À la même époque, par contre, Anatoli Chtcharanski, ingénieur de 28 ans, est accusé d'espionnage au profit de la CIA. Or, Chtcharanski n'a cessé de demander son départ pour Israël. L'ingénieur électronicien Jossif Begun, sans travail depuis 1971 (il avait demandé cette année-là l'autorisation d'émigrer), est arrêté en mai 1977. Ces exemples parmi tant d'autres sont la preuve incontestable d'un antisémitisme, qui se retrouve également dans l'interdiction faite aux Juifs de Kiev de se rendre en pèlerinage sur les lieux où, en 1941, cent mille des leurs furent massacrés par les nazis.

Les écrivains, artistes et savants contestataires

Quelques individualités, quelques affaires se détachent de ce magma dissident. En février, arrestation par le KGB d'Alexandre Guinzbourg pour trafic illégal de devises. Guinzbourg gère un fonds d'aide aux familles de détenus politiques. En avril, exclusion de l'Union des écrivains de Lev Kopelev, critique littéraire de 65 ans et ami de Soljenitsyne. En juin, annulation de l'exposition à Moscou du peintre Iliya Glazounov et, le même mois, inculpation pour « fabrication et diffusion d'inventions calomnieuses sur le régime soviétique » du physicien Youri Orlov (arrêté le 10 février 1977), cofondateur du groupe de surveillance de l'application des accords d'Helsinki.

Ce sont encore les persécutions dont le prix Nobel Andreï Sakharov continue d'être l'objet. Sakharov qui demande qu'à l'occasion de la nouvelle Constitution soit accordée une amnistie générale aux détenus politiques. Mais la campagne d'arrestations déclenchée en 1977 pour intimider la contestation laisse peu de chances à cette sollicitation. Même si la tenue de la Conférence de Belgrade peut inciter les autorités soviétiques à la clémence.

Fossé

Les dissidents, qui ne réclament que la stricte application de la loi, veulent que ce sommet soit l'occasion pour le camp occidental de mettre en évidence le fossé qui existe entre la théorie et les faits.

En la personne de Jimmy Carter, ils trouvent un allié de poids. Avec une détermination qui n'a jamais faibli depuis son élection, le président des États-Unis fait en effet campagne pour le respect des droits de l'homme, au risque de compromettre gravement ses relations avec Moscou. Il multiplie les déclarations, demande l'accroissement des crédits des radios Free Europe et Liberty, reçoit Boukovski à la Maison-Blanche et va même jusqu'à répondre personnellement, en février, à Andreï Sakharov qui lui avait demandé « d'agir en faveur des prisonniers politiques et religieux en URSS et en Europe de l'Est ». Autant d'initiatives qui provoquent les réactions immédiates et sévères du gouvernement soviétique.

Économie

Le Soviet suprême adopte, le 29 octobre, le Xe Plan quinquennal (1976-1980). Conformément aux décisions du XXIVe Congrès (24 février-4 mars 1976), il donne la priorité à l'industrie lourde, dont le rythme de croissance est évalué à 40 % environ. La production des biens de consommation ne progressera, elle, que de 30 %. Les salaires devraient subir une augmentation globale de 21 % ; le salaire moyen des ouvriers et des employés atteindrait 170 roubles (1 050 F) en 1980, celui des paysans 116 (750 F).

L'agriculture (16 % de taux de progression) recevra une part importante des investissements : 171 milliards de roubles sur un total de 620 milliards.

Malgré un ralentissement sensible, comme dans les pays occidentaux, de l'activité économique, 1976 voit une récolte record de céréales : 223,8 millions de t, qui font oublier le niveau catastrophique de l'année précédente : 140 millions de t. Dans le budget 1977, les investissements en faveur de l'agriculture augmentent de 5,7 % par rapport à 1976. Et, pour la première fois, les dépenses pour la Défense nationale diminuent de 1,15 %.

Reste un point noir : le déficit global de l'URSS à l'égard des pays occidentaux : 15 milliards de dollars. Et pourtant les planificateurs envisagent une augmentation de 30 à 35 %, d'ici à 1980, des échanges avec l'Ouest.

Pays frères

L'intégration économique, politique et militaire se poursuit avec les pays frères. Leonid Brejnev multiplie ses rencontres avec les dirigeants de la RDA, de la Bulgarie, de la Hongrie, de la Pologne et de la Tchécoslovaquie. En novembre, il se rend à Belgrade pour s'entretenir avec le maréchal Tito et donner aux Yougoslaves des assurances sur les intentions pacifiques de l'URSS. Le même mois, il effectue sa première visite officielle en Roumanie, le plus récalcitrant des membres du pacte de Varsovie.