À cela plusieurs raisons : l'Espagne a fait le plein de son émigration, qui fournissait, par ses envois d'argent au pays, près de 500 000 millions de dollars ; elle a fait aussi son plein de touristes : près de 25 millions. Mais les principaux obstacles sont d'ordre institutionnel : c'est l'archaïsme de la fiscalité ; le régime de la propriété agricole qui demeure encore celui des latifundia ; la petitesse des entreprises (94 % d'entre elles emploient moins de 100 ouvriers) ; la sacro-sainte règle du plein emploi (2 % de chômeurs) qui gêne les entrepreneurs. À cela s'ajoute la difficulté évidente de trouver des investissements.

Tout n'est pas noir cependant dans ce tableau. Les réserves de dollars, qui étaient de 800 millions en 1969, atteignaient, à la fin de 1971, 3 milliards 200 millions. Le budget expansionniste de 1972 devrait accentuer le nouvel essor de la production et de la demande intérieure, estime l'OCDE.

Pour les Espagnols — et l'agitation le prouve — les choses sont un peu différentes. Ils constatent, avec la montée des prix, le vieillissement des structures de leur pays. Les étudiants se plaignent du manque de débouchés, les entrepreneurs des règlements qui les paralysent, les ouvriers de l'impossibilité de faire valoir leurs droits, tout le monde du manque de liberté.

Du moins Lopez Rodo, ministre-commissaire au Plan, met-il une condition à la libéralisation du régime : que le revenu annuel de l'Espagnol atteigne 1 000 dollars par an. Or, si ce revenu est passé de 720 dollars en 1969 à 820 à la fin de 1971, l'actuel ralentissement de l'expansion semble renvoyer à bien tard une liberté qui se fait pressante.

Cette impatience se manifeste dans les rangs mêmes de ceux qui furent parmi les plus fermes soutiens du franquisme. L'affaire du journal Madrid est à cet égard exemplaire. Le quotidien, dirigé par deux membres reconnus de l'Opus Dei, propose une véritable ouverture démocratique et libérale et recourt parfois à une critique modérée du gouvernement. Dès octobre 1971, le ministre de l'Information essaie par des pressions diverses de remplacer Fontan et Calvo Serer, le propriétaire, pourtant vieux compagnon de Franco, par un nouveau directeur plus docile à ses thèses. Cette petite guerre se termine par la fermeture arbitraire de Madrid.

Intervention de l'Église

Plus grave et plus profond est le lâchage de l'Église. En 1970, les évêques basques, et peu après le Vatican, intervenaient auprès du gouvernement en faveur des accusés de Burgos (Journal de l'année 1970-71). Dès ce moment, un grand tournant s'amorçait dans les rapports de l'Église à l'égard du régime franquiste. De fait, le clergé va multiplier ses interventions dans le domaine social. L'évêque de Las Palmas (Canaries) demandera-t-il dans une lettre pastorale que des collectes soient organisées le 29 août 1971 en faveur de grévistes de l'île.

En septembre, l'assemblée des prêtres et des évêques exprime son angoisse devant la persistance des injustices sociales et les atteintes à la liberté d'expression ; elle va jusqu'à réclamer la suppression des tribunaux d'exception. Enfin, en décembre, la commission Justice et Paix de l'Église espagnole publie un texte affirmant : « Il n'y a ni justice ni paix véritable dans notre pays. »

C'est plus que le Caudillo ne peut supporter. Dans son allocution de fin d'année, le 30 décembre, il s'attaque à cet inadmissible déviationnisme : « Ce qu'un État ne peut faire sous aucun prétexte, dit-il, c'est se croiser les bras devant certaines attitudes de caractère temporel adoptées par quelques ecclésiastiques. L'État s'opposera à tout ce qui pourrait porter atteinte à sa souveraineté et troubler la cohésion nationale. » Quelques jours après, la revue Ecclesia, porte-parole officieux de l'épiscopat espagnol, réplique à cette mise en garde : « L'Église ne peut renoncer en aucune façon à exercer son ministère, à enseigner sa doctrine sociale et à dénoncer les violations de la justice. »

La 16e conférence de l'épiscopat espagnol s'ouvre le 6 mars 1972 dans une atmosphère de crise, opposant les tenants de l'ordre ancien national catholiciste, représentés par Mgr Guerra Campos, député aux Cortes, aux partisans du libéralisme, appelés conciliaires, ayant pour chef de file le cardinal Tarancon, archevêque de Madrid. « Confusion véritablement lamentable », écrira Mgr Villot, secrétaire d'État au Vatican qui, dans un message, apportera son appui à l'archevêque, favorisant la victoire des conciliaires. L'Espagne bouge. À l'intérieur du cadre étroit et rigide du système, on perçoit des craquements. Le décalage est désormais évident entre les manifestations d'un régime figé et les réalités bouillonnantes. Si les élections aux Cortes n'attirent pas plus de 50 % des électeurs, si l'indulto (décret d'amnistie) signé le 1er octobre 1971 pour le 35e anniversaire de l'arrivée au pouvoir de Franco ne rencontre qu'indifférence, les séparatismes s'exaspèrent ; pas seulement, au Pays basque, mais encore aux Canaries et en Catalogne (réunion clandestine de la première Assemblée des forces démocratiques de Catalogne en novembre) ; les commissions ouvrières se substituent peu à peu aux syndicats officiels ; et, de Paris où il s'est réfugié, Calvo Serer, l'ancien franquiste, s'écrie : « Moi aussi, j'accuse. »

Finlande

4 680 000. 14. 0,6 %.
Économie. PNB (69) 1 944. Production (69) : G 131 ; A *118 ; I 149. Énerg. (*69) : 3 576. C.E. (69) : 22 %.
Transports. (*69) : 2 154 M pass./km, 6 026 M t/km. (*69) : 643 100 + 104 900.  : 1 397 000 tjb. (*69) : 586 822 000 pass./km.
Information. (69) : 68 quotidiens. (69) : 1 717 000. (69) : 987 000. (69) : 104 600 fauteuils. (69) : 1 089 700.
Santé. (69) : 4 486. Mté inf. (69) : 13,9.
Éducation. (68). Prim. : 407 245. Sec. et techn. : 488 870. Sup. : 54 886.
Institutions. République indépendante proclamée le 6 décembre 1917. Constitution de 1919. Président de la République : Dr Urho Kekkonen, réélu le 15 février 1968, pour la 3e fois. Premier ministre : Rafael Paasio. Aux élections législatives des 2 et 3 janvier 1972, légère avance des partis de gauche.

France

51 280 000. 93. 0,9 %.
Économie. PNB (69) 2 783. Production (69) : G 137 ; A *117 ; I 139. Énerg. (*69) : 3 518. C.E. (69) : 11 %.
Transports. (*69) : 39 057 M pass./km, 67 208 M t/km. (*69) : 12 000 000 + 2 650 800.  : 6 458 000 tjb. (*69) : 11 716 539 000 pass./km.
Information. (68) : 109 quotidiens ; tirage global : 12 150 000. (69) : 15 796 000. (69) : 10 121 000. (67) : 2 437 400 fauteuils ; fréquentation : 215,7 M. (69) : 8 114 041.
Santé. (69) : 65 600. Mté inf. (69) : *16,4.
Éducation. (68). Prim. : 5 163 575. Sec. et techn. : 3 870 333. Sup. : 622 405.
Institutions. République. Constitution du 4 octobre 1958. Président de la République : Georges Pompidou, élu le 15 juin 1969 ; succède au général de Gaulle, démissionnaire. Premier ministre : Jacques Chaban-Delmas.

Grande-Bretagne

55 730 000. 228. 0,6 %.
Économie. PNB (69) 1 976. Production (69) : G 119 ; A *112 ; I 123. Énerg. (*69) : 5 139. C.E. (69) : 15 %.
Transports. (*69) : 29 612 M pass./km, 24 724 M t/km. (*69) : 11 643 200 + 1 764 700.  : 25 825 000 tjb. (*69) : 17 364 570 000 pass./km.
Information. (66) : 106 quotidiens ; tirage global : 26 700 000. (69) : 18 008 000. (69) : 15 792 000. (69) : 1 538 400 fauteuils ; fréquentation : 215 M. (69) : 14 061 209.
Santé. (67) : *58 485. Mté inf. (69) : *18,6.
Éducation. (67-68). Prim. : 5 122 807. Sec. et techn. : 3 478 906. Sup. : 357 776.
Institutions. Monarchie constitutionnelle. Constitution : charte de 1215, complétée par plusieurs lois fondamentales. Souverain : Elisabeth II ; succède à son père George VI, décédé. Premier ministre : Edward Heath.

Les îles britanniques s'amarrent au continent

Edward Heath l'Européen. Jamais, plus qu'en cette seconde année de son mandat, le Premier ministre britannique n'a dû combattre pour mériter ce nom. Les accords conclus à Luxembourg avec les Six (juin 1971) ne constituaient, en effet, qu'une première manche, en vérité la plus facile. Pour leur donner vie, il lui fallait désormais obtenir l'approbation d'un parlement peu docile, sinon l'adhésion d'une opinion hostile dans sa majorité. Il lui fallait aussi, et surtout, donner à l'économie britannique le sursaut indispensable pour affronter sans danger ses nouveaux partenaires.