Le coût des retraites

Le nombre des retraités ne cesse de croître. Les ressources nécessaires au versement des pensions, fournies généralement par les actifs, risquent de n'être plus suffisantes. Plusieurs scénarios, sinon plusieurs solutions, sont envisageables.

Le coût croissant des retraites est devenu le problème majeur de la protection sociale, en France comme dans la plupart des pays d'Occident. Curieusement, si experts, syndicats, gouvernants en débattent souvent, les Français le perçoivent mal. À travers les sondages, ils doutent toujours qu'on puisse maintenir le niveau des pensions et, en même temps, en majorité, ils continuent à penser que les difficultés de la Sécurité sociale sont dues aux abus en matière de santé. La dramatisation et le remue-méninges provoqués par les « États généraux de la protection sociale », organisés en 1987 par le gouvernement de Jacques Chirac, n'ont guère modifié ces convictions (Voir, par exemple, le sondage de la Fédération nationale de la mutualité française, en septembre 1987, et celui de la Sofres pour le mensuel Notre temps, en octobre 1988.). Aussi les pouvoirs publics hésitent-ils à prendre les mesures nécessaires.

Pourtant les signes ne manquent pas et les gouvernants eux-mêmes les ont mis en évidence. Le plus visible : depuis 1975, l'assurance-vieillesse du régime général (celui en gros des salariés du privé, qui rassemble les deux tiers de la population active occupée et 58 % des retraités) a été constamment en déficit, à deux exceptions annuelles près, et ce déficit s'est progressivement aggravé depuis 1981, en dépit de rémissions incomplètes obtenues par des relèvements de cotisation (1 point en 1984, 0,7 point en 1986, 0,2 en 1987, complétés par des prélèvements de 0,4 % sur le revenu imposable et de 1 % sur celui des capitaux.). Il a atteint 17 milliards de francs (sur un total de 223,7) en 1988 et on s'attend pour 1989 à un « trou » d'une trentaine de milliards.

Les dépenses de retraite n'ont cessé de croître : en volume – c'est-à-dire hors revalorisation des pensions –, elles ont doublé entre 1970 et 1982 et ont encore augmenté d'un tiers depuis (la croissance annuelle dépassant 6 % par an). Un tel mouvement se retrouve dans la plupart des grands pays industrialisés (voir encadré), où la part du produit intérieur brut consacrée aux retraites a doublé depuis 1960 ; la France, pour sa part, dépense proportionnellement moins que l'Italie et guère plus que l'Allemagne fédérale. On invoque souvent la démographie pour expliquer cette croissance. En réalité, elle est due davantage à l'évolution économique et sociale et à celle du système lui-même, aux améliorations qu'on lui a apportées.

De plus en plus nombreux

Selon les calculs du Centre d'études des revenus et des coûts (CERC), le nombre de retraités a augmenté considérablement (57 % de 1975 à 1986) (Cerc, Notes et graphiques, no 3, février 1988.). Cela tient pour partie à l'allongement de la durée de vie après soixante ans (2,9 ans pour les hommes, 3,7 ans pour les femmes entre 1970 et 1987) et, plus récemment, à l'arrivée à la retraite des générations plus nombreuses nées après la guerre 1914-1918. Mais la cause principale est le départ plus précoce à la retraite. Entre 1971 et 1983, la proportion d'hommes de 60 à 64 ans encore actifs a pratiquement diminué de moitié, revenant de 65,2 % à 33,6 % ; celle des femmes actives du même âge, d'un bon tiers (de 32,7 % à 20,6 %) (Cerc, Notes et graphiques, no 1, juin 1987.).

Il s'agit là d'une tendance « lourde » à long terme, comme disent démographes et sociologues. Ceux qui ont travaillé dur dans les années de reconstruction et de forte croissance économique – avec beaucoup d'heures supplémentaires – ont souhaité profiter plus tôt du « droit au repos ». L'abaissement de l'âge de la retraite à « taux plein » a été une constante des revendications syndicales. La crise économique des années 70 lui a donné une nouvelle force – et a contraint beaucoup de salariés à quitter plus tôt la vie active : le repos revendiqué a été subi...