Au demeurant, le régime général, s'il est le plus important, n'est pas le plus touché. D'autres, comme ceux des agriculteurs, des mineurs, des marins ou des cheminots, ont été atteints bien davantage encore par l'évolution des structures économiques. Depuis 1975, les effectifs des exploitants agricoles et celui des mineurs ont été divisés par deux ; dans ce dernier cas, on compte aujourd'hui 0,15 cotisant par retraité !

Mais le déficit de ces régimes est moins visible, car il est comblé par des subventions de l'État – qui peuvent représenter jusqu'à 53 % des ressources – et par les contributions des autres régimes – essentiellement ceux des salariés, des fonctionnaires, des agents des collectivités locales et des professions libérales – en vertu du système de la « compensation » généralisé en 1974. Celle-ci, qui fournit 52 % du financement du régime des mines, accroît en revanche les charges des régimes créanciers ; en 1988, pour l'assurance-vieillesse du régime général, les « transferts » sont supérieurs au déficit. Mais ils n'absorbent que 11,5 % de ses ressources globales – contre 34 % pour celui des collectivités locales et 37 % pour celui des professions libérales.

Payer davantage

À court terme, il y a peu de chances que la situation s'améliore. Les calculs faits en 1988 par le ministère des Affaires sociales, à législation constante, à partir de l'évolution récente et sur des hypothèses prudentes de revalorisation annuelle des pensions, prolongent la tendance ; d'ici à 1992, le nombre total des retraités s'accroîtrait de 4 % par an – encore un peu plus qu'entre 1982 et 1987 –, avec des différences selon les secteurs : 4,7 % pour le régime général, 6,5 % pour les agents des collectivités locales, 3 % seulement pour les fonctionnaires de l'État et à peine plus (3,3 %) pour les paysans. Cela signifie une augmentation du volume des pensions à payer de quelque 46 % par rapport à 1987 pour le régime général, de 50 % pour les collectivités locales, d'un tiers pour les fonctionnaires, de 27 % pour les agriculteurs.

Or, parallèlement, le nombre de cotisants stagnerait, voire diminuerait dans certains cas ; pour les agriculteurs, de 5 % par an, et pour les régimes « subventionnés » du secteur public (marins, mineurs, cheminots...), de 4,3 %. La poursuite de la reprise économique et de celle de l'emploi constatée en 1988 modifierait peu le tableau ; elle n'accroîtrait le nombre de cotisants du régime général que de 3 % au maximum. À court terme, il n'y a donc qu'une solution : payer plus. En novembre 1988, les pouvoirs publics ont déjà décidé de relever d'un point le taux des cotisations du régime général (Actuellement de 14,60 % sur les salaires (plafonnés à 10 000 francs par mois environ).). Cela ne suffira pas. Le gouvernement envisage donc un prélèvement sur tous les revenus, qui pourrait rapporter l'équivalent de deux points de cotisation.

Le poids de la démographie

Mais c'est surtout à long terme, dans une quinzaine d'années, que les perspectives s'assombrissent, pour des raisons démographiques et sociales. À partir de 2005 environ arriveront à l'âge de la retraite des générations nombreuses nées après la Seconde Guerre mondiale – alors que n'entreront plus sur le marché de l'emploi que des classes « creuses » (moins fortes de 10 % ou 12 % que celles des sortants).

Tandis que la population âgée s'accroîtra (les plus de soixante ans représentant 20 % à 21 % de la population au lieu de 18,7 % aujourd'hui), la population potentiellement active plafonnera. L'allongement de la scolarité continuera à retarder l'entrée des jeunes dans la vie active ; surtout, l'activité professionnelle des femmes, qui n'a cessé de croître depuis vingt ans, arrivera à son maximum et se rapprochera de celle des hommes (entre 2000 et 2020, selon des calculs faits il y a trois ans par le Commissariat au plan) (Commissariat au Plan, Faire gagner la France, Hachette Pluriel, 1985.). Parallèlement, arriveront à la retraite des femmes ayant eu de longues carrières, donc des pensions plus élevées (aujourd'hui la durée moyenne de cotisation est de l'ordre de douze ans dans le régime général).