Les promesses de la supraconductivité

Le transport sans perte et le stockage de l'électricité, la domestication de la fusion nucléaire, des ordinateurs-nains, les supraconducteurs, qui se battent contre la barrière du froid, nous promettent tout cela.
Et bien d'autres merveilles encore...

Des ordinateurs ultrarapides, des capteurs et des radars extrêmement sensibles, mais aussi de puissants aimants pour les appareils d'imagerie médicale, les futurs trains à sustentation magnétique ou la fusion nucléaire contrôlée, enfin la maîtrise de la cryoélectricité avec le transport et le stockage de l'énergie électrique sans perte ni échauffement... L'électronique, la physique et le génie électrique devraient ainsi être bouleversés par l'avènement de la « nouvelle » supraconductivité. Depuis deux ans, chercheurs et industriels du monde entier sont engagés dans cette bataille technologique, l'une des plus importantes depuis l'invention du transistor.

Grâce aux progrès de l'électronique supraconductrice, on pourra probablement prévoir les tremblements de terre et éviter de terribles catastrophes comme celle qui a frappé l'Arménie en décembre 1988. Les spécialistes de la sismique testent actuellement des réseaux de surveillance – c'est le cas en France dans la Région Rhône-Alpes – fondés sur une nouvelle méthode appelée VAN, du nom des trois professeurs grecs de physique Varotsos, Alexopoulos et Nomikos, qui l'ont mise au point en 1981. Elle s'appuie sur la mesure des courants telluriques et des variations du champ électromagnétique en provenance des roches souterraines comprimées par les mouvements de l'écorce terrestre qui précèdent les grands séismes.

Cette auscultation du globe terrestre nécessite des magnétomètres ultrasensibles appelés Squids (Superconducting Quantum Interférence Devices) déjà expérimentés pour surveiller l'activité sismique de la grande faille californienne de San Andréas. Comme leur nom l'indique, ces appareils fonctionnent par interférence quantique entre le champ magnétique à mesurer et une boucle de courant supraconductrice constituée de deux « jonctions Josephson », sortes de transistors supraconducteurs à vitesse de commutation ultrarapide.

Une curieuse propriété

Les Squids sont l'une des applications actuelles de la supraconductivité (ou supraconduction), curieuse propriété observée sur certains matériaux portés à très basse température, ils n'opposent brusquement plus aucune résistance au passage du courant électrique.

Depuis sa découverte en 1911 par le physicien hollandais Kamerlingh Onnes sur des anneaux de mercure puis sur du plomb, ce phénomène cryophysique complexe – et longtemps resté inexpliqué – a suscité l'intérêt des chercheurs et fait entrevoir d'étonnantes applications. On pensait pouvoir s'affranchir de l'effet Joule responsable, par échauffement des conducteurs, des pertes électriques dans les lignes et les bobinages des machines tournantes. À cette époque, qui marquait l'avènement de la « fée Électricité », rechercher l'absence de résistance électrique, c'était un peu, pour les physiciens et les électriciens, renouer avec la quête du mouvement perpétuel des mécaniciens des siècles passés...

Au fil des années, la supraconductivité a fait entrevoir un large éventail d'applications qui vont des circuits électroniques ultrarapides aux aimants très puissants, en passant par les câbles de transport d'électricité, les moteurs et transformateurs sans perte électrique.

Un phénomène mystérieux

Dans un conducteur classique, par exemple un câble électrique, les électrons circulent en ordre dispersé : ils se gênent mutuellement et se heurtent aux ions constituant la structure atomique du matériau. C'est l'origine de la résistivité qui provoque, par effet Joule, l'échauffement du conducteur en question.

Dans un supraconducteur, cette circulation des électrons devient fluide, alors que, normalement, deux électrons se repoussent : un phénomène complexe d'interaction quantique entre les ions du matériau et les électrons permet à ces derniers de se regrouper en paires appelées paires de Cooper ». Ces paires d'électrons traversent alors le matériau sans rencontrer de résistance. Cette théorie de la supraconductivité dans les métaux, élaborée en 1957 – près d'un demi-siècle seulement après la découverte du phénomène – est connue sous le nom de BCS, du nom des trois physiciens américains John Bardeen, Léon Cooper et Robert Schriffer, prix Nobel de physique en 1972. Elle est actuellement remise en cause par l'avènement des céramiques supraconductrices. Si bien qu'il n'existe pas aujourd'hui de théorie générale pour expliquer ce phénomène cryophysique.

Le seuil de l'azote liquide

Ces applications n'ont jusqu'à présent connu que des développements relativement modestes, puisque les matériaux industriellement disponibles – essentiellement des alliages à base de niobium – devaient être refroidis à des températures voisines du zéro absolu (– 273 °C) à l'aide de cryostats contenant de l'hélium liquide à – 269 °C.