Iraq-Iran : ni guerre, ni paix

Une guerre meurtrière s'achève, qui n'a eu ni vainqueur ni vaincu. La paix, laborieusement conclue sous l'égide de l'ONU, risque de porter en germe les causes d'un nouveau conflit.

Au début de 1988, après huit années de carnage qui ont coûté la vie à plusieurs centaines de milliers d'hommes, la paix dans le Golfe paraît plus éloignée que jamais. L'Iran refuse toujours d'accepter sans conditions la résolution 598 votée par le Conseil de sécurité des Nations unies en juillet 1987. Celle-ci, restée lettre morte, exigeait un cessez-le-feu immédiat et le retrait sans délai des forces belligérantes sur les frontières internationales.

Les efforts du Conseil de sécurité et de son secrétaire général, M. Javier Perez de Cuellar, en vue de relancer le processus de paix envisagé par la résolution 598, semblent donc bloqués. L'Iraq exige que ce texte soit respecté à la lettre, c'est-à-dire qu'un cessez-le-feu soit proclamé sans conditions et que le retrait des Iraniens suive « sans délai ». L'Iran insiste pour que le cessez-le-feu n'intervienne qu'à la un des travaux d'un comité chargé de déterminer les responsabilités dans la déclaration de la guerre, c'est-à-dire que l'Iraq soit condamné officiellement pour avoir déclenché les hostilités en septembre 1980.

Le rôle de l'US Navy

Depuis l'entrée de l'US Navy dans le Golfe, les États-Unis participent pratiquement au conflit aux côtés de l'Iraq – du moins sur mer – et multiplient les pressions sur les Iraniens pour qu'ils acceptent la résolution 598. Un étrange rapport du comité des Relations étrangères du Sénat, rendu public en février, dresse un tableau catastrophique de la situation en affirmant que la défaite de l'Iraq constitue désormais une « réelle possibilité » ; il recommande chaudement que les Nations unies imposent un embargo généralisé sur les armements à destination de l'Iran, doublé si possible d'un boycottage économique.

En fait, dès 1983, les États-Unis ont mis en application un embargo sur les armements destinés à l'Iran en prenant l'initiative d'une série de mesures diplomatiques ; leur objectif était de persuader, par divers moyens, les États fournisseurs et les marchands d'armes internationaux d'interrompre leurs livraisons. Cette opération, qui avait été pratiquement annulée en 1986 à la suite de l'affaire de l'Irangate, avait été reprise en 1987 et avait réussi, au début de 1988, à tarir les principales sources d'armement des Iraniens. Ce qui explique, en partie, que les grandes offensives terrestres, maintes fois annoncées par Téhéran en 1987 et en 1988, n'aient jamais été lancées.

La présence active de l'US Navy dans le Golfe a constitué d'autre part un bouclier pour les lignes de navigation des alliés arabes de l'Iraq ; elle a permis à ce pays d'attaquer impunément les voies de communication maritimes vitales utilisées par l'Iran pour exporter son pétrole et financer ainsi son effort de guerre. L'Iraq, pour sa part, disposait d'un énorme matériel moderne qui lui permettait de franchir de nouveaux degrés dans l'escalade de la guerre. Avec leurs 40 avions (pour la plupart des chasseurs) en état de voler opposés aux 600 appareils en tous genres dont dispose l'Iraq, les Iraniens n'étaient plus en mesure d'assurer la protection de leurs principaux centres industriels.

Des raids dévastateurs

Le 27 février 1988, l'aviation iraquienne lance des raids dévastateurs contre la région industrielle de Téhéran. Elle attaque notamment une raffinerie de pétrole, située à une dizaine de kilomètres de la capitale. Incapable de répliquer de la même manière, les Iraniens lancent alors sur Bagdad un missile sol-sol. L'Iraq riposte par des tirs massifs de fusées sur le centre de Téhéran. C'est le début d'une nouvelle guerre des villes. Elle dure près de trois mois et illustre une fois de plus la supériorité de la technologie militaire des Iraquiens qui ont réussi en un temps record à fabriquer, probablement grâce au concours de techniciens européens, des missiles « Husayn » sol-sol d'une portée de 650 kilomètres.