Pendant la visite du président Nixon à Téhéran, le 31 mai, une dizaine d'attentats font deux morts et de nombreux blessés dont un conseiller américain, le général Harold Price. Le bilan des violences est cependant loin d'être complet en raison de la censure draconienne exercée sur la presse.

Répression

On mesure mal également l'ampleur de la répression. Elle est en tout cas sévère, à en juger par le nombre des exécutions capitales : 32 jeunes gens ont été passés par les armes en moins d'un an, de juillet 1971 à mai 1972, bien que le chah ait gracié au moins un nombre équivalent de condamnés à mort.

En revanche, de nombreux inculpés — à en croire les milieux de l'opposition — seraient morts sous la torture ou auraient été exécutés sommairement.

Parmi les chefs d'accusation cités dans les procès — qui se sont déroulés pour la plupart à huis clos devant des tribunaux militaires — figurent non seulement ceux ayant trait aux violences, mais aussi à « la subversion », à « l'atteinte à la sécurité de l'État » ainsi qu'à « la propagation d'idées collectivistes ».

En fait, les adversaires du chah appartiennent à diverses organisations ; certaines se rattachent au courant nationaliste du Dr Mossadegh, d'autres sont proches des milieux musulmans intégristes, d'autres encore se réclament du marxisme-léninisme. Qualifiés par le pouvoir d'« anarchistes », de « cléricaux » ou de « bandits stipendiés », les guérilleros partagent la même hostilité au régime, dont ils dénoncent le caractère réactionnaire et dictatorial ainsi que la soumission aux puissances impérialistes. Le chah, qui entretient d'amicales relations aussi bien avec les États-Unis qu'avec l'URSS et la Chine communiste, accuse le plus souvent les organisations palestiniennes et l'Irak d'armer et d'entraîner les terroristes iraniens.

Persépolis

Pour venir à bout d'une opposition qui se fait menaçante, le chah compte notamment cueillir les fruits d'une politique de prestige et de puissance. Il préside à partir du 12 octobre, et pendant deux semaines, à des festivités fastueuses pour célébrer le 2 500e anniversaire de la fondation de l'Empire perse. Celles-ci débutent par un imposant rassemblement de chefs d'État. 65 rois, princes, présidents de République, chefs de gouvernement logent dans des tentes plantées au pied des colonnades de Persépolis, meublées, équipées, décorées par une trentaine de firmes de renommée mondiale.

L'opposition accuse le chah de dilapider les deniers publics. L'événement, soutient-elle, a coûté plusieurs centaines de millions de dollars, mais un porte-parole de la Cour assure que les dépenses ont été inférieures à vingt millions de dollars. Après des spectacles de sons et lumière, des feux d'artifice, des banquets auxquels assistent des milliers d'invités, les célébrations sont couronnées par une parade militaire d'une rare qualité esthétique et chorégraphique retraçant l'histoire des armées de l'empire depuis vingt-cinq siècles.

Détroit d'Ormuz

Le chah, dont l'objectif proclamé est d'édifier avant cinq ans « la plus puissante armée du Proche-Orient », a consacré dans le budget 1971-72 environ la moitié des revenus pétroliers — soit plus d'un milliard de dollars — aux dépenses militaires. Une somme au moins égale est d'ores et déjà hypothéquée pour chacun des quatre ou cinq prochains exercices budgétaires, afin de régler le prix du matériel acquis ou en voie de livraison.

Les émirs arabes du golfe Persique ont pu mesurer l'opulence et la puissance de leur grand voisin lors de la parade militaire de Persépolis, à laquelle ils assistèrent. Aussi se sont-ils contentés de protestations verbales quand, un mois et demi plus tard, à l'aube du 30 novembre 1971, les troupes iraniennes débarquaient dans trois îlots du golfe appartenant aux principautés de Ras el Kheima (la Grande et la Petite Tumb) et de Chardja (Abou Moussa).

Le chah, qui revendiquait ces territoires, avait obtenu la caution de l'ancienne puissance tutélaire, la Grande-Bretagne, avant que celle-ci ne retire ses forces de la région.