En même temps, la tension monte à nouveau entre Alger et Rabat. Pris entre ces deux feux, le gouvernement mauritanien est divisé. Le 20 mars, Ould Salek prend tous les pouvoirs, puis il remanie son gouvernement et en élimine trois ministres considérés trop favorables à la négociation avec le Polisario et trop « anti-Noirs ». Car un nouveau problème a surgi au Sud : la population noire (500 000 personnes) s'estime brimée et redoute une entité mauritano-sahraouie où elle serait minoritaire. Vient s'ajouter la maladresse d'une arabisation trop rapide de l'enseignement, alors que les Noirs du Sud sont pratiquement tous francophones. Un nouveau mouvement, le Walfougi, réclame l'autodétermination des Noirs, et le Sénégal renforce son dispositif militaire à la frontière. Face à ces difficultés, les espoirs de paix s'amenuisent. Après des mois de négociation, rien n'est réglé et rien, semble-t-il, ne peut l'être. La Mauritanie pourra-t-elle éviter non seulement la guerre, mais aussi l'éclatement du pays ?

Nouvel homme fort

Le 6 avril, une révolution de palais tranche le débat : Ould Salek reste à la tête du pays, mais il ne joue plus de rôle politique. Le pouvoir passe aux mains du colonel Ahmed Ould Bouceif, assisté d'un comité militaire de Salut national. Ould Bouceif, 45 ans, militaire formé en France (à Saumur, puis à Saint-Maixent) est, depuis 1976, chef d'état-major et il a dirigé le secteur stratégique de Zouérate, avant de devenir ministre de la Pêche et de l'Économie maritime.

Dès son arrivée au pouvoir, il déclare qu'il n'est pas question de remettre en cause l'alliance marocaine, et qu'il souhaite un renforcement de l'aide militaire française. Le flirt avec Alger semble donc terminé, le dialogue avec le Polisario se rompt : le 14 avril, le secrétaire général du mouvement, Mohammed Abdelaziz, rencontre le nouveau ministre algérien des Affaires étrangères, puis déclare que les négociations avec le gouvernement de Nouakchott ne reprendront qu'après l'évacuation totale de la région occupée par la Mauritanie.

Les opérations militaires sahraouies reprennent, plus violentes que jamais, dans le Sud marocain. Malgré les efforts de temporisation de la France, va-t-on vers une reprise générale des combats ? La mort accidentelle d'Ould Bouceif, tué dans un accident d'avion le 27 mai 1979, remet tout en question, et le pouvoir change à nouveau de mains. Le lieutenant-colonel Louly devient chef d'état-major ; le lieutenant-colonel Heydalla, nouveau Premier ministre, apparaît comme le nouvel homme fort.

Mozambique

Maputo. 9 680 000. 12. *2,3 %.
Économie. PIB (70) : 228. Énerg. (76) : 133. CE (70) : 8 %.
Transports. (73) : 396 M pass./km, 3 400 Mt/km. (72) : 89 300 + 21 500.
Information. (75) : 5 quotidiens ; tirage global : 79 000. (75) : 200 000. (71) : 19 500 fauteuils ; fréquentation : 3,2 M. (76) : 52 000.
Santé. (71) : 510.
Éducation. (72) Prim : 577 997. Sec. et techn. : 54 650. Sup. : 2 621.
Armée.  : 21 200.
Institutions. État indépendant le 25 juin 1975 (ancienne colonie portugaise). Constitution du 25 juin 1975. Chef de l'État : Samora Moïses Machel.

Premières contestations violentes

Avant-poste du socialisme en Afrique australe, le Mozambique, aux destinées duquel préside Samora Machel, un leader que la lutte armée contre le colonialisme avait pourtant auréolé de prestige, connaît ses premières difficultés politiques sérieuses. Un mouvement de contestation violente se développe progressivement à travers un pays dont la population est soumise à un régime d'austérité qui lui semble excessif.

L'explosion d'un engin piégé à la terrasse d'un café de Maputo, en juillet 1978, fait 55 blessés. Le 31 mars 1979, 10 civils, parmi lesquels un ressortissant portugais, sont condamnés à mort et immédiatement exécutés. Il semble que ces exécutions soient en rapport direct avec l'incendie criminel, survenu dix jours plus tôt, des réservoirs de pétrole de la ville de Beira — acte terroriste officiellement revendiqué par le mouvement Résistance nationale du Mozambique qui émet quotidiennement « quelque part en Afrique australe » à destination de la population mozambicaine.

Réalisme

Samora Machel prononce, en janvier, un véhément réquisitoire contre « l'Occident impérialiste » et, le 1er mai, il stigmatise l'Église catholique qu'il qualifie de « force de subversion idéologique et politique ». Cependant, il semble que les dirigeants de Maputo ne veuillent à aucun prix rompre avec les pays de l'Ouest, notamment avec le Portugal, ancienne puissance tutrice, et avec la République sud-africaine, principal partenaire économique. Le lieutenant-colonel Melo Antunès est officiellement reçu en mars au Mozambique, quelques semaines après la signature à Johannesburg d'importants accords de coopération mozambico-sud-africains. Il est vrai que, quotidiennement, 15 000 t de marchandises sud-africaines transitent à travers le Mozambique, et ce dernier fournit aux Sud-Africains 9 % de l'énergie électrique qui leur est nécessaire.