Journal de l'année Édition 1989

Du 01 janvier 1988 au 31 décembre 1988

Sommaire

  • Dossiers chronologie
    • Météo : l'Hiver

      Caractérisée par une douceur inhabituelle, des pluies modérées, des brouillards fréquents et parfois denses et la faiblesse des chutes de neige dans les Alpes et dans les Pyrénées, la dernière décade de l'année 1987 présageait une saison hivernale peu ordinaire. Tout au long du mois de janvier et sur l'ensemble du territoire, les températures ont été de 2 à 4 °C supérieures aux normales 1951-1980. De très nombreux records ont été battus. Nous retiendrons en particulier : 15,2 °C à Saint-Étienne-Bouthéon et 15,1 °C à Ambérieu le 2, 15,5 °C à Nevers et 12,3 °C à Colmar le 5, 12,1 °C à Aurillac et 13,2 °C à Mâcon le 25, 14,5 °C à Lyon-Satolas le 28... pour les températures maximales élevées, ou 7,8 °C à Mont-Saint-Vincent le 5, 6,9 °C à Saint-Étienne le 17, 8,9 °C à Lyon-Bron et 5,7 °C à Aurillac le 28 janvier pour les températures minimales élevées, ou encore, pour les températures moyennes mensuelles : 6° C à Grenoble-Saint-Geoirs contre 5,3 °C en 1974, 6,3 °C à Mâcon contre 5,9 °C en 1975, 7,4 °C à Vichy contre 6,5 °C en 1948. À cette douceur de durée exceptionnelle, il faut ajouter une pluviosité excédentaire à très excédentaire en toutes régions. Ces précipitations anormalement abondantes, imputables à la persistance d'un régime perturbé de secteur ouest à sud-ouest, ont provoqué, dans la moitié ouest du pays, la crue de nombreux cours d'eau et des inondations plus ou moins graves et la saturation des sols en eau. Au 31 janvier, le rapport de la réserve en eau disponible à la réserve utile (R/RU) est égal à 100 %. Notons aussi pour ce mois de janvier peu commun la faiblesse de la durée de l'insolation, notamment en plaine, un enneigement de qualité moyenne et la fréquence des vents forts (vitesse supérieure à 57 km/h) pendant les 1re et 3e décades. Le 22 janvier, l'ouest et le nord de la France ont subi une forte tempête heureusement moins dévastatrice que celle des 15 et 16 octobre 1987. Alors qu'en France le printemps a pris la place de l'hiver, de grands froids (– 25 °C à Chicago le 26) et des tempêtes de neige affectent plus de la moitié des États-Unis (68 morts au 10 janvier).

    • Météo : le Printemps

      Cette année, le passage de l'hiver, étonnamment doux et pluvieux, au printemps frais et humide, est très progressif. Du 21 mars au 3 avril, le champ de pression sur l'Europe occidentale est favorable au passage de quatre perturbations accompagnées de vents forts (152 km/h à Carteret, 124 km/h à Millau, 111 km/h à Chartres le 25), d'orages, d'averses de grêle ou même de neige en moyenne montagne les 31 mars et 1er avril. Des pluies d'intensité remarquable sont mesurées en Provence et dans la région Rhône-Alpes : 84 mm en 20 heures à Hyères et 48 mm à Cannes, 25 mm à Istres, 26 mm à Grenoble-Saint-Geoirs, 25 mm à Ambérieu en moins de 12 heures les 29 et 30. L'Europe de l'Ouest connaît les mêmes conditions pluviométriques que la France. Outre-Rhin, tous les cours d'eau sont en crue et le Danube dépasse, à Ratisbonne, la cote record de 6,79 atteinte en 1840 (huit morts et des communications terrestres très perturbées). En Australie, des pluies diluviennes s'abattent sur la région d'Alice Springs et sur le désert de Simpson.

    • Météo : l'Été

      La décade qui a suivi le solstice d'été a été marquée, en France, par une relative fraîcheur – les températures sont de 1 à 2 °C inférieures aux normales - et par l'activité de systèmes pluvio-orageux plus ou moins actifs se propageant du sud-est vers l'ouest et le nord (32 mm à Istres en 1 h 40 min le 28, 59 mm à Aragnouet en 24 h le 30). En Turquie septentrionale et centrale, les pluies abondantes et ininterrompues provoquent des glissements de terrain meurtriers (300 morts). Aux États-Unis, les fortes chaleurs et la sécheresse persistante favorisent la prolifération d'incendies de forêts d'ampleur exceptionnelle dans les États du Midwest et de l'Ouest ; certains d'entre eux ne seront maîtrisés qu'à la mi-septembre.

    • Météo : L'Automne

      L'alternance irrégulière de périodes chaudes et froides très contrastées, le caractère et la localisation des pluies, la fréquence des brumes, des brouillards et des nuages bas, le nombre élevé de jours de mistral et de tramontane, la diversité des types de temps ont fait de cet automne une véritable saison de transition.

  • L'année dans le monde
    • L'année dans le monde

      Il est des années où les événements se bousculent et en quelque sorte s'annulent : l'arrêt des massacres entre les hommes est contrebalancé par les hécatombes naturelles. 1988 est de celles-là.

  • Politique
    • Panorama

      Premier président socialiste depuis trente-cinq ans, François Mitterrand est également le premier président de la Ve République à avoir été réélu par le suffrage universel. Le vote des Français, le 10 mai 1981 et le 8 mai 1988, pourrait laisser croire à une grande stabilité du corps électoral. En fait, ces deux succès recouvrent une réalité forte différente. En sept ans, le centre de gravité du pays s'est déplacé vers la droite : le pôle modéré, à gauche, s'est renforcé, aux dépens du PC ; le pôle le plus dur, à droite, s'est accru du poids de l'extrême droite. Ce glissement se retrouve dans les évolutions idéologiques de l'opinion, en particulier dans la place qu'occupe l'entreprise, reconnue non plus comme lieu d'exploitation mais comme lieu de la production et de la performance. Il doit être immédiatement corrigé par l'attachement des Français à leur système de protection sociale, et, plus largement, à leurs acquis sociaux.

    • Les élections en France

      Aux urnes, citoyens ! Jamais cette invitation pressante à remplir leur devoir électoral n'avait retenti aussi souvent aux oreilles des Français depuis le référendum du 28 septembre 1958 qui fonda la Ve République.

    • La politique régionale

      En mai 1988, le gouvernement a changé, mais les grandes orientations, elles, n'ont guère été modifiées. Autre ministre, même politique. C'est du moins le jugement qu'on peut formuler, à quelques jours de la fin de l'année. L'aménagement du territoire – c'est-à-dire cette politique nécessairement volontariste qui cherche à rétablir un certain équilibre (disons même une certaine justice) entre les différentes zones du pays, à éviter les concentrations ici, la paupérisation et le vide là – n'est plus, à l'évidence, parmi les priorités gouvernementales. Cette grande idée des années 1960-1980 ne fait plus recette.

    • Israël an 40

      Pour l'État d'Israël, qui a fêté en 1988 son quarantième anniversaire, l'année restera d'abord et surtout celle de la tourmente palestinienne. Voués depuis leur conquête en juin 1967 à des convulsions périodiques, mais le plus souvent sans suite, les territoires de Cisjordanie et de Gaza ont été happés par un engrenage violence-répression qui semble interminable. En un an, le soulèvement, qu'Israéliens comme Palestiniens appellent du mot arabe « intifada », a profondément modifié les données et le rapport des forces du conflit proche-oriental. Quelques chiffres en donnent la mesure. Au début de novembre 1988, l'« intifada » avait déjà fait près de 300 morts et quelque 7 000 blessés. 5 800 Palestiniens se trouvaient en détention, 40 avaient été expulsés par les autorités militaires.

    • Le piège afghan

      Un million de morts, environ cinq millions de réfugiés – dont plus de trois millions au Pakistan et plus d'un million en Iran –, sans doute autant de personnes déplacées à l'intérieur du pays, tel était, au début de l'année 1988, le terrible bilan humain des huit années d'intervention militaire soviétique pour l'Afghanistan, qui ne compte que seize millions d'habitants. Il faut y ajouter les ruines provoquées par la politique de la terre brûlée menée par l'Armée rouge dans ce pays déjà pauvre, dont l'économie de vallées coincées entre de hautes montagnes demeure essentiellement rurale.

    • Iraq-Iran : ni guerre, ni paix

      Au début de 1988, après huit années de carnage qui ont coûté la vie à plusieurs centaines de milliers d'hommes, la paix dans le Golfe paraît plus éloignée que jamais. L'Iran refuse toujours d'accepter sans conditions la résolution 598 votée par le Conseil de sécurité des Nations unies en juillet 1987. Celle-ci, restée lettre morte, exigeait un cessez-le-feu immédiat et le retrait sans délai des forces belligérantes sur les frontières internationales.

    • Point de l'actualité

      George Bush ou Michael Dukakis ? Un héritier républicain contesté ou un (presque) inconnu démocrate réputé compétent ? Acculée à voter, au terme de dix mois d'une campagne plutôt terne, éprouvante et coûteuse, où le débat de fond avait très vite cédé le pas aux attaques personnelles, l'Amérique, qui avait confié aux sondages son peu d'enthousiasme pour les deux candidats, finit, à travers George Bush, par plébisciter une nouvelle fois Ronald Reagan avec 54 % des suffrages, estimant sans doute, selon la formule célèbre de ce dernier, « qu'elle était plus heureuse aujourd'hui qu'il y a huit ans ».

  • Société
    • Panorama

      Jamais la société française n'est apparue si complexe et si contradictoire. Les Français ont pris conscience de la situation de crise (culturelle, morale, économique, politique, institutionnelle) dans laquelle ils vivent et appellent de leurs vœux les changements nécessaires. Mais, en même temps, le conservatisme gagne du terrain. Les Français s'étourdissent dans la consommation, dans une recherche effrénée du confort, de la sécurité, du plaisir immédiat. Le résultat est une sorte de non-société, dans laquelle les relations humaines se réduisent ou se dégradent et où seuls les liens fonctionnels demeurent.

    • La société civile

      Ce n'est jamais par hasard qu'un terme ou une expression s'impose à un moment donné, devient « incontournable ». L'« alternance », la « restructuration », la « cohabitation » ont, chacune à son tour, qualifié des changements récents et profonds qui ont affecté la société française. Un concept nouveau ne prend tout son sens que lorsqu'il est exprimé par un néologisme. Il est alors « daté », intégré à l'histoire immédiate et mieux compris de ceux qui en sont les acteurs ou les témoins.

    • Écône : les sacres de la rupture

      Le mot de schisme se confond avec les pages les plus tourmentées de l'histoire de l'Église. Au xie siècle, le schisme byzantin sépare les Grecs et les Latins, l'Orient et l'Occident, Constantinople l'orthodoxe et Rome la catholique. Aux xive et xve siècles, le « grand schisme » coupe la chrétienté d'Occident en deux obédiences rivales, le pape de Rome et celui d'Avignon. Au xvie siècle, les dernières grandes fractures furent le fait de la Réforme, avec le « schisme anglican » d'Henri VIII et les « hérésies » de Luther et de Calvin.

    • Le marché du muscle

      Scandale à Séoul : le doigt sur la détente, on attendait des tueurs à la solde du voisin du Nord, et l'on a vu arriver des dopés, quasiment surpris le pouce appuyé sur la seringue. Les jeux Olympiques se sont détruits eux-mêmes. Faut-il pour autant annoncer la fin de l'olympisme ? Les J.O. étant la « vitrine » du sport, doit-on s'attendre à la déchéance de l'Homo sportivus, ce modèle de la société contemporaine ? Il y a lieu d'en douter pour plusieurs raisons.

    • Point de l'actualité

      Étrange année en matière pénitentiaire où l'on dut passer du « tout carcéral » d'Albin Chalandon à l'humanisme tendre de Pierre Arpaillange. Surpeuplées, explosant ici ou là au gré de mutineries d'une violence jamais vue depuis 1974 (ce fut le cas à Saint-Maur, Ensisheim et Besançon), les prisons n'ont cessé, en 1988, de préoccuper les gouvernants.

  • Économie
    • Panorama

      Après le krach boursier d'octobre 1987, les experts avaient prédit la récession. Non seulement elle n'a pas eu lieu, mais, au contraire, l'année 1988 se caractérise par une accélération de la croissance dans le monde. La plupart des pays industriels ont révisé en hausse leurs prévisions et, en moyenne, leur croissance dépasse 4 %, contre 3 % l'année précédente. Cette bonne conjoncture s'accompagne de fortes créations d'emplois, permettant un recul du chômage – même si celui-ci reste encore élevé en Europe –, et d'une reprise du commerce international dont profitent également les pays sous-développés.

    • Les turbulences financières internationales

      C'est dans un climat de prospérité, voire d'euphorie des marchés financiers que les cours des valeurs mobilières se sont effondrés brutalement le 19 octobre 1987 sur les principales places boursières des grands pays industrialisés. Immédiatement, on s'est demandé si l'économie « réelle » (celle des données fondamentales) et la « sphère » financière (la monnaie et l'épargne) allaient être affectées par le krach survenu à Wall Street, et si celui-ci allait dégénérer en une crise économique et financière comparable à celle de 1929. Dans un second temps, on a cherché à savoir ce qui avait bien pu mettre fin à l'indéniable prospérité financière et à la hausse des actions ou encore comment l'une et l'autre pouvaient être rendues responsables du krach boursier.

    • Le coût des retraites

      Le coût croissant des retraites est devenu le problème majeur de la protection sociale, en France comme dans la plupart des pays d'Occident. Curieusement, si experts, syndicats, gouvernants en débattent souvent, les Français le perçoivent mal. À travers les sondages, ils doutent toujours qu'on puisse maintenir le niveau des pensions et, en même temps, en majorité, ils continuent à penser que les difficultés de la Sécurité sociale sont dues aux abus en matière de santé. La dramatisation et le remue-méninges provoqués par les « États généraux de la protection sociale », organisés en 1987 par le gouvernement de Jacques Chirac, n'ont guère modifié ces convictions (Voir, par exemple, le sondage de la Fédération nationale de la mutualité française, en septembre 1987, et celui de la Sofres pour le mensuel Notre temps, en octobre 1988.). Aussi les pouvoirs publics hésitent-ils à prendre les mesures nécessaires.

    • Automobile : la guerre des Trois

      En cette année 1988, et après le record qu'elle a battu en 1986, l'automobile mondiale patine. Globalement, le marché ne progresse plus. Le découpage de la planète en trois grands marchés, qui se partagent d'inégale façon 32,5 millions de véhicules neufs chaque année, est aujourd'hui unanimement reconnu. Chaque grand marché – Asie, États-Unis, Europe – est aussi un centre de production.

    • Point de l'actualité

      Le 29 janvier, les États-Unis annoncent que les « quatre dragons » – Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taiwan – ne doivent plus bénéficier d'un traitement de faveur accordé aux Nations en voie de développement dans le cadre du Système généralisé des préférences et qu'à compter du 2 janvier 1989, l'exonération des droits de douane sur le marché américain sera supprimée pour certains de leurs produits.

  • Sciences et techniques
    • Panorama

      Dresser une rétrospective mondiale de l'année scientifique et technique est aujourd'hui une gageure. La presse se fait, jour après jour, l'écho d'une multitude de découvertes, d'inventions, de « premières », dont il n'est pas toujours aisé de mesurer la portée, mais qui semblent souvent marquer un réel progrès et ouvrir des perspectives très prometteuses. Serions-nous alors tentés par un excès de confiance dans les capacités de notre civilisation que l'actualité vient nous inciter à la plus grande modestie, en faisant brutalement apparaître les limites de notre savoir et de notre technologie. Le panorama scientifique et technique de 1988 illustre parfaitement cette dualité permanente de la nature humaine : la puissance et la fragilité.

    • Les promesses de la supraconductivité

      Des ordinateurs ultrarapides, des capteurs et des radars extrêmement sensibles, mais aussi de puissants aimants pour les appareils d'imagerie médicale, les futurs trains à sustentation magnétique ou la fusion nucléaire contrôlée, enfin la maîtrise de la cryoélectricité avec le transport et le stockage de l'énergie électrique sans perte ni échauffement... L'électronique, la physique et le génie électrique devraient ainsi être bouleversés par l'avènement de la « nouvelle » supraconductivité. Depuis deux ans, chercheurs et industriels du monde entier sont engagés dans cette bataille technologique, l'une des plus importantes depuis l'invention du transistor.

    • Le ciel embouteillé

      Pour les passagers aériens de toute l'Europe, le week-end de l'Ascension 1988 a été marqué d'une pierre noire : des retards qui n'en finissaient plus, des salles d'embarquement et des halls d'aérogares surchargés, un personnel d'accueil épuisé, des familles à bout de nerfs ; un véritable enfer, qui menaçait de se reproduire lors de la fête de la Pentecôte et, à bref délai, tous les jours de pointe des vacances d'été. Le problème est apparu d'une telle ampleur qu'il a imposé l'organisation d'une conférence des directeurs généraux de l'aviation civile de dix-huit pays européens sur les vingt-deux qui forment la CEAC (Commission européenne de l'aviation civile). À cette réunion, qui s'est tenue le 1er juin dans une salle de l'hôtel Sofitel de l'aéroport de Roissy, ne manquaient que les représentants du Luxembourg, de Malte, de Chypre et de la Turquie, excusés pour des motifs divers.

    • L'invasion des déchets

      Sorti brusquement de l'envers du décor industriel, le déchet est désormais placé à l'avant-scène, sous les projecteurs des médias. Trafics en tous genres, exportations vers l'Afrique, cargaisons disparues, images et récits se multiplient dans les journaux, les magazines et sur les chaînes de télévision ; pendant des mois, les Italiens et les Anglais sont tenus en haleine par les mésaventures du Lynx, du Makiri et du Zanoobia.

    • Point de l'actualité

      Le Journal de l'année 1986 publiait un dossier sur le SIDA. Depuis lors, il a été beaucoup question du SIDA dans les milieux scientifiques et encore plus dans les médias. D'innombrables travaux lui ont été consacrés et plusieurs conférences internationales ont été réunies, la dernière en date étant celle de Stockholm (12-16 juin 1988). Des progrès ont-ils été enregistrés par rapport aux données connues il y a trois ans ? Incontestablement, les connaissances se sont affinées en ce qui concerne le virus responsable. Mais, pour ce qui est du côté pratique, prévention et traitement, les résultats sont toujours aussi décevants.

  • Culture
    • Panorama

      Il y a une histoire, pas toute neuve, qui fait les délices des économistes. C'est celle d'un homme qui promène un chien hideux, d'une disgrâce presque repoussante. Il rencontre un ami, qui se moque aussitôt : « Comment ? Ne me dis pas que cette chose t'appartient... – Mais si, répond l'autre nullement vexé, non seulement ce chien est à moi, mais il vaut une fortune. D'ailleurs, tel que tu me vois, je vais le vendre : j'ai rendez-vous avec l'acheteur. – Un acheteur ? Pour ce monstre ? renchérit l'ami. Pas possible ! Et combien espères-tu en tirer ? – Un million de dollars, répond froidement l'homme au chien. – Tu es fou ou tu te payes ma tête. Retrouvons-nous demain, même heure, même endroit ; et tu me raconteras comment s'est conclue l'affaire. » Le lendemain, même heure, même endroit, les deux amis se revoient. L'homme au chien n'a plus de chien, seulement une laisse avec rien au bout. « Alors ? – Alors, comme je te l'ai dit, je l'ai vendu un million de dollars. – Impensable ! Et tu as un chèque ? – Ah, non, pas de chèque : je l'ai échangé contre deux chats à cinq cent mille dollars chacun. »

    • Patrimoine : le désastre et l'espoir

      L'année 1988 commençait sous le signe de l'espoir : le 5 janvier entrait en vigueur la loi de programme relative au patrimoine monumental. Une grande première et la démonstration d'un beau consensus national. Et puis, le 1er avril, c'était le pavé dans la mare : s'appuyant sur une étude confidentielle du ministère de la Culture, l'Express publiait un dossier au titre sans ambage, « Patrimoine : le désastre ». Malgré la date de parution, il ne s'agissait pas hélas d'un canular. De l'enthousiasme provoqué par l'adoption d'une loi apportant au patrimoine des moyens nouveaux, à l'affligeant constat dressé par l'hebdomadaire, s'est en fait inscrite, d'une façon saisissante, la dimension du problème patrimonial en ce xxe siècle finissant. S'il a paru nécessaire de recourir à cette formule peu usitée dans le domaine culturel, de la loi de programme fixant sur cinq ans la politique gouvernementale en matière de patrimoine, c'est que la situation méritait une attention toute particulière. C'est aussi que le patrimoine obtient aujourd'hui les suffrages d'une très large part de l'opinion publique.

    • Le cinéma en danger

      Paris, 29 octobre 1987. Quelques centaines d'exploitants de salles de cinéma venus de toute la France font le siège des locaux de leurs autorités de tutelle, ministère de la Culture et Centre national de la cinématographie (CNC) ; une manifestation symbolique qui peut étonner, venant d'une profession plus volontiers attirée par les négociations cordiales dans l'ambiance feutrée des salons que par l'agitation dans la rue ; manifestation-symptôme mettant au jour non seulement le malaise d'une corporation qui s'interroge sur son avenir face au développement de tous les autres supports de programmes audiovisuels, mais aussi l'inquiétude née du déclin de la fréquentation des salles amorcé en 1984 et brutalement aggravé à partir de 1987.

    • L'Année de la danse

      Tout a commencé en 1987, lorsque M. François Léotard, ministre de la Culture de M. Jacques Chirac, décida de charger M. Igor Eisner, inspecteur général de la danse, de mettre en place au sein de son ministère une délégation spécialisée dont la direction fut alors confiée à Mme Brigitte Lefèvre. Pour soutenir son initiative, M. Léotard annonça également la création d'un Conseil supérieur de la danse, présidé par le même Igor Eisner, dont la mission devait être d'établir un dialogue constructif avec l'ensemble de la profession, de fournir des avis sur les grandes orientations de la politique à mener dans ce domaine, ou sur les moyens de la mettre en œuvre, et de coordonner les actions des diverses administrations concernées.

    • Point de l'actualité

      Le vendredi 14 octobre, l'air est doux, et la pyramide de Ieoh Ming Pei, qui marque l'entrée du Grand Louvre, étincelle sous le soleil. À ses pieds, la garde républicaine joue une marche de Berlioz. Le président de la République, qui vient l'inaugurer, emprunte officiellement, pour la première fois, le passage Richelieu qui fait communiquer la place du Palais-Royal avec la cour Napoléon. La plaque qui signale l'entrée du ministère des Finances est désormais remplacée par celle du musée. Derrière François Mitterrand, on reconnaît parmi les ministres, auprès de la silhouette menue du premier d'entre eux, Michel Rocard, et de la noire tignasse en bataille de Jack Lang, la carrure massive d'Émile Biasini. Pour ce dernier, ce jour est une sorte de victoire personnelle. L'actuel secrétaire d'État aux Grands Travaux a durement bataillé au temps de la cohabitation pour la poursuite de ce chantier.

  • Sport
    • L'année du consensus

      Chargés de l'organisation des plus grands Jeux de l'histoire par leur ampleur et leur niveau technique, les Coréens du Sud ont parfaitement su remplir leur délicate mission. Pour la première fois depuis seize ans, les meilleurs athlètes ont pu concourir hors des entraves que sont les contingences politiques. Bien que ces olympiades aient été perturbées par le problème du dopage, ainsi que par la contestation de quelques arbitrages partisans, les assauts de violence dont elles avaient été menacées ne se sont pas produits. Et, après 16 jours de compétition acharnée, au cours desquels les champions de toutes les disciplines ont multiplié les exploits, le festival olympique s'est terminé par une cérémonie de clôture haute en couleur et empreinte d'amitié. Un adieu qui n'est qu'un au revoir. C'était bien là le couronnement de l'entreprise qui avait occupé un pays tout entier pendant sept ans. Surmontant les difficultés, les critiques et l'agitation estudiantine, la Corée du Sud pouvait s'honorer de l'un des plus beaux succès de son histoire. Sur cette terre divisée, la jeunesse du monde entier avait prouvé une nouvelle fois que la force de la fraternité et de la paix pouvait triompher de toutes les barrières idéologiques.

    • Calgary 88 XVes jeux Olympiques d'hiver

      1 445 athlètes en lice, 57 pays représentés, plus de 1,5 million de spectateurs ; ces chiffres ont illustré la parfaite réussite des jeux Olympiques de Calgary, les meilleurs jamais organisés selon Juan Antonio Samaranch, président du Comité international olympique. Un compliment sincère qui consolera les Canadiens de ne pas avoir pu arracher une seule petite médaille d'or au cours de ces 16 jours de compétition âprement disputée. Pas même celle du hockey sur glace, domaine réservé d'une équipe soviétique impériale.

    • Séoul 88 Jeux de la XXIVe Olympiade

      Les Jeux de 1972 à Munich avaient été ensanglantés par le massacre de neuf champions israéliens tombés sous les balles de l'organisation terroriste palestinienne Septembre noir. À Montréal, la plupart des États africains s'étaient abstenus pour protester contre la décision du CIO de ne pas exclure la Nouvelle-Zélande, accusée d'entretenir des relations sportives avec l'Afrique du Sud. En 1980, à la suite de l'invasion de l'Afghanistan par les troupes soviétiques, les États-Unis, le Japon et l'Allemagne de l'Ouest, obéissant à la consigne de boycottage lancée par le président Jimmy Carter, avaient refusé de se rendre à Moscou. Quatre ans plus tard, en représailles, les pays de l'Est, à l'exception de la Roumanie, déclaraient à leur tour forfait pour Los Angeles. À Séoul, rien de tout cela. Hormis Cuba et l'Éthiopie, toute l'élite du sport mondial était présente, soit 160 délégations et plus de 9 000 concurrents dont la sécurité fut parfaitement assurée, sans débordement excessif, par un déploiement de forces de police impressionnant. Après vingt ans de discordes, de drames, de conflits politiques, l'unité olympique était enfin reconstituée, à la grande satisfaction de Juan Antonio Samaranch, qui avait œuvré dans ce sens depuis son entrée en fonction (1980) à la présidence du CIO. Cette importante victoire place désormais le mouvement olympique au-dessus de toutes les pressions, de toutes les interventions extérieures et lui donne une entière autonomie indispensable à sa survie.

    • L'Actualité sportive les palmarès, les records, les champions

      L'année 1988 restera celle des records. Sur 16 épreuves disputées, les McLaren-Honda en ont remporté 15, dont 8 doublés. Au mépris de tous les dangers, Ayrton Senna a franchi la ligne d'arrivée en tête à 8 reprises contre 7 à son coéquipier mais néanmoins rival Alain Prost. Ce dernier a dû définitivement baisser pavillon au GP du Japon, où le Brésilien a été sacré champion du monde pour la première fois de sa carrière. Un titre parfaitement mérité puisqu'il s'est montré le plus rapide sur l'ensemble de la saison. Ses 13 poles positions en témoignent. Mais, en course, il s'est avéré que le Français restait le plus efficace au plan de la capacité à tirer le meilleur parti mécanique d'une formule 1 en prenant un minimum de risques. En réalité, au début de l'année, Alain Prost avait le double handicap de n'avoir encore jamais travaillé avec les motoristes japonais, contrairement à son adversaire, et d'avoir à affronter un homme dont le talent était équivalent au sien. Dans un tel contexte, le moindre ennui technique devenait insurmontable et le Forézien les a accumulés tout au long de l'été. À tel point qu'il fut même obligé de se plaindre auprès des responsables de son écurie, soupçonnés de favoriser les desseins du Sud-Américain. Faute d'un troisième titre mondial, Alain Prost aura eu, toutefois, la satisfaction d'avoir été à Adélaïde le dernier pilote vainqueur d'un GP au volant d'une voiture turbo, qui l'a conduit 35 fois sur la plus haute marche d'un podium. Souhaitons-lui d'être, en 1989, le premier à triompher sur une formule 1 équipée d'un moteur atmosphérique, comme le nouveau règlement l'exige.

  • Nécrologie

    Marta Abba (88 ans), comédienne italienne ; Milan, le 24.VI.88.