Pour apaiser cette grogne, le gouvernement met une sourdine à ses intentions de s'éloigner de l'OTAN. Felipe Gonzalez semble estimer que l'amarrage de l'Espagne au pacte de défense occidental peut écarter l'armée de ses velléités putschistes. Le secrétaire américain à la Défense Caspar Weinberger est bien reçu, en mars, à Madrid. Et l'entrevue Reagan-Gonzalez au mois de juin à Washington illustre la bonne volonté du chef du gouvernement espagnol. À tel point que certains membres du PSOE en viennent à marquer leurs distances par rapport aux positions officielles en ce domaine.

La diplomatie espagnole a fait preuve, au cours de l'année, de beaucoup de dynamisme. Que ce soit en direction de l'URSS, où le ministre des Affaires étrangères, Fernando Moran, s'est rendu fin mai, ou en direction des pays arabes et de l'Amérique latine. Mais c'est avec le gouvernement socialiste de Paris que celui de Madrid multiplie les contacts. À plusieurs reprises, les ministres des deux pays se rencontrent. Felipe Gonzalez compte sur la France pour lui faire ouvrir les portes de la CEE, second point d'ancrage qui devrait arrimer définitivement l'Espagne dans le club des démocraties occidentales où elle a bien mérité sa place.

Georges Dupoy

Grande-Bretagne

Le triomphe du thatchérisme

Trois cent quatre-vingt-dix-sept députés sur 650 : les chiffres parlent ici mieux que les commentaires. En remettant en jeu son mandat le 9 juin — un an avant l'échéance — Margaret Thatcher n'a pas seulement gagné son pari, elle a apparemment obtenu un triomphe. Sa majorité parlementaire, déjà confortable en 1979, s'est accrue. Un bataillon de 69 nouveaux élus est venu encore renforcer les rangs de la droite aux Communes. Aucun Premier ministre conservateur n'avait connu pareil succès depuis 1935, pas même Harold Macmillan aux meilleures heures de l'après-guerre.

Ce triomphe, cependant, a ses limites. Numériquement d'abord : si le parti conservateur gagne des sièges, il perd 1 % des suffrages par rapport à 1979, une perte qui n'a pas eu d'incidences en raison du système électoral anglais. Sur le fond ensuite : le bilan de quatre années de thatchérisme, vu à travers les statistiques, est loin de justifier une victoire aussi éclatante. Malgré les compressions budgétaires, la diminution du niveau de vie des classes laborieuses, l'économie britannique ne connaît pas la renaissance promise, à peine l'esquisse d'une fragile reprise. Sans doute le gouvernement conservateur peut-il se prévaloir de certains résultats positifs : une inflation réduite à 4 % (elle était de plus de 10 % en 1979) ; un taux de croissance redevenu positif en 1982-83 (+ 1 %), après des années de récession ; une augmentation sensible de la productivité (5,8 % par travailleur). Mais, comme le remarque l'Economist, cette dernière amélioration a été obtenue par un dégraissage des effectifs plus que par une modernisation de l'équipement. Les investissements ont en effet baissé de 33 % entre 1979 et 1982. Malgré l'avantage majeur dont bénéficie la Grande-Bretagne avec le pétrole de la mer du Nord, les autres indices de la vie économique (balance commerciale, balance des paiements, déficit budgétaire) sont loin d'être satisfaisants. Quant au chômage, son taux a augmenté en quatre ans de 5,7 % à 13,9 % pour devenir l'un des plus élevés d'Europe. Il touche trois millions et demi de personnes.

Populisme et néolibéralisme

En fait, ce n'est pas sur le chômage ni sur le bilan économique du gouvernement que se sont jouées les élections (comme certains l'avaient prévu à tort), mais sur la personnalité du Premier ministre, auréolé par la victoire des Malouines. Ce qu'elles ont montré, c'est qu'il existait désormais, en Grande-Bretagne, un phénomène Thatcher. Un phénomène qui doit beaucoup au caractère de cette femme de fer, dotée d'une énergie et d'une opiniâtreté dont le monde politique britannique avait perdu le goût, mais plus encore à l'idéologie qu'elle incarne et à laquelle la crise, étonnamment, a ouvert une audience.