Israël frappa aussi l'OLP au Liban, où son aviation organisa plusieurs dizaines de raids contre des objectifs palestiniens situés notamment dans les camps de réfugiés. Ces bombardements firent de nombreuses victimes civiles. Le 9 décembre, près de Beyrouth, un commando s'attaqua aux bases des pro-syriens. Par deux fois, l'armée déclencha au Liban du Sud des opérations de plus grande envergure, visant tout autant les combattants chiites pro-iraniens du Hezbollah que les Palestiniens. Du 2 au 4 mai, 1 500 soldats israéliens ratissèrent le flanc occidental du mont Hermon, à la recherche de « feddayins et de leurs complices locaux ». L'opération s'acheva en une bataille contre les intégristes. Israël entendait ainsi montrer sa force face à ses adversaires pro-iraniens sans pour autant provoquer Damas.

Le 19 octobre, huit soldats israéliens furent tués lors d'une attaque à la voiture piégée au sud du Liban, à quelques centaines de mètres seulement de la frontière. Israël riposta à l'attentat par des raids aériens contre des objectifs du Hezbollah, qui firent 15 morts et 25 blessés. Sur le plan politique, Jérusalem fit savoir clairement qu'il ne souhaitait pas voir le Liban se doter d'un nouveau président inféodé à la Syrie.

Shamir et Gorbatchev

Le lent dégel des relations entre Jérusalem et Moscou s'est sensiblement accéléré en 1988. Itzhak Shamir, qui fut sans doute l'un des derniers dirigeants politiques à résister aux charmes du gorbatchévisme, a fini, à son tour, par consentir quelques commentaires plus optimistes sur les changements d'orientation intervenus au Kremlin. Il ne pouvait, il est vrai, continuer à ignorer la multitude de petits gestes accomplis par l'URSS à l'égard d'Israël. La plus importante décision soviétique, sur ce chapitre, fut d'autoriser une mission diplomatique israélienne à se rendre à Moscou, où elle est arrivée le 28 juillet avec un visa de deux mois qui devrait être périodiquement prorogé.

Il avait fallu attendre plus d'un an après l'arrivée en Israël d'une délégation consulaire soviétique, chargée d'inventorier les biens de l'Église russe, pour que Moscou accepte une mesure réciproque. C'est tout de même une décision « historique », puisqu'elle a permis le premier séjour en URSS d'une mission diplomatique de l'État israélien depuis la rupture des relations entre les deux pays en juin 1967. Son champ d'action est double : inspecter les biens d'Israël à Moscou (il s'agit uniquement du bâtiment qui abritait l'ambassade jusqu'en 1967) et les travaux de la section de l'ambassade des Pays-Bas qui s'occupe des visas israéliens accordés aux émigrants juifs soviétiques.

En fait, Israël voit surtout là l'occasion de reprendre ouvertement contact avec la communauté juive d'URSS, en espérant que ces retrouvailles auront un effet salutaire sur l'immigration. Un émigrant juif soviétique sur dix seulement se rend en Israël, les autres faisant « défection » à Vienne et poursuivant leur route vers les États-Unis ou le Canada. Dans le but de limiter cette hémorragie, Jérusalem a décidé de ne plus accorder ses visas à Vienne mais à Bucarest, d'où les émigrants pourraient gagner Israël par vol direct. Encore faudrait-il que Moscou consente à cette nouvelle formule. À terme, l'espoir de Jérusalem reste, bien sûr, le rétablissement en bonne et due forme des relations bilatérales.

Autre décision diplomatique d'importance : l'enclave de Taba, sur la mer Rouge, objet d'un litige entre Le Caire et Jérusalem, a été attribuée le 29 septembre à l'Égypte par la commission d'arbitrage international à laquelle les deux pays s'étaient adressés en 1986 pour régler leur différend frontalier. Cette minuscule enclave comprend un hôtel de luxe et quelques dizaines de mètres de plage. La souveraineté égyptienne étant désormais reconnue, il reste aux deux pays à négocier le sort des propriétés touristiques israéliennes.

En dehors de la politique, deux événements sont à retenir en 1988. Le 18 avril, au terme d'un procès de quatorze mois, le tribunal de Jérusalem a jugé que l'Ukrainien John Demjanjuk était bien « Ivan le Terrible », bourreau du camp de Treblinka. L'accusé a été reconnu coupable de « crimes contre l'humanité » et condamné à la peine de mort par pendaison. Les avocats de Demjanjuk ont fait appel devant la Cour suprême.

Enfin, Israël a lancé le 19 septembre son premier satellite, Offeq 1, qui pesait 156 kilos et qui a tourné en orbite pendant un mois. L'État juif a ainsi rejoint le club très fermé des neuf pays disposant d'une fusée assez puissante pour placer un satellite sur orbite spatiale. Même si les Israéliens s'en défendent, cette réussite technologique a déjà des retombées militaires. Elle renforce la capacité de dissuasion de leur armée face au monde arabe.

Jean-Pierre Langellier
Jean-Pierre Langellier a été notamment correspondant particulier du Monde en Israël. Chef adjoint du service de politique étrangère, il est chargé du Moyen-Orient.