Au Brésil, ils sont plusieurs millions. Les prêtres et les réfugiés politiques sont les premiers visés par ce nouveau statut des étrangers, qui va à rencontre des traditions du pays. Devant la réaction de la hiérarchie, soutenue par la majorité de l'opinion publique, le président Figueiredo s'engage à apporter des modifications aux articles les plus controversés.

Les éléments durs du régime, pourtant, ne désarment pas. L'occasion leur est fournie de faire un exemple, lorsqu'un prêtre italien installé dans le Nordeste, le P. Vito Miracapillo, refuse de participer aux commémorations de l'anniversaire de l'indépendance, le 7 septembre 1980, en alléguant que le Brésil ne sera pas véritablement indépendant tant que son peuple vivra dans la misère. Malgré les déclarations apaisantes de l'Église, les autorités militaires ne cèdent pas et exigent l'expulsion de l'« étranger qui a bafoué l'honneur national ».

Personne n'est dupe de cette décision, qui est, en fait, une concession aux forces les plus conservatrices du pays. Le président Figueiredo, décidé à poursuivre la libéralisation du régime (Journal de l'année 1979-80), a été, une fois de plus, contraint de reculer pour mieux assurer son pouvoir. Le report des élections municipales, prévues pour 1980, est un autre exemple de ses difficultés.

Démocratisation

En revanche, l'Union nationale des étudiants tient publiquement, en octobre, son premier congrès depuis 1968. Le même mois, le dernier détenu politique sort de prison. Depuis que les militaires ont pris le pouvoir, en 1964, jamais la presse ne s'est exprimée aussi librement. Tous les partis politiques, y compris le parti communiste, qui a destitué quelques mois auparavant son secrétaire général, Luis Carlos Prestes, octogénaire, tiennent des meetings publics.

Sous la pression des partis de l'opposition, le gouvernement accepte que le Congrès rétablisse, en 1982, l'élection des gouverneurs d'États au suffrage direct. C'est un pas important vers la démocratisation complète. Déjà, le débat est engagé sur la nécessité d'élire au suffrage universel, en 1985, le prochain président de la République.

Signe des temps : deux officiers supérieurs, le général Antonio Carlos de Andrade, un des principaux comploteurs de 1964, et le général Euler Bentes Monteiro, ancien candidat à la présidence de la République, sont sanctionnés pour avoir prononcé des discours hostiles à l'orientation politique du président Figueiredo.

Ce sont désormais les problèmes économiques et sociaux qui prennent le pas sur l'ouverture démocratique. Dans le Nordeste, une des régions les plus déshéritées du tiers monde, 240 000 travailleurs de canne à sucre se mettent en grève, fin septembre. Soutenus par les ouvriers métallurgistes et l'Église, ils obtiennent partiellement gain de cause.

Famine

La hausse du prix du pétrole, puis le conflit entre l'Iraq et l'Iran, qui prive le pays de 40 % de ses approvisionnements en or noir, menacent de ralentir le développement industriel. À cela vient s'ajouter, dans le Nordeste, la plus grande sécheresse jamais connue depuis le début du siècle. Sur un territoire de 762 000 km2, 13 millions de paysans se trouvent au bord de la famine.

Le gouvernement est obligé de mettre en place un plan d'urgence pour tenter de secourir les sinistrés. Le budget de l'État en est considérablement diminué. Dans certaines localités, la foule attaque et pille les magasins.

Les évêques de la région ne peuvent que manifester leur solidarité devant l'inconséquence, ou l'irresponsabilité, des autorités, qui n'ont pas procédé aux travaux d'infrastructure nécessaire. « Lorsque des hommes et des femmes ont faim, disent-ils en substance, ils ont moralement le droit de prendre ce que les riches leur refusent. » À la fin du xixe siècle, la sécheresse avait provoqué la mort d'un demi-million de personnes dans le Nordeste.

Le ministre Antonio Delfim Netto affirme, fin 1980, que la production agricole s'est accrue de 8,1 % en douze mois, alors qu'elle n'avait augmenté que de 3,5 à 4,6 % par an depuis 1965. Avec une population qui dépasse 115 millions d'habitants, le Brésil est ainsi devenu le deuxième fournisseur mondial de produits agricoles, après les États-Unis.

Récession

Mais les importations de pétrole, qui se sont élevées à 9,3 milliards de dollars en 1980 (contre 6,1 milliards en 1979), soit plus de 45 % de la valeur totale des exportations brésiliennes, ont aggravé la situation financière du pays : dette extérieure de 55 milliards de dollars, taux d'inflation de 110 %, déficit de la balance commerciale.