Fin 1972, le Conseil des ministres publie un décret interdisant d'utiliser le téléphone pour « porter atteinte à la sécurité ou à la renommée de l'État ». Le but de cette mesure est simple : couper les dissidents du reste du monde.

En décembre 1972 également, un autre décret stipule que toute « information fausse ou dangereuse » transmise à un journaliste étranger sera considérée comme un « crime ».

Autre moyen utilisé par le KGB pour décourager les opposants : l'exil forcé. Le principe est simple. Il consiste à retirer son passeport (donc sa nationalité) à tout opposant qui se trouve à l'étranger. Plusieurs scientifiques, membres du Comité soviétique pour les droits de l'homme, animé par le professeur Sakharov, connaissent cette mésaventure alors qu'ils se trouvent aux États-Unis. Le professeur Andreï Sakharov, lui-même, est interrogé par le KGB pour la première fois en mars 1973. Quant à l'écrivain Andreï Amalrik, auteur de l'Union soviétique survivra-t-elle en 1984 ?, condamné à trois ans de travail forcé en 1970, il voit sa peine reconduite alors qu'il devait être libéré.

Pour les intellectuels dissidents, la principale menace vient d'ailleurs. Moscou annonce qu'il est prêt à signer la convention de Genève sur les droits d'auteur. Pour les écrivains occidentaux, jusqu'alors pillés sans vergogne et traduits, sans droits d'auteur, en URSS, il s'agit d'une bonne nouvelle. En revanche, pour les écrivains soviétiques interdits dans leur pays et qui réussissaient jusqu'à présent à se faire publier à l'étranger (Soljenitsyne, Amalrik, Medvedev), cela signifie qu'ils ne trouveront plus d'éditeur.

Juifs

L'émigration des Juifs soviétiques en Israël se poursuit (environ 30 000 par an). Mais, fin 1972, les autorités de Moscou tentent brusquement de freiner ce mouvement. Elles instaurent une taxe à l'émigration, une taxe sur les études supérieures, dont le montant varie en fonction des diplômes obtenus (de 5 000 à 50 000 F). Très rapidement les protestations se déchaînent. En Israël d'abord, puis aux États-Unis.

Après avoir tout d'abord démenti l'existence d'une telle taxe, les autorités tentent d'en justifier l'existence en se référant notamment sur le précédent des études faites dans certaines grandes écoles françaises ; en réalité, ce principe a déjà été appliqué en Pologne aux Juifs émigrant en Israël après 1968.

Très vite, une partie de l'opinion publique américaine s'associe à une campagne destinée à faire abolir cette décision. Le Congrès, saisi par les organisations sionistes, annonce d'emblée qu'il refusera d'entériner tous les accords conclus lors de la première visite de Nixon en URSS si Moscou n'annule pas cette taxe.

À l'occasion de la visite du secrétaire d'État au Commerce, les autorités soviétiques font savoir officieusement que la taxe à l'émigration est suspendue. Un premier groupe de chercheurs est autorisé à partir sans avoir à la payer. Toute la période précédant le voyage de Leonide Brejnev aux États-Unis est marquée par cette question. Sans renoncer officiellement à cette taxe, le Kremlin cesse de l'appliquer.

En recevant, à Washington, des membres du Sénat, en juin 1973, Brejnev affirme que l'émigration des Juifs soviétiques n'est soumise à aucune restriction, et il laisse entendre qu'elle ne sera pas freinée. Compte tenu de la position du Congrès américain, dont dépend en ultime recours l'attribution de la « clause de la nation la plus favorisée », il est peu probable que Moscou arrête le flot d'émigration vers Israël, et cela malgré les protestations de plus en plus véhémentes des pays arabes.

Économie

Après des années de développement, l'économie soviétique continue d'enregistrer une série d'échecs. Le plan pour 1972 n'est pas réalisé : le produit national devait augmenter de 6,2 % alors que sa croissance ne dépasse pas 4 % ; de même pour la production industrielle, la production agricole et les salaires. Les prévisions pour 1973 doivent être révisées, en baisse (produit national : 6 % au lieu de 7,2 %, production industrielle : 5,8 % au lieu de 7,8 % ; biens de consommation : 4,5 % au lieu de 8,1 %). Le malaise de l'économie – industrie et agriculture – se traduit par une détérioration considérable du commerce extérieur. Son déficit dépassera, en 1972, deux milliards de dollars.