La longue guerre du désert menée depuis 1975 devait épuiser, économiquement, militairement et financièrement, la Mauritanie.

Négociations

C'est sans doute pourquoi il n'y a pratiquement pas de réactions populaires lorsque le Comité de redressement national composé de 18 membres, tous officiers, prend le pouvoir à Nouakchott. Mais le pouvoir est clairement entre les mains du colonel Mustapha Ould Salek, 50 ans, ancien gouverneur d'Atar. Ce changement de régime va-t-il modifier les données du problème sahraoui ? Comme la personnalité d'Ould Salek est mal connue, on observe d'abord, à Rabat, à Alger et à Paris, un silence prudent. Profitant de la brèche ainsi ouverte, cependant, le Front polisario décide unilatéralement un cessez-le-feu avec la Mauritanie, le 12 juillet, geste de « bonne volonté ».

Les réactions positives de Salek — qui déclare tout de suite vouloir la paix — inquiètent le Maroc. D'autant plus qu'au même moment le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, affirme à Paris que son pays souhaite sur le Sahara une concertation politique. Au début août, Houphouët-Boigny, président ivoirien, se déclare « prêt à aider » à une solution pacifique, et l'Élysée laisse entendre qu'une conciliation est possible. Sur quelles bases ?

Des négociations secrètes s'engagent dès le début du mois d'août, à Bamako, puis à Tripoli et à Paris, entre le Polisario et le nouveau régime de Nouakchott. Elles dureront longtemps — environ huit mois — et seront marquées par de nombreux rebondissements. À plusieurs reprises, le Polisario, impatienté par les « atermoiements » mauritaniens, menace de rompre la trêve militaire. Le colonel Salek reprend alors les pourparlers, qui s'élargissent aux autres partenaires, directs ou indirects. En effet, sont concernés par cette affaire : la Mauritanie, le Maroc, l'Algérie, le Polisario, la France, le Sénégal — et même l'Espagne qui a signé le traité de Madrid.

Dans le cours de ces discussions, trop longues, on peut distinguer deux phases.

1o Le dialogue se renoue entre la Mauritanie et le Polisario : à Paris, du 9 au 16 septembre, la Mauritanie semble prête à reconnaître le Polisario et à admettre un État sahraoui sur la partie mauritanienne de l'ex-Sahara espagnol. L'Espagne vient de normaliser ses rapports avec les Sahraouis, et la France pourrait cautionner toute solution acceptable par toutes les parties. Le 1er octobre, le Polisario décide de reconduire le cessez-le-feu en Mauritanie. À Alger, Boumediene emploie un ton conciliant dans un message à Hassan II, et, le 17 octobre, Mauritaniens et Sahraouis se retrouvent à Tripoli. En même temps, l'Algérie renoue avec Nouakchott et, le 4 janvier 1979, Rabah Bitat envoie à Ould Salek un message chaleureux, repris sous de multiples formes et même assorti de promesses de coopération future — si la Mauritanie reconnaît l'État sahraoui et renonce à son alliance marocaine. Va-t-on vers une solution à trois — Polisario, Mauritanie, Algérie — visant à former une grande Mauritanie qui intégrerait un État sahraoui, inféodé à l'Algérie, et excluerait le Maroc ?

Équilibre

2o Face à ces menaces, le Maroc a une réaction très vive. Dès le 22 août 1978, le roi Hassan II a précisé qu'il n'était pas disposé à céder un pouce de son Sahara et qu'il n'admettrait pas non plus un Fatahland sahraoui au sud du Maroc. Prudent dans ses relations avec l'Algérie, le roi accuse le Polisario d'être un « mouvement fantoche » qui d'ailleurs déclenche contre le seul Maroc de violentes opérations militaires. Ainsi, en janvier 1979, une grande offensive Houari Boumediene amène les Sahraouis aux portes de Tan Tan et le Maroc voit là une agression algérienne à peine déguisée.

Or, il apparaît vite que le colonel Salek, malgré sa bonne volonté, ne peut négocier seul. Il doit maintenir un équilibre avec Rabat. Dans ces conditions, sa marge de manœuvre se révèle trop étroite : lorsqu'il propose au Polisario de se retirer du territoire si la population le demande au cours d'un référendum, le Polisario, le 15 janvier, rejette son offre : il réclame non pas une partie du Sahara espagnol mais « tout » le Sahara qui, dit-il, lui revient.