Victoire donc pour le gouvernement, qui doit faire face, bientôt après, à une nouvelle série d'offensives des vaincus. D'abord, il y a les enlèvements de deux personnages considérables du royaume : Antonio Maria de Oriol, président du Conseil d'État (le 11 décembre) et le général Villaescusa, président du Conseil suprême de justice militaire (le 24 janvier 1977), rapts revendiqués par un mystérieux GRAPO (groupe de résistance antifasciste du 1er octobre). Le 24 janvier également, cinq avocats de gauche, réunis dans un bureau de la rue Atocha, en plein Madrid, sont sauvagement abattus à coups de mitraillettes par des inconnus. Et, le 28, tandis que des dizaines de milliers de personnes défilent, poings levés, à travers les rues de la capitale pour manifester leur horreur contre ce crime, trois policiers sont assassinés à leur tour.

À ce moment-là, on peut craindre que tout va basculer vers la catastrophe : opposition, franquistes, armée, police, tout le monde paraît sur le point de s'affronter. Là encore, le roi et son chef de gouvernement interviennent si rapidement qu'ils parviennent à désamorcer le conflit. Ils réussissent à convaincre les militaires et les policiers de faire preuve de sang-froid et mettent en application les mesures prévues par la législation antiterroriste, adoptée par le gouvernement de Franco en 1975. Puis, pour fournir des garanties aux ultras, on fait arrêter quelques gauchistes. Le 11 février, la libération, aussi mystérieuse que le fut le rapt, de V. de Oriol et du général Villaescusa contribue à apaiser les esprits.

Communiste

Il est temps de poursuivre la libéralisation : en vertu des nouvelles dispositions de la loi sur les associations politiques, qui supprime l'obédience aux principes du Mouvement, une première charrette de formations, dont le PSOE, est légalisée, mais pas encore le Parti communiste. Protestations de Santiago Carrillo, secrétaire général du PCE qui, interdit de séjour sur le territoire, avait été arrêté une semaine à Madrid le 22 décembre 1976 ; il affirme que, dès le mois de mars et quelles que soient les décisions officielles, il réunira dans la capitale un sommet eurocommuniste. Le gouvernement prétend qu'il ne peut trancher lui-même la légalisation du PC et que celui-ci n'a qu'à transmettre son dossier au Tribunal suprême, seule autorité pour statuer sur ce cas.

Le Français G. Marchais et l'Italien E. Berlinguer se rendent à l'invitation du secrétaire général du PCE les 2 et 3 mars. Événement plus spectaculaire dans la forme que dans le fond. Les Espagnols ont surtout retenu que le gouvernement n'était pas intervenu.

Le 1er avril, le secrétariat général du Mouvement (phalange) est dissous. Et, le 9, passant outre la déclaration d'incompétence invoquée par le Tribunal suprême, le président Suarez, profitant du vide politique du week-end pascal, légalise le Parti communiste. Certes, le ministre de la Marine, l'amiral Pita da Veiga, donne sa démission et le Conseil supérieur de l'armée publie une résolution dans laquelle il fait part de sa « répugnance », mais l'effet de surprise a, encore une fois, pris de court les ultras, qui n'ont pas eu le temps de se concerter.

Élections

Désormais tous les verrous de la libéralisation ont sauté. Le président du Conseil, triomphant de tous les obstacles, a su réaliser le programme qu'il s'était imposé ; le 15 avril, au cours du conseil des ministres, il peut fixer la date de la consultation populaire pour les élections législatives : ce sera le 15 juin.

Avant la date de l'ouverture de la campagne électorale, les mesures vont être, si elles ne l'ont déjà été, complétées : le 30 décembre, le Tribunal de l'ordre public est supprimé ; désormais, les délits de terrorisme seront soumis aux tribunaux ordinaires ; en avril, les associations syndicales sont légalisées, Adolfo Suarez ratifie à l'ONU la déclaration des droits de l'homme ; d'autre part, l'Espagne renoue ses relations avec l'Union soviétique et le Mexique, avec lesquels elle était brouillée depuis la fin de la guerre civile.