La majorité des Grecs participent aux élections législatives du 17 novembre 1974, se prononçant moins en fonction de critères économico-sociaux que pour des raisons pragmatiques. Pour beaucoup d'entre eux, Caramanlis est le seul homme capable de barrer la route aux chars. Ainsi, Nea Demokratia recueille 54,37 % des suffrages, tandis que l'Union du centre-Forces nouvelles obtient 20,42 % ; le mouvement socialiste panhellénique, le PASOK de Andreas Papandreou, 13,58 % ; la gauche unie (les deux partis communistes et l'EDA), 9,45 % ; l'Union démocratique nationale de Garoufalias (extrême droite) 1,10 %, et les indépendants 1,05 %. La participation au scrutin est de 79,56 %.

Toutefois, les partis d'opposition (allant du centre à l'extrême gauche) recueillent la majorité des suffrages aux élections municipales du 30 mars, ce qui paraît aux yeux de nombre d'observateurs refléter plus fidèlement les véritables convictions politico-idéologiques de la population. Cette dernière s'était, de même, prononcée dans une proportion de 70 % en faveur de l'abolition du système monarchique, au cours du référendum qui s'est déroulé le 8 décembre 1974.

Nouvelles institutions

Les royalistes au sein du parti de Caramanlis prennent leur revanche dans l'élaboration de la nouvelle Constitution, adoptée le 7 juin par le Parlement avec les 214 voix des députés gouvernementaux, les formations de l'opposition s'étant abstenues de participer au scrutin. L'article III autorise en effet les membres de la famille royale à se livrer à des activités politiques et donne ainsi la possibilité à l'ex-roi Constantin de se porter candidat à la fonction présidentielle ou de former un parti politique.

L'opposition reproche, d'autre part, au texte adopté (c'est « un coup de force parlementaire », soutient Georges Mavros, le leader du centre) d'accorder des pouvoirs exorbitants à l'exécutif, en particulier au président de la République, et de favoriser le maintien au pouvoir de la droite. Par 210 voix contre 65 et 20 bulletins blancs, Constantin Tsatsos est élu, le 19 juin 1975, à la magistrature suprême pour cinq ans. Académicien, Tsatsos est l'un des plus fidèles compagnons de Constantin Caramanlis.

Tout en assainissant la situation intérieure, notamment en mettant en place les nouvelles institutions, Caramanlis procède prudemment dans le domaine des Affaires étrangères. Son premier objectif est de contourner les deux écueils qu'il affronte sur le chapitre chypriote : une guerre contre la Turquie ou un Waterloo diplomatique. Ce faisant, il évite de réagir aux faits accomplis à Chypre et aux défis d'Ankara. Il ménage les États-Unis, malgré la vague de fond d'antiaméricanisme qui déferle sur la Grèce.

Caramanlis se contente, lors de la deuxième intervention militaire des forces d'Ankara à Chypre, le 14 août, de retirer la Grèce de l'organisation militaire de l'OTAN.

Stratégie diplomatique

Le 11 décembre, il demande la révision des accords réglementant le statut de sept bases américaines implantées dans le pays ; les négociations, à cet égard, aboutissent à un accord qui ne paraît pas déplaire à Washington. Vis-à-vis de l'URSS, il observe une attitude réservée, imprégnée de méfiance.

Sa stratégie diplomatique se déploie, de toute évidence, dans d'autres directions. Ses visites en France et en Allemagne fédérale, en avril ; en Yougoslavie, les 4 et 5 juin ; la demande d'adhésion de la Grèce à la CEE le 12 juin ; son entretien, le 3 juin, avec le président égyptien Sadate ; ses déclarations favorables à la cause arabe témoignent de sa double volonté d'intégrer son pays à l'Europe occidentale et de renforcer les relations d'Athènes avec les capitales non alignées du tiers monde.

Malgré l'échec des deux conférences de Genève (en juillet et en août) et la stérilité des entretiens, le 31 mai 1975, à Bruxelles, de Caramanlis avec le président du Conseil turc Suleyman Demirel, la Grèce est décidée à régler ses différends avec Ankara « pacifiquement et par la voie des négociations ». Les deux gouvernements sont d'accord pour soumettre à la Cour internationale de La Haye leur litige concernant le plateau continental de la mer Égée.