À Nîmes, le déluge. Des pluies torrentielles s'abattent sur la ville pendant six heures, submergeant tout. Ruelles transformées en torrents, boulevards devenant fleuves furieux, voitures emportées comme des fétus de paille, sept morts et des dégâts matériels considérables ; les météorologues accuseront le temps paradoxalement trop clément de ce mois d'octobre.

Le temps et ses incertitudes, le Bangladesh en a la tragique habitude. Là, des inondations appartiennent à la catégorie des malheurs obligés. Une fois encore, la population en survie voit ses rizières détruites et constate que, si le Gange apporte la vie, il l'emporte aussi. Trente millions de sans-abri n'ont plus qu'à attendre des secours venant de pays nantis, dont les États-Unis ; mais ceux-ci sont soumis à une vague de sécheresse exceptionnelle, qui détruit un tiers des récoltes de maïs, et qui rend les donateurs moins généreux. Encore que les excédents américains relativisent une situation qui n'est que conjoncturelle. De même, le cyclone « Gilbert » n'aura été qu'une menace en l'air. De l'ouragan qui devait détruire la Louisiane et les côtes du Texas on ne retiendra donc heureusement que le prénom masculin.

Arménie du malheur. 40 000, 60 000, les morts ne sont plus que des colonnes de chiffres. Le tremblement de terre qui a couru comme un long frisson tout au long d'une terre déjà martyrisée a fait écrouler villes et villages. Les réfugiés du Haut-Karabakh, déjà chassés par les musulmans azeris, ont trouvé leur Samarkand à Spitak ou Leninakan. Mikhaïl Gorbatchev, au nom de la glasnost, a ouvert les frontières aux secours internationaux et à la presse mondiale. L'Union soviétique est apparue alors telle que la propagande officielle ne l'a jamais montrée. Comme si le séisme dévoilait l'intimité d'une Russie profonde et révélait sa nudité de pays sous-développé.

Pierre Bois

Automobile

L'année des « grosses »

Le progrès n'est pas linéaire, on le sait depuis longtemps, maison s'étonne encore chaque fois qu'une innovation récente disparaît. En effet, après avoir brillamment débuté l'an passé, la suspension active a totalement déserté la Formule 1, Lotus et Williams étant revenues à des équipements classiques.

Cela ne veut pas dire pour autant que l'électronique a renoncé à gérer les suspensions. En série, aux systèmes japonais assez simples, l'Europe a substitué des gestions bien plus performantes dont profitent encore exclusivement quelques BMW et Lancia Thema. De même, les antipatinages et les transmissions 4 × 4 élaborées n'ont guère amplifié leur diffusion ; l'enthousiasme du départ passé, les problèmes de coût ont resurgi et limité leur montage aux véhicules de haut de gamme. À l'inverse, les antiblocages de freins ont commencé à se répandre dans le public. Après la Uno Turbo, c'est encore Fiat qui dote sa nouvelle Tipo d'un ABS Lucas, aussi performant que les anciens, mais vendu 6 100 francs seulement en France (40 % du prix d'un ABS classique).

Mais l'électronique attaque aussi là où on ne l'attendait pas. Valeo a pris de vitesse Sachs et AP avec son embrayage piloté, remplaçant la jambe du conducteur par un petit moteur électrique et son cerveau par des capteurs et une électronique de commande. Lancia l'a déjà installé sur ses Delta 4 × 4 de rallye. Significatif aussi est l'abandon du carburateur par Alfa Romeo. Des injections électroniques sont désormais montées sur les modèles 33 et 75, une modernisation imposée par le renforcement des normes antipollution. Pour son modèle de base 316i, BMW opère de la même façon : son nouveau 4 cylindres de 1 596 cm3 développe 102 ch sans difficulté grâce à sa conception assistée par ordinateur et à son injection électronique. On mesure le chemin parcouru lorsqu'on sait qu'il succède au 1 573 cm3, né 22 ans plus tôt avec 83 ch, un chiffre extraordinaire pour l'époque !

On voit là que la mécanique traditionnelle progresse de nouveau grâce au calcul par ordinateur. Ainsi, Tévès a sorti un nouveau frein à disque « à pince intérieure » pour l'Audi V8, plus puissant de 25 % qu'un frein classique de même diamètre. Peugeot a également fait gagner la course de côtes de Pikes Peak à une 405 turbo 16 4 × 4 dotée de 4 roues directrices particulièrement simples puisque entièrement mécaniques. De son côté, VW adopte un compresseur mécanique « G », en spirale, pour doper le moteur de son coupé Corrado ; pour les petites cylindrées (jusqu'à 1 800 cm3) le turbo semble détrôné. Le Corrado offre aussi une innovation qui fera date : un aileron aérodynamique mobile ne sortant qu'à grande vitesse. Mais ce coupé restait dans la ligne des produits nouveaux de l'année 1988, caractérisée par une excellente aérodynamique (Cx proches de 0,30) pour tous les véhicules, et par un poids en hausse de près de 100 kilos sur la génération précédente. Le second choc pétrolier est donc définitivement oublié ; la consommation n'est plus l'obsession première des automobilistes, et les ingénieurs peuvent offrir plus de confort et de silence en renonçant aux coûteux aciers HLE et en revenant à des matériaux plus lourds, mais moins chers.

Il faut saluer les records d'Audi avec un moteur à cinq soupapes par cylindre, alors qu'on nous annonce des « 3 soupapes » – essence chez Renault et diesel chez Peugeot – pour l'année prochaine.

Enfin, pour sa dernière année, la Formule 1 « avec turbo » a montré la totale domination des moteurs suralimentés. Avec 150 litres, contre plus de 200 aux « atmos », ils ont remporté 16 Grands Prix sur 16, le V6 Honda établissant un record avec 15 victoires. L'an prochain, Honda comme Renault reviendront avec des V10 ; une page aura été tournée...

Jean-Pierre Gosselin