Les premiers résultats de ces recherches sont encourageants : dans quelques années, les constructeurs d'ordinateurs et d'appareils de mesure devraient pouvoir disposer des premiers circuits intégrés Josephson en couches minces produits à l'échelle industrielle.

En attendant, on s'oriente, en informatique, vers des connexions supraconductrices qui servent à relier entre eux les microcircuits afin de réduire les pertes thermiques. On sait que le cœur de certains modèles de supercalculateurs comme ceux d'ETA-Control Data ont déjà leurs processeurs refroidis par de l'azote liquide. Des connexions supraconductrices pourraient améliorer de 15 à 20 % le rendement de ces machines, actuellement limité par réchauffement de leurs circuits de calcul.

Un autre domaine de l'électronique devrait être bouleversé par l'avènement des nouveaux supraconducteurs : les télécommunications. Utilisées dans les équipements d'émission-réception hyperfréquences, les couches minces supraconductrices vont permettre de travailler avec des longueurs d'onde extrêmement courtes : les fréquences sont de l'ordre du térahertz, soit mille milliards de hertz. La technologie des radars, des antennes de radioastronomie et des systèmes de télésurveillance par satellites devrait s'en trouver bouleversée : des radars supraconducteurs à fréquence submillimétrique donneraient des images de qualité identique à celle de la photographie courante. De même, les télécommunications, et notamment celles par satellites, pourraient élargir leur gamme de fréquence jusqu'à 5 térahertz, soit un spectre 150 fois plus étendu que celui de la bande actuelle de 30 gigahertz, déjà très encombrée.

De telles perspectives expliquent que les recherches sur la supraconductivité soient devenues en quelques années un enjeu mondial. En 1985, on comptait à peine quelques centaines de chercheurs dans ce domaine ; aujourd'hui, c'est plus de 10 000 personnes qui y travaillent activement, après le « choc » qu'a constitué pour la communauté scientifique internationale la « redécouverte » de Bednorz et Müller.

L'engouement actuel des chercheurs et des industriels de l'électronique pour la « nouvelle » supraconductivité ne doit pas occulter les progrès accomplis ces dernières années en électrotechnique avec les « anciens » matériaux métalliques. Il s'agit essentiellement des différents alliages de niobium, associés avec de l'étain, du titane ou un complexe aluminium-germanium refroidi à l'hélium liquide (Les application de la cryoélectricité sont recensées par Michel Vilnat dans « L'électricité qui vient du froid », l'Usine nouvelle, n° mensuel, mai 1987. Voir également le dossier « Les superpromesses de la supraconductivité », l'Usine nouvelle, n° 43, 20 octobre 1987).

La course vers les « hautes » températures

Ce graphique montre le « saut technologique » accompli depuis la mise en évidence, en janvier 1986 par G. Bednorz et A. Müller, de la supraconductivité des oxydes de cuivre dopés au lanthane et au baryum, puis au lanthane-strontium. Auparavant, la température critique – qui déclenche la chute de résistance électrique dans les matériaux – avait stagné pendant plus de 60 ans ! On était passé seulement de 4 °K à 23 °K, depuis la découverte du phénomène en 1911 par K. Onnes sur des métaux purs (mercure et plomb), jusqu'en 1973 avec des alliages de niobium, aluminium et germanium. En février 1987, par substitution de l'yttrium au lanthane, les professeurs Chu et Wu (universités de Houston et de l'Alabama) franchissaient la barrière de l'azote liquide. En 1988, le professeur Maeda, du Japon National Research Institute for Metals, atteignait 105 °K avec des composés au bismuth, tandis qu'un groupe de chercheurs d'IBM (Almaden Research Center), dirigé par W. Y. Lee, montait jusqu'à 125 °K avec le thallium. D'autres découvertes récentes permettent d'espérer que la supraconductivité à température « ambiante » pourrait être atteinte...

Des aimants pour la physique avancée

Longtemps réservée à la confection d'aimants pour les laboratoires de physique avancée – la grande chambre à bulles du Cern à Genève a été équipée dès 1974 du plus gros aimant du monde avec deux bobines supraconductrices de 100 tonnes chacune et un cryostat de 200 tonnes –, cette technologie a récemment débouché dans l'industrie. La plupart des appareils d'IRM (imagerie par résonance magnétique) sont aujourd'hui équipés d'aimants supraconducteurs. L'imagerie médicale absorbe, à elle seule, 80 % de la production mondiale d'alliages supraconducteurs qui atteint 130 tonnes par an et représente un marché de trois milliards de francs.