Sur le plan idéologique, l'eurocommunisme fait toujours l'objet de vives dénonciations. Elles atteignent un sommet, le 23 juin, avec la parution, dans l'hebdomadaire soviétique Temps nouveaux, d'un article d'une violence sans précédent contre le secrétaire du PCE, Santiago Carrillo et le livre qu'il a fait paraître en avril L'eurocommunisme et l'État. En fait, il s'agit d'un réquisitoire en règle non seulement contre S. Carrillo, mais surtout contre l'eurocommunisme lui-même dont « la mise en œuvre entraînerait la scission du mouvement communiste international, aboutissant ipso facto à l'objectif poursuivi depuis de nombreuses décennies par les forces réactionnaires ».

La politique étrangère est dominée par une offensive sans précédent en Afrique. Motivée par l'effritement de l'influence chinoise, un certain désengagement européen, les hésitations américaines, elle se développe sur plusieurs fronts.

Nicolaï Podgorny (dont personne ne pressent encore la chute) fait une tournée en mars en Afrique australe (sur les traces de Fidel Castro, avec qui une action conjuguée pour la mainmise sur le continent africain ne fait pas de doute. N. Podgorny visite la Tanzanie, la Zambie et le Mozambique, trois des cinq pays du groupe dit de première ligne, les plus directement concernés par le conflit rhodésien. Au moment où la Conférence de Genève sur l'avenir de la Rhodésie est dans l'impasse, il en profite pour réaffirmer sans réserve la promesse de « fournir toute l'aide nécessaire » aux mouvements de libération.

Afrique

Malgré ces assurances, malgré le fait aussi que ce soit la première fois qu'un chef d'État soviétique se rende en visite en Afrique noire, le bilan est moins positif qu'on ne pouvait s'y attendre. Ses hôtes ne cachent pas, en effet, que la décolonisation doit rester une affaire purement africaine, quelle que soit l'importance de l'aide militaire soviétique. Les traités signés, notamment avec le Mozambique, marquent pourtant la consolidation de la présence de l'URSS.

Même offensive dans la Corne africaine, où l'URSS, inquiète de l'influence montante des pays arabes modérés dans tout le Proche-Orient, veut démontrer sa volonté de soutenir tous ceux qui s'opposent à la création d'un lac arabe dans cette partie du monde. Au risque de perdre un allié de toujours, la Somalie, l'Union soviétique joue à fond la carte Mengistu. Lors du voyage du colonel en mai à Moscou, elle donne son appui sans réserve à la révolution éthiopienne. Or Addis-Abeba reste l'ennemi héréditaire de Mogadiscio, et leur contentieux (formé par la province éthiopienne de l'Ogaden, revendiquée par la Somalie, et Djibouti) est loin d'être réglé. Mais la Somalie est entièrement tributaire de l'URSS pour son armement, partiellement pour son économie.

Ce pari politique est à rapprocher des nouveaux revers subis par l'URSS au Soudan, avec lequel les relations n'ont cessé de se détériorer depuis la tentative de coup d'État procommuniste de juillet 1971.

À noter enfin la tentative de rapprochement avec l'Égypte. Malgré la détérioration depuis six ans des relations entre les deux pays, aboutissant le 15 mars 1976 à l'abrogation du traité d'amitié et de coopération (Journal de l'année 1975-76), l'URSS ne veut pas rompre les ponts, et le ministre des Affaires étrangères Andrei Gromyko, après des entretiens à Sofia en novembre, rencontre une nouvelle fois son homologue égyptien Ismaïl Fahmi, à Moscou, en juin, et ce dernier est reçu à cette occasion (le 10 juin) par Leonid Brejnev.

Oubliant les nombreuses déclarations hostiles d'Anouar el-Sadate, notamment sur la « collusion soviéto-libyenne contre l'Égypte » et sur « l'infiltration communiste dans le continent noir » ainsi que l'engagement militaire égyptien au Zaïre. Moscou semble vouloir renouer avec Le Caire qui qualifie déjà de « relative » la froideur dans les rapports entre les deux pays. On annonce enfin que Andrei Gromyko se rendra à son tour au Caire fin août ou début septembre 1977.

Réconciliations

La politique proche-orientale est marquée par la réconciliation avec Damas, le Kremlin ne pouvant s'aliéner, à quelques mois de l'ouverture de la Conférence de Genève, le seul pays ami (avec l'Iraq) qu'il conserve dans la région. Le président Assad vient à Moscou en avril et repart fort du nouveau soutien soviétique qui avait été compromis en juillet 1976 par l'intervention syrienne au Liban. Il est précédé, quelques jours plus tôt, par le leader de l'OLP. Yasser Arafat, qui, pour la première fois et en dépit de relations jusqu'alors réservées, a un entretien avec Brejnev. Au cours de cette première, la promesse d'un appui total est donnée, notamment sur une présence des Palestiniens à Genève.