Pour parvenir à des résultats, le Conseil décide de faire appel à une procédure d'urgence particulière : des sessions spéciales se tiennent, dès l'été, avec les ministres des Affaires étrangères et des Finances pour déblayer le terrain en vue du sommet d'Athènes du 6 décembre.

Agriculture contre industrie

Il faut dire que la réunion de Stuttgart s'est achevée sur un certain quiproquo. Dominée en fait par les exigences britanniques concernant la compensation à accorder au Royaume-Uni dans le cadre du budget, elle a avalisé une promesse des Dix d'accorder à Londres 750 millions d'écus au titre de 1983. Cependant, la France met deux conditions qui ne figurent pas dans le document du Conseil, mais dans une déclaration annexe : d'abord apurer le passé et notamment la question du trop-perçu de la Grande-Bretagne (1 175 millions d'écus pour le budget 1980), alors que Margaret Thatcher considère qu'il s'agit d'un dossier clos ; ensuite, augmenter les ressources propres de la Communauté pour lui permettre de faire face à ses échéances, notamment en matière de politique agricole commune, faute de quoi Paris s'opposera au versement de la compensation britannique.

Ce dossier délicat se heurte à deux conceptions de plus en plus opposées :
– d'un côté, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, soutenus dans une certaine mesure par l'Allemagne, souhaitent plafonner les dépenses, en réduisant au besoin les subventions, pour éviter les montagnes d'excédents de lait par exemple. Londres demande que les crédits à l'agriculture ne progressent pas plus vite que ceux des autres secteurs ;
– de l'autre, la France entend protéger les revenus de ses agriculteurs, en réclamant un relèvement du plafond de la TVA (1 % actuellement) pour les recettes nationales, que les États membres peuvent affecter au budget européen. Paris souhaite aussi multiplier les initiatives européennes dans les autres secteurs, notamment industriels, pour détourner l'attention des dossiers agricoles et permettre aussi aux politiques européennes de prendre un vif essor dans d'autres domaines plus importants.

Ainsi, un mémorandum est présenté en septembre au Conseil des ministres. Il propose de consacrer une proportion supérieure aux 2,5 % actuels aux dépenses consacrées à la recherche. Il suggère une définition de normes européennes, pour éviter que les pays de la CEE ne se fassent une mauvaise concurrence entre eux, au lieu de se protéger contre l'extérieur. Il préconise la création d'un bureau européen de normalisation.

Pour sa part, le Danemark se prononce pour un fonds de convergence d'une durée de cinq ans, afin de venir en aide aux pays dont le PNB est inférieur à la moyenne communautaire.

Déclaration solennelle

Avant de quitter Stuttgart, les dix chefs d'État ou de gouvernement signent une déclaration solennelle sur l'union européenne, en vertu d'une initiative germano-italienne de novembre 1981 pour faire progresser l'intégration. Le texte représente un catalogue d'intentions assez vagues. Mais l'Assemblée de Strasbourg saisit la balle au bond en approuvant, au mois de septembre, par 199 voix contre 37 et 72 abstentions, un projet d'union européenne qui va beaucoup plus loin. Les innovations réclamées par les parlementaires sont décrites dans 142 articles qui fixent comme objectif l'unification de la CEE, prévoient que le pouvoir législatif est exercé conjointement par le Conseil et l'Assemblée, tandis que l'exécutif est assuré par la Commission. Dans ce projet, il est prévu une citoyenneté européenne ainsi qu'un rôle accru pour l'écu, qui devient monnaie de réserve et moyen de paiement. L'Assemblée de Strasbourg deviendrait un véritable parlement, pouvant prendre des décisions à la majorité simple (mais chaque État conserverait un droit de veto pour des décisions capitales le concernant). Bref, l'inspirateur du projet, l'Italien Altiero Spinelli, apparenté communiste et ancien commissaire, a élaboré une sorte d'embryon de constitution européenne, qui, pour l'instant, a seulement pour vocation d'être un document de référence.