Europe

La CEE à la recherche d'un nouveau souffle

« Et pourtant, elle tient. » Telle est la leçon d'une année de péripéties qui ont sérieusement ébranlé la Communauté, mais qui l'ont laissée debout. À défaut de l'impulsion que ne parviennent pas à lui donner les gouvernements, la CEE possède une force d'inertie exemplaire qui lui permet de résister à la crise économique mondiale et aux effets qui en découlent principalement sur le chômage.

Elle surmonte au printemps les difficultés monétaires et le risque d'un éclatement du système monétaire européen, grâce à un réalignement laborieux des parités. Mais, de sommet en sommet, elle repousse les échéances, se berce de vœux pieux et de résolutions sans lendemain. Le contentieux s'alourdit avec les États-Unis et le Japon. La situation financière devient catastrophique et l'Europe entre dans l'ère des déficits. L'argent des Dix s'engloutit dans les stocks alimentaires invendables ou dans les usines en déclin de la Communauté, au lieu de s'investir dans les secteurs porteurs d'avenir. La CEE reste muette devant les problèmes de défense qui la concernent au premier chef, tandis qu'elle se révèle incapable de donner une réponse aux pays qui veulent la rejoindre et piétinent devant la porte depuis des années. Les espoirs se reportent sur 1984, comme si le renouvellement de l'Assemblée de Strasbourg était de nature à redonner à l'Europe ce souffle qui lui manque.

L'Europe bleue

L'année commence par une solution au problème de la pêche qui empoisonnait depuis six ans les relations entre les anciens et les nouveaux membres de la Communauté, ces derniers ayant généralement des façades maritimes plus importantes. Le 25 janvier, un compromis établit une politique en quatre points. Un régime communautaire de conservation des ressources fixe la part des captures disponibles et établit des quotas entre les pays membres ; ces derniers pourront, en outre, généraliser jusqu'à 12 milles la limite de leurs eaux territoriales, en tenant compte des droits d'accès des autres États membres. Des mesures structurelles sont prévues en faveur de la modernisation et de la construction de certains bateaux, de la suppression de l'activité d'autres navires vétustés ou inadaptés. Une organisation commune des marchés est désormais instituée : elle prend effet au 1er janvier 1983. Enfin, des accords-cadres sont conclus avec des pays tiers, comme la Norvège, la Suède, le Canada et les États-Unis.

Le réalignement monétaire du 21 mars éclipse le Conseil européen qui se tient à la même date. C'est un consensus entre les chefs d'État et de gouvernement qui permet d'aboutir à un compromis, tandis que les questions figurant à l'ordre du jour sont escamotées et pour l'essentiel reportées au sommet suivant. L'accord réalisé constitue le septième ajustement depuis la création du SME, en 1979. Il intervient après celui du 14 juin 1982, mais comporte un écart moindre entre les changements de parités extrêmes. Le Deutsche Mark est réévalué de 5,5 %, tandis que le franc français est dévalué de 2,5 %. Le florin néerlandais, la couronne danoise, les francs belges et luxembourgeois s'apprécient respectivement de 3,5 %, 2,5 % et 1,5 %, tandis que la lire italienne et la livre irlandaise perdent 2,5 % et 3,5 %. Ainsi se trouve conjurée la menace d'un éclatement du système monétaire européen, des pressions s'étant exercées au sein même du gouvernement français pour une mise en congé temporaire, afin d'échapper aux obligations communautaires et d'assurer une meilleure protection des industries françaises menacées par la crise.

Ce succès européen fait oublier l'absence de progrès sur les autres sujets, l'attention se concentrant désormais sur le sommet de Stuttgart, alors que l'Allemagne assure la présidence de la Communauté.

Relance

Les Dix tiennent ainsi congrès du 17 au 19 juin dans la capitale du Bade-Wurtemberg. Ils décident d'entreprendre une action d'envergure pour assurer la relance de la Communauté européenne. Celle-ci doit maîtriser les dépenses dans les secteurs où il existe une politique communautaire ; cela vaut d'abord pour l'agriculture, où la modernisation devrait accroître la rentabilité. Cela concerne ensuite les dépenses de solidarité, essentiellement dans le domaine social et régional, dont bénéficient surtout les pays qui ont un PNB inférieur à la moyenne communautaire, c'est-à-dire l'Italie, la Grèce, l'Irlande et la Grande-Bretagne.