Cependant, des émeutes éclatent le lendemain à Hama et à Homs, provoquant la mort de plusieurs dizaines de manifestants. Les troubles s'étendent dans les jours suivants, notamment à Damas et à Alep. Malgré tout, la Constitution est adoptée par 97,6 % des suffrages exprimés, à l'issue du référendum qui se déroule le 12 mars 1973.

Le 15 avril, des émeutes reprennent à Homs et se poursuivent pendant quatre jours. Les affrontements avec les forces de l'ordre se soldent par une quinzaine de tués et une centaine de blessés. La grève des commerçants dans ce centre urbain – le plus important du pays après ceux de Damas et d'Alep – s'étend à Hama et dans d'autres villes de province.

Le mouvement de contestation ébranle indirectement la coalition au pouvoir. L'Union socialiste arabe, mouvement nassérien dirigé par le docteur Jamal Atassi, se retire le 26 avril du Front progressiste d'union nationale. Les divergences entre cette formation et le président Assad portent non sur la laïcité de l'État, mais sur la nature démocratique du régime, les libertés publiques, le rôle plus que modeste imparti aux partis de gauche, mis ainsi dans l'impossibilité d'affronter la réaction cléricale, et l'opposition de certaines couches bourgeoises de la population.

Progrès

Le mécontentement paraît, à première vue, inexplicable. L'économie, grâce notamment aux concessions accordées aux classes possédantes, est florissante. En 1972, le produit national brut s'est accru de 8,2 %, la consommation de 6,8 %, l'épargne nationale de 14,8 %. Les projets de développement mis en chantier par l'État sont réalisés selon les prévisions ; les travaux sur le barrage de l'Euphrate avancent à un rythme plus rapide que prévu. Les récoltes sont exceptionnellement bonnes : la production du tabac, des tomates, des lentilles, des oignons est, en 1972, le double de celle de 1971 tandis que celle de l'orge est trois fois plus importante. Pour la première fois, la Syrie exporte du blé, dont les quantités disponibles ont plus que doublé par rapport à l'année précédente. Les ventes du pétrole, en augmentation, contribuent également à améliorer la balance commerciale.

Cependant, le coût de la vie est en hausse. L'État, qui consacre – selon les chiffres officiels – 70 % de ses revenus aux dépenses militaires, ne parvient pas à satisfaire tous les besoins des classes populaires. La bourgeoisie, pour sa part, revendique davantage de liberté, dans les domaines économique et politique, que celle que lui dispense avec parcimonie le régime baasiste.

Armement

Pour mieux résister aux pressions intérieures et extérieures – les raids israéliens – le président Assad renforce ses relations avec le camp socialiste, en particulier avec l'Union soviétique. À l'issue d'une visite effectuée à Moscou, il conclut un accord portant sur « les mesures spéciales qui devront être prises pour accroître la capacité militaire de la Syrie ».

Selon des sources américaines, l'URSS se serait engagée à livrer du matériel militaire d'une valeur de 700 millions de dollars. D'autre part, une commission conjointe permanente est constituée pour favoriser la coopération technique et économique entre les deux pays.

Le 9 août, le gouvernement syrien annonce qu'il ne suivra pas l'exemple de l'Égypte, laquelle venait d'expulser les conseillers militaires soviétiques. Selon le New York Times, le président Assad aurait autorisé l'utilisation des ports de Lattaquié et de Tartous par la flotte soviétique. En contrepartie, Moscou se serait engagé à fournir un armement plus perfectionné que celui qui est livré à l'Égypte.

Des missions soviétiques (militaires, économiques, techniques) se succèdent à Damas à un rythme accéléré. En novembre et décembre 1972, d'importantes quantités d'armement affluent dans les aéroports syriens. De janvier à mars, 40 appareils Mig ainsi qu'un nombre indéterminé de fusées sol-air auraient été livrés, selon le ministère américain de la Défense, aux autorités syriennes. Le président Assad séjourne secrètement à Moscou du 2 au 4 mai 1973 et rentre à Damas en compagnie du commandant de l'armée de l'air soviétique. Tout est ainsi mis en œuvre pour permettre à la Syrie de supporter les coups durs que lui porte l'aviation israélienne.