C'est trop peu et trop tard pour un gouvernement ingouvernable, déchiré par une troïka de frères ennemis qui se critiquent publiquement (le Premier ministre, le ministre de la Défense, Shimon Perès, et le ministre des Affaires étrangères, Ygal Allon). Un gouvernement coupé en deux par l'arrivée, en octobre 1975, d'un nouveau ministre du parti national religieux : Zvulun Hammer, jeune fanatique de 40 ans, non seulement opposé à tout retrait des territoires occupés, mais favorable à leur colonisation sauvage par des militants du Bloc de la foi, qu'il anime lui-même. Ce qui n'empêche pas, au printemps 1976, la démission « pour cause de dégradation constante de la situation » du faucon célèbre Ariel (dit Arik) Sharon, ex-général héros du Sinaï. Il voudrait réintégrer l'armée active après avoir été conseiller du Premier ministre, qui espérait ainsi désamorcer l'agressivité de son parti nationaliste d'extrême droite, le Likoud.

Les Arabes israéliens

Un demi-million d'Arabes sont citoyens israéliens : 350 000 musulmans, 100 000 chrétiens et 40 000 Druzes. Tous représentent déjà 15 % de la population totale (3 300 000) et, grâce à l'un des taux de natalité les plus forts du monde, leur nombre double tous les quinze ans. Or, déjà, la Galilée est peuplée de 27 Arabes pour 1 Juif. D'où la décision prise de judaïser un peu la province en expropriant 2 000 hectares dont 650 appartiennent à des Arabes. Opposition formelle du Comité pour la défense des terres arabes fondé pour la circonstance et qui prétend : « Les Arabes n'ont plus que 30 000 hectares de terres cultivables sur 80 000 dont ils sont encore propriétaires, reliquat des 400 000 qu'ils possédaient à la fondation de l'État en 1948 et dont le gouvernement israélien a, peu à peu, pris possession. Maintenant, ça suffit ! » Ce problème ravive de vieilles revendications touchant à tous les chapitres. Exemple : leurs étudiants représentent 0,3 % des Arabes contre 18 % pour les Juifs. Le nouveau maire communiste de Nazareth, Tewfik Zayad, rappelle : « Nous avons 6 députés et aucun ministre, or 15 % de la population devraient envoyer 18 élus à l'Assemblée et 3 ministres au gouvernement... Oui ou non, sommes-nous des citoyens israéliens jouissant de tous les droits ? Sinon, il faut permettre aux Arabes de se rattacher avec leurs terres à un autre État. »

Dévaluations

Pour les citoyens, la dégradation constante la plus douloureuse est celle du pouvoir d'achat. Au remède de cheval (dévaluation de la livre de 43 % en novembre 1974) succède une homéopathie à cadence record : de juin 1975 à avril 1976, sept dévaluations successives déprécient encore la livre de 28 % par rapport au dollar. À quoi s'ajoutent d'autres tours de vis. En septembre 1975, licenciement de 2 000 fonctionnaires, taxes augmentées de 5 à 10 % et prix de l'essence de 22 %.

En octobre, blocage pour trois mois des prix des services et des biens de consommation. En février 1976, pour dissuader les Israéliens de passer leurs vacances à l'étranger, nouvelles taxes très lourdes sur les billets. Et, pour freiner les importations, timbre fiscal et taxes sur allocations de devises. Tout cela pour tenter d'enrayer l'inflation, d'éponger en partie plus de 4 milliards de dollars de déficit de la balance des paiements (en augmentation de 17 %), alors que le budget de la Défense passe de 23 à 35 milliards de livres, soit 38 % au lieu de 31 %du PNB. Juste au moment où le président américain Gerald Ford, inquiet pour sa très prochaine réélection, oppose son veto à l'envoi d'une aide de 550 millions de dollars annoncée par le Sénat : chaque Israélien coûte déjà 833 dollars aux contribuables américains. Et le Pentagone a annoncé l'envoi à Tel Aviv d'avions F-15 Eaglefighter, le chasseur le plus moderne. À quoi s'ajoute, pour Israël, « de 10 à 20 armes nucléaires prêtes à servir », d'après une révélation de la CIA reprise par le Washington post. Time précise : 13 bombes de 20 kilotonnes comparables chacune à celle d'Hiroshima et qui ont failli servir pendant la guerre du Kippour. À rapprocher de déclarations répétées en février 1976, à Tel Aviv et à Paris, par le général Dayan, ancien ministre de la Défense : « Je crois que nous avons la possibilité de fabriquer la bombe maintenant. Nous devons l'avoir avant les Arabes, sans aide ni contrôle étranger, notamment américain. »