Même le souvenir des désastres de la guerre du Kippour s'estompent, relégués au second plan par les scandales à répétition. Pour donner aux passions le temps de s'apaiser, la Commission Agranath, chargée de dénoncer les responsables des fautes commises, publie son rapport en trois parties. On avait pris la première pour un hors-d'œuvre. C'était le plat de résistance. Les deux dernières font long feu, le 10 juillet 1974 et même le 30 janvier 1975, lorsqu'on décide de ne publier que 43 pages des 1 700 transmises au Premier ministre. Elles s'en tiennent aux boucs émissaires et plaident plus qu'elles ne condamnent. Aucun des ex-dirigeants n'est visé. Pas même l'ancien ministre de la Défense, le général Dayan, dont le nom n'est pas prononcé. La page est tournée avec la constitution d'un cabinet de guerre restreint, qui partagera avec le Premier ministre les décisions graves.

Terrorisme

L'attention est également détournée par l'escalade du terrorisme assorti de prises d'otages. La plus tragique se déroule à Beith-Shean, près de la frontière jordanienne, où la foule déchaînée (il y a eu 3 civils tués et 23 blessés) défenestre, piétine et brûle sur place les cadavres des fedayin palestiniens. Autre événement spectaculaire, la condamnation à douze ans de prison (il en risquait 59) de l'archevêque melchite de Jérusalem, Mgr Capucci, complice des terroristes dont il entreposait les armes. Condamnation maintenue malgré une grève de la faim du prisonnier, une demande de grâce présentée par trois prélats, un vote pour une libération immédiate à la Commission des droits de l'homme de l'ONU, un texte du Vatican déplorant cette condamnation. Par ailleurs se multiplient les manifestations dans le quartier arabe de Jérusalem, les arrestations par centaines, les expulsions de notables de Cisjordanie.

Les tensions ne font que s'aggraver, envenimées par des tentatives répétées d'Israéliens activistes pour aller fonder des colonies sauvages dans les territoires occupés. Chaque fois, le gouvernement envoie la troupe rapatrier en douceur ces squatters entêtés qui perturbent les projets officiels d'implantations israéliennes sur ces mêmes territoires. Ainsi, le Premier ministre Itzhak Rabin annonce lui-même le plan de développement de Jérusalem-Est revendiqué par les Jordaniens : un quartier d'artisanat, une zone industrielle et des HLM.

ONU

Dans le même temps, l'isolement diplomatique d'Israël s'aggrave par le jeu des nouvelles majorités hostiles des organisations internationales. Prenant le prétexte de fouilles proches du Mur des Lamentations, l'UNESCO l'expulse et émet plusieurs votes favorables aux Palestiniens. L'ONU va plus loin : le 13 novembre 1974, à la tribune de son Assemblée générale, elle accueille le chef de l'OLP, Yasser Arafat. Quelques jours plus tard, le secrétaire général K. Waldheim vient pourtant apporter lui-même à Jérusalem une bonne nouvelle : la Syrie accepte le renouvellement pour six mois du mandat des Casques bleus, qui expire le 30 novembre sur le Golan. Ainsi cette échéance n'est pas le coup d'envoi d'une nouvelle guerre comme beaucoup d'Israéliens le craignaient. Profitant de ce nouveau répit, ils reprennent le sentier de la paix. Non pas à Genève, où la conférence de décembre 1973 a peu de chances de renaître de ses cendres, mais par des négociations bilatérales via Washington. Pas avec la Syrie, puisqu'ils répètent qu'ils ne restitueront jamais les hauteurs du Golan, mais avec l'Égypte, pas encore prête à un nouveau conflit.

Alors se succèdent à la Maison-Blanche et au département d'État les visites du Premier ministre Itzhak Rabin (ex-ambassadeur à Washington) et du ministre des Affaires étrangères Ygal Allon. De leurs déclarations publiques ou privées, de celles d'autres ministres comme celui de la Défense Shimon Pérès, des interviews ou des indiscrétions publiées par la presse, émerge un catalogue de concessions éventuelles. En échange, Israël souhaite au maximum une reconnaissance de son existence par un solide traité de paix et, au minimum, un accord de non-belligérance ou une simple déclaration, même limitée à cinq ans, assortie d'une prolongation à trois ans (au lieu de six mois) du mandat des Casques bleus et d'un droit de libre circulation dans le canal de Suez (après sa réouverture), même sous un pavillon autre que le drapeau israélien.