Pour retrouver son second souffle, l'industrie soviétique, qui a enregistré des échecs cuisants dans les domaines de pointe, notamment dans la conquête de l'espace, a besoin avant tout d'un apport technologique.

L'agriculture, elle, stagne. Après l'échec de la campagne des terres vierges de Khrouchtchev, puis des lopins individuels (Khrouchtchev et Brejnev), les dirigeants soviétiques sont toujours à la recherche d'une solution globale. Le limogeage du ministre de l'Agriculture témoigne de l'irritation du Kremlin, mais n'entraîne aucun changement en profondeur. L'Union soviétique doit encore augmenter ses importations de céréales. Les mauvaises conditions climatiques que connaît le pays trois ans de suite contribuent encore à aggraver cette crise.

Pour redresser cette situation, Brejnev a choisi de jouer la carte de la coopération avec les pays capitalistes hautement industrialisés. Il lance un véritable appel d'offres au Japon, qui lui accorde d'importants crédits, mais qui hésite à se lancer à la conquête de la Sibérie pour ne pas indisposer Pékin, et aussi à cause du contentieux de la guerre (les deux pays n'ont pas signé de traité de paix, Moscou refusant de négocier sur les îles Kouriles).

Les échanges avec la RFA progressent rapidement. En revanche, le commerce franco-soviétique stagne tandis que les échanges entre Moscou, d'une part, et Londres, Rome et Helsinki de l'autre, décroissent.

En 1972, l'Union soviétique admet la réalité de la CEE. En 1973. l'Union soviétique lance une offensive de charme en direction de Bruxelles. Elle évoque la possibilité d'une coopération étroite entre la Communauté et le Conseil d'assistance économique mutuelle (le Comecon). En attendant, elle cesse de s'opposer à l'établissement de liens entre les pays de l'Est et la CEE.

Mais c'est de Washington, finalement, que Brejnev attend le plus. En autorisant trois banques américaines (la First National City Bank de New York, la Bank of America et la Chase Manhattan Bank) à ouvrir des bureaux à Moscou et en recevant David Rockefeller comme un ministre, les dirigeants du Kremlin soulignent l'intérêt qu'ils accordent au financement de la coopération américano-soviétique.

Les premiers accords conclus avec l'Occidental Petroleum portent sur vingt ans et représentent un volume de 8 milliards de dollars. Le principe de base est simple. Les deux économies sont complémentaires. L'Union soviétique possède d'immenses ressources naturelles (minerais, énergie) ; les États-Unis, qui ont besoin et d'énergie et de matières premières, possèdent en revanche la technologie et l'argent nécessaires. C'est le langage que tient Brejnev aux cinquante plus grands patrons de l'économie américaine qu'il reçoit à Washington lors de sa visite aux États-Unis, entre le 17 et le 25 juin 1973.

L'amélioration des relations politiques et l'ouverture de missions commerciales à Washington et à Moscou doit faciliter la réalisation de cet objectif.

Succès

La normalisation définitive des relations avec l'Allemagne fédérale (visite de Brejnev à Bonn en mai 1973), la réussite de la visite de Brejnev aux États-Unis et le renforcement des liens privilégiés avec la France (voyage du président Pompidou à Minsk, visite de Brejnev à Paris en juin 1973) constituent indéniablement des succès pour Moscou, et encore plus pour Leonide Brejnev.

À la suite de sa visite de juin 1973, aux États-Unis neuf accords sont signés entre les deux pays, dont un sur la prévention d'une guerre nucléaire. Leonide Brejnev fixe l'objectif primordial de l'URSS : la consécration du statu quo en Europe et, d'une manière plus générale, entre les États-Unis et leurs alliés d'une part, Moscou et ses alliés de l'autre. C'est le sens du projet américano-soviétique de super-sommet Est-Ouest (avec 34 participants), qui devrait couronner la Conférence sur la sécurité et la coopération européennes.

À côté de ces succès, deux points d'interrogation pour la diplomatie soviétique : les relations avec le monde arabe et avec les pays frères. Après l'éviction des conseillers soviétiques d'Égypte, Moscou porte ses efforts en direction de la Syrie et de l'Irak. Damas reçoit d'importantes livraisons d'armes, Bagdad se voit offrir une aide économique considérable. Mais tout en s'efforçant d'améliorer ses relations avec Le Caire, Moscou fait preuve d'une grande prudence : refus de s'engager à fond du côté des pays arabes, timides ouvertures en direction d'Israël. Les relations avec les pays frères sont marquées par trois objectifs : faciliter le rapprochement avec l'Occident ; contenir la poussée chinoise ; renforcer la cohésion politique et économique du camp socialiste.