Israël an 40

Année mouvementée pour le quarantième anniversaire de l'État d'Israël. Le soulèvement des Palestiniens des territoires occupés, la répression qu'il implique, le résultat confus des élections législatives rendent l'avenir encore plus incertain.

Pour l'État d'Israël, qui a fêté en 1988 son quarantième anniversaire, l'année restera d'abord et surtout celle de la tourmente palestinienne. Voués depuis leur conquête en juin 1967 à des convulsions périodiques, mais le plus souvent sans suite, les territoires de Cisjordanie et de Gaza ont été happés par un engrenage violence-répression qui semble interminable. En un an, le soulèvement, qu'Israéliens comme Palestiniens appellent du mot arabe « intifada », a profondément modifié les données et le rapport des forces du conflit proche-oriental. Quelques chiffres en donnent la mesure. Au début de novembre 1988, l'« intifada » avait déjà fait près de 300 morts et quelque 7 000 blessés. 5 800 Palestiniens se trouvaient en détention, 40 avaient été expulsés par les autorités militaires.

Tout avait commencé à Gaza le 8 décembre 1987 après que l'armée eut été massivement mobilisée au lendemain de l'assassinat d'un civil israélien. Des manifestations d'une violence sans précédent embrasèrent les territoires. La riposte militaire fut sanglante. Pierres contre fusils : l'image devint vite symbolique. À la grande surprise des Israéliens et du monde extérieur, la révolte, loin cette fois de s'apaiser, s'intensifia. Enfants, adolescents, adultes palestiniens exprimèrent de plus en plus violemment au fil des mois leur rejet de l'occupation israélienne et leur volonté d'autodétermination.

Outre les pierres, ils manièrent d'autres armes : cocktails Molotov, incendies. Les forces de l'ordre répliquèrent de plus en plus durement. Les coups de semonce et les jets de gaz lacrymogène insuffisants à ramener le calme furent remplacés par des balles en caoutchouc – souvent meurtrières – et des tirs réels. Les soldats et les gardes-frontières – en majorité druzes – se comportèrent, surtout dans les premières semaines, comme une force militaire classique face à l'ennemi. Peu à peu, cette guerre des rues changea de physionomie. Il y eut moins de manifestations et d'émeutes massives dans les villes et les camps de réfugiés. Mais la révolte prit l'allure d'un harcèlement continu des soldats à coup d'engins incendiaires.

Tout semblait indiquer que de petits groupes de militants organisés avaient pris le relais d'une population apparemment tenue en respect par un arsenal de sanctions collectives de tous ordres : arrestations, perquisitions, destructions de maisons au bulldozer (une quarantaine en 1988), couvre-feux. Prenant la mesure du soulèvement, l'armée renforçait considérablement ses effectifs – 40 000 soldats stationnent en Cisjordanie et à Gaza –, multipliait les mesures préventives et ouvrait le feu de plus en plus rapidement. Le ministre de la Défense, Itzhak Rabin, déclarait en septembre : « Notre objectif est de faire plus de blessés, pas plus de tués. » Même s'ils n'estiment pas leur vie en danger, les soldats israéliens sont désormais autorisés à tirer des balles en plastique, une munition qui peut être fatale à moins de 70 mètres.

Parallèlement aux affrontements de la rue, une autre bataille oppose les nationalistes palestiniens et les autorités israéliennes pour le contrôle de la population de Cisjordanie et de Gaza. Elle se déroule sur deux fronts : économique et administratif. Pour les Palestiniens, il s'agit de briser leur dépendance à l'égard d'une administration omniprésente dans leur vie quotidienne. Pour les autorités, il s'agit, à l'inverse, de réaffirmer clairement leur pouvoir et de maintenir un semblant de normalité dans les territoires. À l'appel de la « direction unifiée du soulèvement », la moitié au moins des membres de la police de Cisjordanie (1 000 hommes) démissionnèrent. Puis une vague d'assassinats frappa les « collaborateurs » palestiniens de l'autorité d'occupation, longtemps craints des habitants.