Mais cette orthodoxie renforcée est aussi marquée par des mesures contraignantes : la musique pop est mise quasiment hors la loi, des organisateurs de concerts sont accusés par la presse d'être « des criminels, des alcooliques, des drogués, des psychopathes », et sont condamnés à des peines de prison ; on poursuit l'épuration des éléments douteux dans l'armée ; quatre derniers prisonniers politiques, condamnés lors des grands procès de l'été 1972, sont maintenus en prison.

Sensible pourtant aux critiques croissantes des partis communistes de l'Ouest (notamment du PCF), le gouvernement fait un geste d'apaisement le 10 décembre 1976 en relâchant les détenus Milan Huebl, historien, Jiri Mueller, un des dirigeants étudiants en 1968, Jaroslav Sabata et Antonin Ruser.

Dialogue impossible

Cependant, la contestation s'organise et se manifeste officiellement par un coup d'éclat le 1er janvier 1977 : 242 Tchécoslovaques (qui ne sont pas que des intellectuels) rendent public un manifeste, intitulé : Charte 77. Ils ont signé ce texte pour exiger le respect des droits de l'homme dans leur pays, respect qui, selon eux, n'existe « que sur le papier ». À cinq mois et demi de la conférence de Belgrade, qui doit faire le bilan des engagements pris à Helsinki, ils demandent, en tant que communistes comme ils se considèrent toujours, d'ouvrir avec les autorités un « dialogue constructif ».

La réaction du pouvoir, que Gustav Husak semble avoir tenté de tempérer pendant quelques jours, est brutale. Le 14 janvier, trois des signataires (dont l'un des trois porte-parole de la Charte, le dramaturge Vaclav Havel qui sera remis en liberté provisoire le 20 mai), accusés de « crimes sérieux » contre la République, sont arrêtés. Alors que le mouvement s'amplifie jusqu'à recueillir 750 signatures, le gouvernement, qui affirme l'absence de « tout arbitraire et injustice » dans la société et soutient « qu'il n'existe aucun prisonnier politique en Tchécoslovaquie » multiplie les perquisitions, les interpellations, les privations d'emploi et les incitations à l'exil. L'écrivain Anton Binar et Zdenek Mlynar, dirigeant du PC en 1968, sont, en juin, les premiers touchés par cette dernière contrainte et se réfugient l'un et l'autre à Vienne.

Un drame : la mort du professeur Jan Patocka. Porte-parole de la Charte, il avait été reçu le 1er mars à Prague par le ministre hollandais des Affaires étrangères. Max Van der Stoel, à qui il avait expliqué le sens de son action. Après deux interrogatoires (dont l'un de onze heures), au centre pénitentiaire de Ruzyne, il est victime, le lendemain, d'une crise cardiaque et hospitalisé. Ce qui n'empêche pas les policiers de venir encore l'interroger sur son lit d'hôpital et la presse de le couvrir d'injures. Le 13 mars, il succombe à une hémorragie cérébrale.

Aides étrangères

La campagne menée par les autorités contre « cette poignée d'épaves politiques et morales » est condamnée par les Occidentaux, ce qui compromet, dans une certaine mesure, les tentatives d'une politique de rapprochement avec les pays de l'Ouest. Cela au moment même où la Tchécoslovaquie, qui, d'ici à 1980, veut faire progresser de 27 % le produit national brut et de 25 % la consommation, est obligée de recourir au crédit international pour faire face à ses difficultés économiques : mauvaises récoltes, déficit accru de la balance commerciale, insuffisance de la production industrielle, hausse du prix des matières premières. Les banques de la RFA prêtent au gouvernement de Prague 220 millions de dollars, augmentant du même coup sa dette extérieure, évaluée à près de 2 milliards de dollars.

C'est à l'égard de l'URSS que la dépendance économique reste la plus marquée. Plus du tiers de ses échanges se font avec elle, notamment en matière de ressources énergétiques : pétrole, gaz. Ce qui explique, sans doute, la formule du chef du gouvernement Lubomir Strougal : « La pierre angulaire de la politique étrangère du pays réside dans le renforcement constant de l'alliance avec l'Union soviétique. »

URSS

Moscou. 254 380 000. 11. 1 %.
Économie. Partiellement à l'abri du marché international et de ses fluctuations, l'économie progresse, au moins au niveau des grandes productions industrielles. L'URSS vient au premier rang mondial dans trois secteurs clés, le pétrole, le fer et l'acier, et au deuxième dans des domaines aussi importants que la fourniture de houille, de gaz naturel et d'électricité, d'aluminium. La situation est moins brillante dans l'agriculture ainsi que dans la production des biens de consommation.
Balance commerciale (75) : exp. 24 MM $ ; imp. 26,7 MM $.
Productions (75) : blé 65 Mt, pêche 9,9 Mt, houille 532 Mt, pétrole (76) 520 Mt, gaz (76) 321 Gm, électricité 1 038 TWh, fer 127 Mt, acier 141 Mt, aluminium 2,15 Mt. Production : G(73) 119 + I(74) 133. Énerg. (*74) : 5 252.
Transports. (*74) : 306 298 M pass./km, 3 097 662 M t/km.  : 19 236 000 tjb. (74) : 5 360 M pass./km.
Information. (73) : 658 quotidiens ; tirage global : 93 243 000. (73) : 110 300 000. (73) : 49 200 000. (73) : fréquentation : 4 583,3 M. (74) : 15 782 000.
Santé. (74) : 697 400. Mté inf. (74) : 27,7.
Éducation. (73). Prim. : 38 375 000. Sec. et techn. : 10 004 200. Sup. : 4 671 000.
Institutions. Fédération de républiques socialistes. Constitution de 1936. Projet d'une nouvelle Constitution rendu public le 4 juin 1977. Président du présidium et Premier secrétaire du Parti : Leonid Brejnev (élu chef de l'État le 16 juin 1977 il succède à Nicolaï Podgorny ; ce dernier est limogé du bureau politique du Parti le 24 mai 1977). Président du Conseil : Alexeï Kossyguine.

Fin de la troïka : Brejnev désormais seul maître au Kremlin

Dans un ciel apparemment serein, une bombe éclate le 24 mai 1977 : l'exclusion de Nicolaï Podgorny, président du Soviet suprême. Ce limogeage décidé par le plénum du Comité central, réuni pour approuver le projet de la nouvelle Constitution, consacre la mainmise sur le pouvoir de Leonid Brejnev, qui, élu le 16 juin président du présidium du Soviet suprême, reste l'unique maître du jeu au Kremlin.

Culte

Au printemps 1976, le secrétaire général du PCUS, apparemment remis des ennuis de santé dont on continue pourtant de parler périodiquement, s'impose de façon de plus en plus éclatante sur le devant de la scène, autorisant le développement d'un nouveau culte de la personnalité et négligeant déjà de conserver les apparences du pouvoir collégial, théoriquement partagé avec Alexeï Kossyguine, président du conseil des ministres, et Nicolaï Podgorny.