Puissance et fragilité : tout au long de l'année, sciences et techniques auront fait alterner ces deux termes. La controverse scientifique la plus marquante de 1988 – celle de la « mémoire de l'eau » – peut elle-même s'inscrire dans ce schéma, car elle traduit tout à la fois la puissance de l'expérimentation et la fragilité de l'interprétation des résultats.

Le concept de « mémoire de l'eau » relève-t-il ou non de l'illusion ? Le débat reste ouvert. Avec pour toile de fond la question des bases biologiques de l'homéopathie : une question posée depuis déjà bien des décennies...

Philippe de La Cotardière

Médecine

Prix Nobel

Le prix Nobel 1988 de médecine et de physiologie a été attribué aux chercheurs britannique sir James Block (64 ans) et américains George Hitchings (82 ans) et Gertrude Elion (70 ans). Cette fois-ci, le prix récompense des découvertes qui ont eu des applications immédiates dans la pratique médicale et non des travaux de recherche fondamentale.

Sir James Block a découvert le propanolol, premier en date d'une classe de médicaments – les bêta-bloquants – qui ont constitué un progrès considérable dans le traitement de l'angine de poitrine, de l'infarctus du myocarde et de l'hypertension artérielle. Il a également mis au point la cimétidine, médicament qui représente un tout nouveau traitement de l'ulcère de l'estomac.

Les découvertes de George Hitchings, spécialiste des acides nucléiques, ont permis la préparation de plusieurs médicaments d'une importance majeure : la mercaptopurine (anticancéreux), la pyriméthamine (antipaludéen), l'azathioprine (antirejet utilisé lors des greffes d'organes), l'allopurinol (prescrit dans la goutte), le triméthoprime (antibiotique).

Gertrude Elion, spécialiste des antiviraux, a découvert l'aciclovir, premier médicament antiviral efficace contre l'herpès.

La pilule abortive RU 486

Une nouvelle molécule, étudiée dès 1982 par le professeur Étienne-Émile Baulieu, la mifépristone, ou RU 486, a été mise sur le marché le 23 septembre 1988. On a proposé, pour caractériser son mode d'action, le terme « contragestion », forgé par analogie avec « contraception ». En fait, cette pilule « contragestive » est une pilule abortive et, en aucune façon, la « pilule du lendemain ». Elle empêche l'embryon de se développer dans la cavité utérine et réalise ainsi un avortement par voie médicamenteuse.

Cette molécule est une antiprogestérone, c'est-à-dire un antagoniste de la progestérone au niveau de ses récepteurs utérins ; elle s'oppose à la nidation de l'œuf ou interrompt son implantation récente. L'emploi du RU 486 seul pour l'interruption de grossesse ayant donné un pourcentage élevé d'échecs (20 %), il a été jugé nécessaire de lui associer obligatoirement des prostaglandines, qui activent les contractions musculaires et accélèrent l'évacuation de l'utérus.

Consulté en 1987, le Comité national d'éthique, présidé par le professeur Jean Bernard, avait donné son accord pour la « mise à disposition » de la pilule abortive à condition que son usage soit conforme au cadre législatif relatif à l'interruption volontaire de grossesse (lois Veil des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979). Toute vente dans les pharmacies était et reste exclue.

Le protocole d'utilisation de la pilule RU 486 est aussi strict que celui des autres méthodes d'IVG. Seuls les centres d'orthogénie agréés par le ministère de la Santé (il en existe 800 en France) sont habilités à la délivrer. Elle ne peut être prescrite au-delà du 49e jour, compté à partir du premier jour des dernières règles. L'absorption de trois comprimés de mifépristone doit être faite devant le médecin du centre. Les prostaglandines sont administrées deux jours plus tard (en injection intramusculaire ou en ovule vaginal). L'expulsion doit se faire dans les 24 à 72 heures après l'administration de prostaglandines. Un contrôle écho-graphique doit être pratiqué une semaine plus tard pour vérifier la vacuité de la cavité utérine.

Même dans ces conditions, il y a 5 % d'échecs et, dans ces cas, il est impératif de revenir à l'avortement par aspiration. En effet, le RU 486 étant susceptible d'induire des malformations embryonnaires chez plusieurs espèces animales, il ne faut en aucun cas, en raison de cet éventuel risque tératogène, laisser évoluer une grossesse après la prise de la pilule.