Dans la réalité, c'est le Front qui commande, en s'appuyant sur les organisations de masse ou en les manœuvrant. Les cadres de l'armée et des ministères sont, selon les cas, épurés ou rééduqués, mais sans grands bouleversements apparents. Le problème le plus urgent reste la restauration de l'économie, qui apparaît comme l'objectif n° 1 du régime.

Sur le plan politique, les ministres en fuite ont été remplacés par des personnalités modérées proches du prince Phouma, mais ne faisant guère le poids face aux hommes du Front patriotique. Le programme en dix-huit points reste le document de base du nouveau gouvernement, qui continue à recevoir son inspiration du Conseil politique de réconciliation. On envisage un élargissement de ce Conseil et sa transformation en une sorte d'assemblée chargée de préparer des élections générales.

Liban

Beyrouth. 3 060 000. 295. 3 %.
Économie. PNB (70) 533. Énerg. (*72) : 889. C.E. : 17 %.
Transports. (*72) : 5 M pass./km, 33 M t/km. (*72) : 165 000 + 19 200.  : 119 000 tjb. (72) : 1 221 M pass./km.
Information. (70) : 52 quotidiens. (71) : *605 000. (72) : *320 000. (70) : 86 600 fauteuils ; fréquentation : 49,7 M. (72) : 227 000.
Santé. (70) : 1 900.
Éducation. (70). Prim. : 435 066. Sec. et techn. : 175 462. Sup. : 38 519.
Institutions. République indépendante le 1er janvier 1944. Constitution de 1926. Président de la République (traditionnellement chrétien maronite) : Soliman Frangié, élu le 17 août 1970 ; succède à Charles Helou. Premier ministre (traditionnellement musulman sunnite) : Rachid Karamé, nommé le 28 mai 1975.

Dégradation rapide de la situation politique et sociale

Grèves, manifestations, enlèvements, attentats, affrontements armés avec les fedayin palestiniens, violents conflits sociaux, tiraillements entre la droite et la gauche, entre chrétiens et musulmans, instabilité ministérielle ; la réputation du Liban : havre de paix et de tourisme, centre international des affaires, est sérieusement entamée.

Anarchie

Les autorités ne parviennent pas à maîtriser une situation que beaucoup qualifient d'anarchique. À la faveur d'une conjoncture économique difficile, d'une inflation contrôlée avec peine, la combativité des syndicats s'accroît face à un patronat gui résiste avec opiniâtreté aux revendications salariales. La manifestation de pêcheurs à Saïda, le 26 février 1975, dégénère rapidement en émeute, entraîne l'intervention de l'armée et des heurts qui font plusieurs dizaines de morts et de blessés dans les deux camps. De sanglants incidents se multiplient dans les jours suivants à Saïda, Tyr et Beyrouth, où les partis de gauche organisent grèves et manifestations.

Le conflit, à l'origine d'ordre corporatif, se politise très rapidement. Saïda, peuplée en majorité de musulmans, dont une partie appréciable est constituée de réfugiés palestiniens, est l'un des fiefs des partis de gauche. Ces derniers accusent le gouvernement de chercher, en recourant à l'armée, à liquider tout à la fois le mouvement progressiste et les organisations palestiniennes. Les formations de la droite chrétienne, qui suscitent des contre-manifestations, exigent que les pouvoirs publics mettent au pas les fedayin, rétablissent l'autorité de l'État et qu'ils refusent de céder au « chantage des syndicats ». Deux symptômes inquiétants font leur apparition dans cette confrontation : le clivage entre les deux camps antagonistes n'est pas seulement d'ordre social et politique, il est également confessionnel ; l'armée, qui s'est toujours voulue le garant de la coopération intercommunautaire et de l'unité du pays, est accusée par la gauche musulmane de partialité, tandis qu'elle est incitée par la droite chrétienne à faire preuve de davantage de fermeté.

Interventions

L'influence grandissante des organisations palestiniennes sur la scène politique libanaise se manifeste tant dans les événements de Saïda qu'à travers divers autres incidents : les fedayin jouent souvent les médiateurs dans les conflits politiques et sociaux qui opposent entre eux les Libanais. Ainsi, grâce à l'intervention de Yasser Arafat, président de l'OLP, le journaliste Michel Abou Jaoudé, enlevé le 3 juillet 1974, est remis en liberté, cinq jours plus tard. Le président Frangié consulte souvent les dirigeants palestiniens avant une négociation internationale et les informe des résultats.