« La frontière est ouverte » s'est exclamé, le 25 mai 1979, à El-Arich, capitale du Sinaï restituée à l'Égypte, Menahem Begin, en présence d'Anouar el-Sadate qui, quelques jours plus tard, dans son uniforme blanc d'amiral, saluait les premiers navires israéliens autorisés à traverser le canal de Suez depuis trente ans.

Espoirs et découragements

Pour ces résultats, que n'a-t-il fallu d'efforts diplomatiques, de négociations poussées jusqu'à l'aube, de gestes de mauvaise humeur et de relances spectaculaires, d'espoirs et de découragements !

Alors que Washington, comme l'Europe occidentale d'ailleurs, avait donné l'impression de ne pas prendre au sérieux le défi lancé par Sadate à Jérusalem le 19 novembre 1977, Jimmy Carter a consacré une énergie obstinée à relancer la « dynamique de la paix » au moment où elle se grippait.

L'entrée en scène du chef de l'exécutif américain, le 30 juin 1978, n'avait pas de quoi soulever les applaudissements israéliens. En cas d'échec des négociations bilatérales israélo-égyptiennes, prévient Carter, « nous demanderons aux Nations unies d'intervenir, notamment par l'intermédiaire de la conférence de Genève (qui ne s'est réunie qu'une seule fois, après la guerre d'octobre 1973). Et de rappeler l'esprit de la déclaration soviéto-américaine d'octobre 1977 qui mentionnait les « droits légitimes du peuple palestinien ». Des manifestations antiaméricaines se déroulent en Israël, où l'on préfère les discussions bilatérales aux réunions en forme de tribunal.

Mais Sadate ne veut pas de face-à-face « tant qu'il n'y aura pas de nouveaux éléments ». « Begin et moi, nous ne parlons pas la même langue » ajoute-t-il. Le raïs reçoit, au cours d'une visite à Salzbourg, le chef de l'opposition travailliste israélienne, Shimon Pères, et le ministre de la Défense, Ezer Weizman, considéré comme la colombe du gouvernement israélien.

Ces manœuvres pour déstabiliser la scène politique israélienne ne sont pas du goût de Begin, qui interdit à son ministre de se rendre à Alexandrie, où un nouveau rendez-vous lui avait été donné, et qui rappelle que « seuls lui-même et ses représentants sont habilités à négocier ».

Comme pour alimenter encore plus la mauvaise humeur ambiante, le Goush Emounim (Bloc de la foi), ce mouvement partisan du Grand Israël, annonce que 32 nouvelles colonies juives seront créées en trois ans en Judée et en Samarie, c'est-à-dire dans les territoires occupés depuis la guerre des Six Jours en 1967. L'objectif serait de porter à 100 000, dans cette région, la population juive qui, selon les chiffres officiels, n'était que de 9 000 au début de 1978. Ce problème des points de peuplement surgira, telle une épine, à chaque détour du chemin de la paix.

Dans le courant du mois de juin 1979, des manifestations ont eu lieu à Naplouse. Près de deux mille personnes protestent contre l'implantation israélienne d'Eilon-Moreh.

Cyrus Vance, le secrétaire d'État américain, ne se laisse en tout cas pas gagner par le scepticisme général. Il convoque au château de Leeds, en Grande-Bretagne, le 18 juillet 1978, les ministres des Affaires étrangères égyptien et israélien, Ibrahim Kamel et Moshe Dayan. Il reconnaîtra, après deux jours de discussions, que « des divergences majeures subsistent ». C. Vance croit pouvoir affirmer que « l'Égypte et Israël se réuniront à nouveau » et qu'il va s'y employer en se rendant au Proche-Orient au début d'août. M. Dayan relève, lui, « de nombreux points de convergence », en particulier au sujet d'un des problèmes qui ont le plus envenimé les négociations : la révision au bout de cinq ans du statut d'autonomie de la Cisjordanie et de Gaza.

Camp David

Du côté égyptien, cependant, on est moins encourageant. Pour Sadate, « Begin est le seul obstacle à la paix ». Le raïs expulse, le 25 juillet 1978, les neuf militaires israéliens postés à Alexandrie, où ils représentaient le seul lien entre les deux pays depuis la dissolution des commissions mixtes militaire et politique au début de l'année. Il refuse tout dialogue aussi longtemps que Begin, comme le lui suggèrent Dayan et le vice-Premier ministre Ygaël Yadin, n'aura pas fait un geste en annonçant la restitution sans contrepartie d'El-Arich, la capitale du Sinaï.