Dans un climat sans passion, le 10 avril 1973 un nouveau chef de l'État entre en fonction ; le célèbre biologiste Ephraïm Katchalsly (qui pour la circonstance prend le nom de Katzir, « récolte » en hébreu) succède au président Zalman Shazar.

En revanche, la perspective des élections générales d'octobre 1973, qui devaient en principe amener un changement de Premier ministre, colore l'année et même passionne l'opinion.

Mais brusquement, le 17 juin, tout semble se simplifier. Trois mois avant le scrutin, le Premier ministre, Mme Golda Meir, fait savoir officiellement sa décision : se présenter comme tête de liste et continuer à diriger le gouvernement, si le parti travailliste obtient la majorité à la Knesset. Sa popularité est immense en Israël, et cette annonce balaie toutes les hypothèses faites.

Jusqu'à ce moment-là, même si elles n'avaient pas réellement convaincu, on avait retenu ses multiples allusions publiques et privées à ses 75 ans et sa déclaration sur « le droit de ne plus remplir qu'une fonction : celle de grand-mère ». Les sondages d'opinion publique et les enquêtes qui se sont multipliés, comme il est d'usage en période préélectorale, ont le plus souvent tourné autour de quatre noms : Moshe Dayan, Yigal Allon, Pinhas Shapir et Abba Eban. Les déclarations de ces quatre dauphins ont, bien entendu, particulièrement retenu l'attention de l'opinion. Ainsi est apparu, sinon un éclaircissement des positions de chacun, du moins des clivages qui existaient et qui n'étaient pas toujours discernables. Dans le parti travailliste, l'éventail des solutions de paix va de Dayan (et Shimon Peres), qui souhaite le statu quo, à Allon, qui souhaite ne garder qu'un « cordon sanitaire » le long du Jourdain. En passant par Eliav, qui n'hésite pas à parler des « droits des Palestiniens », et Shapir, qui s'élève contre l'annexion de territoires.

La démarcation se fait entre les durs et les colombes aussi bien à la Knesset que devant les auditoires les plus divers. En août 1972, Moshe Dayan déclare : « Le Parlement doit prendre acte du fait que l'administration militaire des territoires occupés est maintenant devenue en réalité un gouvernement israélien civil. La coexistence entre Israéliens et Arabes n'est possible que sous l'égide du gouvernement et de l'armée d'Israël. » En décembre, il précise : « Israël a retiré davantage de profits que d'inconvénients de la politique d'intégration économique des territoires occupés. »

Pinhas Shapir, maître de l'appareil du parti travailliste, chef de file des modérés, apparaît très vite comme le rival numéro un de Dayan, même si les sondages lui donnent quelquefois moins de 10 % des voix. Se démarquant de plus en plus du ministre de la Guerre, Pinhas Shapir, ministre des Finances, déclare notamment : « Cette sorte d'annexion en douce envisagée par Dayan est inconcevable en cette seconde moitié du XXe siècle. Le monde ne l'accepterait pas, les Arabes ne l'accepteront pas, nous ne l'accepterons pas. »

Budget

Le vote du budget sera d'ailleurs l'occasion d'un affrontement entre les deux hommes. Shapir présente pour 1973-1974 un budget équilibré de vingt milliards de livres israéliennes, dont 35 % vont à la Défense. Il voudrait rogner sur le budget de Dayan en faisant remarquer qu'il est en augmentation de 9 %. Dayan répond que la part « sociale » du budget est, elle, en augmentation de plus de 26 % d'une part, et que, d'autre part, les achats militaires à l'étranger coûtent de plus en plus cher (un Phantom coûte 5 fois plus cher qu'un Mirage, et 10 fois plus cher qu'un Mystère de 1956 ; l'armée a coûté 4 fois plus cher en 1970 qu'en 1967).

Une autre affaire – celle des ventes de terrains, dans les territoires occupés, aux particuliers israéliens – opposera Moshe Dayan à Yigal Allon cette fois.

D'après la loi, seul l'État israélien peut acquérir des terres dans ces territoires. Cependant beaucoup d'Israéliens en ont acquis depuis 1967 ; Dayan souhaite donc qu'on modifie la loi. Une véritable querelle s'en suit. Allon s'y oppose, Mme Meir donne plutôt raison au vice-Premier ministre, et la Knesset repousse finalement les propositions de Dayan.