reste israélien et sera relié par un corridor terrestre à Israël. Dans le Sinaï, Israël occupera des positions empêchant toute attaque surprise de la part d'une armée utilisant le désert comme base de départ pour une offensive contre Israël.

« Israël est, bien entendu, prêt à des accords intérimaires avec l'Égypte et la Jordanie. Si le roi Hussein ne peut signer la paix maintenant, il pourra peut-être néanmoins conclure des accords partiels menant à la paix. »

La majorité de l'opinion semble d'accord avec la déclaration de Mme Golda Meir, du moins dans ses grandes lignes et les durs sont amenés à nuancer leur déclarations.

Abba Eban, dont la campagne est aussi discrète qu'habile, reflète bien l'opinion israélienne moyenne quand il déclare : « L'objectif primordial d'Israël est désormais la lutte contre le terrorisme qui frappe les civils. La question de la paix est passée au second plan. »

Terrorisme

Il est vrai qu'il fait cette déclaration le 8 septembre, le lendemain de Munich. Car si, en 1972-1973, la guerre et la paix reculent, le terrorisme palestinien, lui, touche particulièrement Israël. Il y a d'abord trois grands coups. Le drame de Munich, l'opération manquée de Bangkok et l'assassinat à Khartoum de trois diplomates (deux Américains et un Belge d'origine juive). Puis il y a toute une vague d'attentats et de colis piégés un peu partout dans le monde et qui vise les diplomates israéliens. Est-il besoin de dire que les Israéliens ressentent particulièrement cette recrudescence du terrorisme palestinien, s'inquiètent et, bien sûr, réagissent ?

Les opérations officielles palestiniennes entraîneront à chaque fois des raids de représailles au Liban ou contre la Syrie, Israël estimant que l'hospitalité de Beyrouth et le soutien politique de Damas sont responsables de ces actes des désespérés palestiniens. À cet égard la déclaration du 18 septembre au journal Yedioth Ahoronoth du chef d'état-major israélien, le général David Eléazar, est révélatrice de la manière des Israéliens.

Au lendemain du raid de représailles très sévère qui a suivi, au Liban, le massacre de Munich, il déclare : « Chaque incursion, chacun de nos bombardements est comme une goutte d'eau dans un verre. Pas dans la mer. Et le verre finira bien par se remplir. Nous avons retenu l'expérience jordanienne. À l'époque, on nous avait demandé quelle utilité il y avait à bombarder les monts du Guilaad et qu'espérions-nous obtenir en envoyant notre aviation attaquer les bases de fedayin en Jordanie. On connaît la suite. Le verre s'est rempli. Je pense qu'au Liban on se rapproche d'une situation semblable. »

Et les Israéliens remplissent le verre libanais tout au cours de l'année. Avec une régularité et une précision qui font la fierté de l'opinion. En juin 1973, on a l'impression que le verre déborde. Sans même prendre le prétexte de représailles, les commandos de Dayan lancent un raid d'une audace folle en plein centre de Beyrouth.