Ces témoignages sont accablants. Massacres, exécutions, travail forcé, déportations, emprisonnements, condamnations, ces mots reviennent sans cesse dans les propos tenus par tous les Cambodgiens qui ont réussi à passer les frontières. Et, même si l'on tient compte de la part d'exagération ou de polémique (volontaire ou involontaire) que peuvent contenir ces témoignages, le fait que les autorités ne les démentent pas, le fait aussi qu'elles refusent l'entrée du pays à tout témoin extérieur laissent planer un sérieux doute sur la situation au Cambodge. En même temps, il serait peut-être abusif de ne juger de la réalité du nouveau régime qu'à partir des récits des réfugiés.

Non-alignement

En fait, tout se passe comme si les maîtres de Phnom Penh étaient avant tout préoccupés de mettre en œuvre une révolution radicale qui ne soit débitrice de personne (les Khmers ne doivent compter que « sur leurs propres forces ») et qui voudrait effacer tous les vestiges de la colonisation et de l'ancien régime. Une révolution spécifiquement cambodgienne, d'un nationalisme intransigeant (après des heurts violents avec le Nord Viêt-nam, Phnom Penh récupère les îles Wai, dans le golfe de la Thaïlande) qui se traduit à l'extérieur par l'affirmation répétée d'une politique de non-alignement.

« Les grands problèmes sont résolus », annonce le 13 août Khieu Samphan, vice-Premier ministre, avant de partir pour Pékin, première visite officielle de l'homme fort du régime. C'est dire la rapidité avec laquelle ont été instaurées les nouvelles structures du pays. C'est aussi donner à Norodom Sihanouk, qu'il rencontre en Corée du Nord, le droit de regagner sa capitale.

Le prince arrive à Phnom Penh le 9 septembre 1975, mais, s'il demeure le chef de l'État, il ne bénéficie d'aucun pouvoir et le gouvernement fait en sorte qu'il n'ait pratiquement aucun contact avec la population, de crainte sans doute de voir renaître une popularité qui remettrait en cause la marche de la révolution. À peine arrivé d'ailleurs, Sihanouk repart pour Paris (où il rencontre le président Giscard), New York (où il définit à l'ONU la politique de non-alignement de son pays) et plusieurs capitales africaines et asiatiques. Plus ambassadeur que chef d'État, il adopte les positions des Khmers rouges, mais le cœur n'y est pas.

Il préside toutefois, le 3 janvier 1976, le Conseil des ministres qui ratifie la Constitution proclamant l'État démocratique du Cambodge et créant une Assemblée populaire de 250 députés (150 paysans, 50 ouvriers et 50 combattants) élus au suffrage universel. Candidat dans la capitale aux élections législatives du 20 mars, Sihanouk recueille 100 % des voix et l'Assemblée le choisit à l'unanimité comme chef de l'État. Mais, le 2 avril, il démissionne. Dans une allocution prononcée devant l'Assemblée réunie pour sa première session, il demande à prendre immédiatement sa retraite, estimant qu'« après l'ouverture de la nouvelle ère révolutionnaire son rôle a pris logiquement fin ».

La radio cambodgienne précise à cette occasion que le prince est, s'il le désire, autorisé à quitter le pays et que, étant donné les services rendus, une statue lui sera édifiée à Phnom Penh comme combattant anti-impérialiste.

Khieu Samphan le remplace comme chef de l'État, tandis que Pol Pot prend la direction du gouvernement. Le Cambodge apparaît désormais dirigé uniquement par des personnalités issues de la résistance à l'ancien régime. Au printemps 1976, selon le témoignage de plusieurs journalistes occidentaux, une opposition commence à naître dans la population, mais aucune volonté politique ne paraît lui donner un sens.

Chine (Rép. populaire de)

Pékin. 825 000 000. 87. 1,7 %.
Transports. (71) : *301 000 M t/km.  : 1 871 000 tjb.
Information. (70) : *12 000 000. (69) : *300 000.
Institutions. République populaire proclamée le 1er octobre 1949. Constitution de 1954 profondément modifiée par l'Assemblée nationale, réunie du 13 au 17 janvier 1975. Suppression de la présidence de la République. Le parti communiste devient l'organe suprême du pouvoir d'État. Président du parti : Mao Tsé-toung. Premier ministre : Hua Kuo-Feng, qui succède à Chou En-Lai, décédé le 8 janvier 1976.

L'après-maoïsme a commencé

« Mao hors jeu », « Aucun étranger ne le verra plus » ou même « Mao en quarantaine ». Ces très gros titres de la presse française commentent l'explication donnée le 15 juin 1976 à Pékin avant le départ du président malgache Didier Ratsikara, seul chef d'État en visite, depuis quatorze mois, à ne pas avoir été reçu par Mao. À cause de « son âge très avancé » et de « son travail qui l'occupe encore beaucoup », le Comité central du parti « a décidé de ne pas organiser pour le président de rencontres avec de distingués visiteurs étrangers ». Cette fois la page semble tournée, la porte fermée sur l'octogénaire dont la santé décline à vue d'œil depuis un an.

Transition

L'après-maoïsme, cependant, a déjà commencé cinq mois plus tôt : dès l'annonce, le 9 janvier 1976, de la mort du Premier ministre Chou En-lai, emporté à 78 ans par un cancer décelé en 1972 et qui oblige, en juin 1974, à une hospitalisation quasi définitive du malade, également affaibli par une crise cardiaque. Infatigable et patient, de cinq ans le cadet de Mao, Chou En-lai croyait avoir le temps de mettre en place un dispositif qui garantisse, de son vivant, un avènement sans secousses des héritiers du régime qu'il a si habilement tenu à bout de bras depuis sa fondation en 1949. Obligé de faire vite, de ne perdre ni temps ni forces, il emploie ses trois années de répit à brûler les étapes : après être parvenu à maintenir en réserve de la république, malgré leur début d'ascension fulgurante, les jeunes dirigeants révolutionnaires de Changhai, protégés de Mao et, surtout, de sa femme Chiang Ching, il fait réhabiliter par vagues les vieux chefs déchus depuis la Révolution culturelle.