Le véritable problème des nouveaux dirigeants est celui de l'administration d'un pays défait par la guerre et dont les structures, les traditions, les mœurs, les habitudes restent marquées par Thieu et les Américains. Progressivement, les forces révolutionnaires (Saigon est administrée par un comité militaire présidé par le général Tran Van Tra) et le GRP (qui prend ses fonctions officiellement le 20 mai) procèdent à une sorte de reprise en main de la population. Dès les premiers jours, des cours de rééducation sont organisés pour les différentes catégories sociales et une « révolution culturelle » s'ébauche : de nombreux livres, dont plusieurs bien innocents, sont brûlés par des groupes de jeunes sur les places publiques. Le Comité administratif de Saigon interdit, quelques jours plus tard, ce genre d'holocauste, précisant qu'il a seulement donné l'ordre d'arrêter la vente des ouvrages « décadents et réactionnaires », ceux-ci devant être examinés par une commission qualifiée.

Parallèlement, les autorités s'efforcent de relancer la production et rapatrient dans les campagnes les milliers de réfugiés qui avaient afflué à Saigon au cours des derniers mois.

À Hanoi comme à Saigon, on parle d'un seul territoire vietnamien, mais aucune date n'est encore fixée pour la réunification officielle du pays. Malgré la victoire, le pays reste scindé en deux, et les dirigeants du Nord, comme ceux du Sud, paraissent mesurer qu'il est impossible, dans les circonstances actuelles, de faire vivre selon les mêmes normes un Nord Viêt-nam dont le communisme austère est installé depuis plus de vingt ans et un Sud Viêt-nam qui, dans la capitale et les grandes villes tout au moins, a goûté, en dépit de la guerre, tous les fruits du capitalisme.

En outre, il n'est pas évident que le gouvernement nord-vietnamien et le gouvernement révolutionnaire partagent les mêmes vues sur l'évolution de la nation. Sans doute sont-ils l'un et l'autre communistes (la troisième force a peu de chance de jouer un rôle), mais ils peuvent diverger sur les moyens à mettre en œuvre.

Yémen du Nord

Sanaa. 6 060 000. 31.
Économie. PNB (63) 56. Énerg. (*72) : 13.
Information. (71) : 5 000.
Santé. (72) : 140.
Éducation. Prim. (69) : 72 107. Sec. et techn. (70) : 5 194.
Institutions. (République arabe du Yémen.) République, proclamée le 26 septembre 1962. Constitution du 28 décembre 1970. Un coup d'État militaire renverse, le 13 juin 1974, la direction collégiale du Conseil républicain présidé par Abdel Rahman Iriani.

Changement

Le limogeage, le 16 janvier 1975, du Premier ministre Mohsen el-Ayni met un terme à la nature quelque peu équivoque du régime établi le 13 juin 1974. Les éléments prosaoudiens et traditionalistes (qui paraissaient partager le pouvoir avec des officiers et des civils, dont Mohsen el-Ayni), de tendance progressiste, triomphent.

Grâce au soutien financier et politique du gouvernement de Ryad, ils avaient réussi, dès l'automne, à restituer aux tribus l'influence qu'elles exerçaient avant le coup de force de juin 1974 (Journal de l'année 1973-74). Le 25 octobre, le Conseil consultatif (le Parlement), au sein duquel les représentants des tribus sont prépondérants, avait été invité à reprendre ses travaux après une suspension qui avait duré plus de quatre mois. Le cheikh Abdallah el-Ahmar, président du Conseil consultatif et chef de la puissante confédération tribale des Hached, dont les liens avec le gouvernement saoudien sont notoires, se dresse contre Mohsen el-Ayni.

Des émissaires du roi Fayçal menacent à plusieurs reprises d'interrompre l'aide financière accordée à l'armée yéménite si des mesures d'assainissement politique ne sont pas prises à Sanaa. Ils exigent, entre autres, et obtiennent le retour d'exil du général Hassan el-Amri, considéré comme l'un des alliés les plus sûrs du régime saoudien. L'ancien chef du gouvernement avait dû fuir le pays en septembre 1971 (Journal de l'année 1971-72), à la suite d'un assassinat qui lui avait été imputé. Le général Amri est accueilli à Sanaa avec les honneurs officiels, le 6 janvier 1975, une semaine avant le limogeage de Mohsen el-Ayni. Ce dernier a été remplacé à la tête du gouvernement par Abdel Aziz Abdel Ghani, ancien gouverneur de la banque centrale, un technocrate sans couleur politique déterminée.