En retour, Yasser Arafat invite le chef de l'État libanais à parrainer son admission à l'assemblée générale de l'ONU, où le président Frangié prononce, le 14 novembre, un grand discours de soutien à la résistance palestinienne.

L'ascendance que prend cette dernière irrite et inquiète Pierre Gemayel, leader des Phalanges. Il invite le chef de l'État, dès le 20 février 1975, à organiser un référendum portant notamment sur la présence et le statut des Palestiniens au Liban. Les polémiques d'abord, les incidents ensuite, se multiplient entre phalangistes et fedayin. L'accrochage du 13 avril ouvre une semaine d'impitoyables règlements de compte, qui se soldent par plus de 300 morts. Les dégâts, les pertes subies par les banques et les compagnies d'assurances, le manque à gagner d'industriels, de commerçants et d'hôteliers (en raison notamment de la baisse du tourisme) sont évalués à plus de deux cents millions de dollars. L'ordre (rétabli grâce aux efforts conjugués du président Frangié et de Yasser Arafat) demeure cependant précaire.

Les événements se précipitent le 7 mai 1975. Ce jour-là, six ministres (phalangistes ou sympathisants) démissionnent ; dans la semaine qui suit, la défection de huit autres ministres ne laisse plus au sein du cabinet que trois membres. Le président du Conseil, Rachid Solh, présente sa démission le 15 mai. Auparavant, il prononce au Parlement un virulent réquisitoire contre les phalanges, les accusant d'avoir fomenté les troubles confessionnels tout en essayant de dresser les Libanais contre les Palestiniens.

Guerre civile

Plus grave est la dénonciation de Rachid Solh du système étatique, sa sévère critique du pacte national (conclu en 1943) qui régit les relations interconfessionnelles. Il prône une profonde réforme de l'État, l'organisation d'un recensement pour déterminer la véritable proportion des diverses communautés, une nouvelle répartition des pouvoirs et des fonctions politiques. Il exprime enfin le vœu que la laïcité de l'État soit instaurée. Les propos de Rachid Solh, qui suscitent une vive émotion, témoignent sur l'importance du fossé qui s'est creusé entre les deux principales communautés du Liban.

Les affrontements armés, qui s'intensifient à partir du 20 mai 1975, mettent aux prises chrétiens et musulmans, phalangistes et Palestiniens, milices de droite et militants de gauche. Beyrouth est partagée en camps retranchés, les antagonistes ont recours à des mitrailleuses lourdes, à des canons de campagne, des mortiers, des pièces de DCA. L'association des industriels et des commerçants décrète une grève les 21 et 22 mai. Les travailleurs débrayent à leur tour, sur la demande du front des partis progressistes de Kamal Joumblatt. La paralysie du pays, la psychose de peur qui étreint tous les citoyens, le spectre de la guerre civile conduisent le président Frangié à constituer, le 23 mai, un gouvernement militaire sous la présidence du général (en retraite) Noureddine Rifaï.

Ce ministère restreint de huit membres (qui ne comprend qu'un unique civil) est chargé de rétablir l'ordre. Mais s'il est bien accueilli par la plupart des chrétiens, il suscite indignation et colère parmi les musulmans, les partis de gauche et les Palestiniens, qui s'estiment menacés. Malgré l'assurance donnée par le nouveau gouvernement qu'il ne remettra pas en cause le statut et les privilèges de la résistance, les fedayin redoutent une répression analogue à celle que le roi Hussein avait déclenchée contre eux en Jordanie en 1970 (Journal de l'année 1970-71), tandis que les progressistes libanais craignent d'être liquidés au profit des phalangistes. Protestations, pressions et menaces, exercées notamment par la Syrie, provoquent la chute du gouvernement Rifaï trois jours après sa formation.

Imbroglio

Le 28 mai, le président Frangié désigne Rachid Karamé pour former le nouveau gouvernement. L'ordre est progressivement rétabli à Beyrouth, mais des attentats isolés, des escarmouches entre bandes incontrôlées, des enlèvements et quelques cas d'atrocités sont signalés pendant la première moitié de juin.